Landry Dance of the Masquerade Nervosité

Nervosité

Bien vingt minutes plus tard, nous arrivons au périphérique de Londres, dans un quartier calme et doté de quelques immeubles plus ou moins récents. De pauvres lampadaires éclairent, de leurs ampoules jaunâtres, les trottoirs propres et sans fissures qui longent les terrasses des bâtisses. Nous nous garons, par ailleurs, devant l’une d’elles, blanches aux fenêtres classiques, c’est-à-dire rectangulaires. Un groupement de trois immeubles opalins sont entourés de buissons fleuris qui délimitent les zones d’habitat. Au centre de ces trois derniers semblent se démarquer une piscine éclairée de quelques lumières et cernée par quelques transats – car même s’il ne fait pas souvent soleil à Londres, les anglais adorent se baigner.

Nous sortons de la voiture. Les talons claquant sur le trottoir goudronné, l’air pollué de la ville qui emplit mes poumons, je savoure malgré ça la brise tiède qui vient caresser mon corps encore un peu chaud. Lewis, un petit rictus courbant ses commissures, s’approche de moi en rangeant ses clés dans la poche de sa veste. Je reste figée face à lui, un sourire aux lèvres, le cœur tambourinant à nouveau dans la poitrine.

J’admets que je suis très nerveuse à l’idée d’être seul à seul avec lui, dans son appartement, non pas seulement parce que lui et moi avons envie de faire l’amour, mais pendant le trajet, je me suis trouvée folle, presque suicidaire, car je ne connais même pas Lewis. Il est peut-être un psychopathe ou bien un pervers qui piège des femmes au sein de son habitat pour les violer, que sais-je ! Ou n’est-ce que moi qui suis paranoïaque ? Peu importe : je me trouve très imprudente. J’aurais dû l’emmener chez moi : ça aurait été beaucoup plus avisé.

Mais rien ne m’empêche de refuser, après tout ; il y a bien des bus qui tournent toute la nuit, à Londres, je pourrais donc rentrer chez moi… avec un costume bien extravagant, certes. D’habitude, c’est soit James, soit sa fameuse limousine qui me ramène chez moi. Mais ce soir, les choses prennent une autre tournure… et une tournure de danger. Cela en exciterait peut-être certaines, mais moi ça me refroidit, petit à petit, me raidit et me terrifie. Il faut que je parte…

- Je… hum… bredouillé-je. Il faudrait peut-être que… je parte.

- Pourquoi ? s’intrigue-t-il en fronçant les sourcils.

Le beau rictus qui courbait ses lèvres charnues s’efface subitement de son visage d’ange.

- Je… j’ai un peu peur, je dois te l’avouer.

- Peur de quoi ? Tu n’as rien à craindre tu sais, réplique-t-il en poussant un petit rire.

- Oui mais… on ne se connait pas, et… enfin tu comprends… il y a beaucoup de cas de femmes qui se font agresser lorsqu’elles vont chez un homme qu’elles ne connaissent pas trop et… enfin…

Je sens qu’il me toise. Timidement, je lève mon regard vers le sien et croise son grand sourire amusé. Il rit à nouveau discrètement, s’approche un peu plus de moi et enserre mes mains dans les siennes. Je me pétrifie, comme si je découvrais sa proximité, comme si nous ne nous étions jamais embrassés, et le regarde droit dans les yeux.

- Victoria, dit-il en finissant de rire, tu penses sincèrement que je vais te faire du mal ?

- Je… on n’est jamais assez prudent, rétorqué-je en esquissant un sourire crispé.

- C’est vrai. Mais moi je ne suis pas comme ça. De plus, les hideux pervers qui font ça préfèrent généralement bourrer la victime d’alcool afin qu’elle soit à semi-consciente de ce qu’elle fait et ainsi qu’elle soit plus vulnérable et contrôlable.

- Oui… oui c’est vrai. Mais, hum… comment tu le sais ?

Il rit à nouveau, caresse ma joue avec le dos de sa main et me répond à voix basse :

- Je suis médecin urgentiste, alors des cas de femmes agressées sexuellement j’en ai malheureusement beaucoup rencontré à Londres lors de mes nuits d’intervention.

Oh. Il est médecin. Rien que ça. Très bien. Il est vrai qu’il paraît avoir plus la trentaine plutôt que le début de la vingtaine si l’on observe bien les traits affirmés de son visage, sans qu’il n’y ait néanmoins pas une trace de ride.

- Tu… tu as quel âge ? Je… désolée pour cette question indiscrète…

- Trente-et-un an, répond-il calmement. Et toi ?

- Vingt-cinq ans.

Il hoche la tête et continue à esquisser un grand sourire. Il a l’air d’être sincère avec moi, même si un soupçon de doute continue à ronger ma raison. Bon, au pire des cas, si je me fais agresser par Lewis, je n’aurais qu’à hurler ma détresse… il y a très certainement des voisins en-dessous ou au-dessus de son appartement (ou même à côté).

- Tu veux toujours venir ? s’enquit-il.

Une grande tendresse se dessine dans son regard aux iris qui paraissent presque noires à cause de la nuit. Sa douceur ne me laisse pas indifférente et me rassure un peu plus. D’un côté, même si j’ai peur d’être seule avec lui, j’ai une sorte de honte de penser qu’il serait violent avec moi. Non, pas une honte… comment décrire ce sentiment ? Un embarras ? Une gêne ? Je n’en sais trop rien, et peu importe : il faut que je me détende, que je fasse le vide dans mon esprit et que je profite pleinement de ma soirée. Je réfléchis trop, comme toujours : il faut que j’apprenne à lâcher prise.

- Oui, je veux toujours venir, acquiescé-je en souriant.

Un plus grand rictus écarte ses lèvres délicieuses. Il fait un léger hochement de tête et, doucement, il me tire avec lui vers le bâtiment situé le plus au fond de la zone résidentielle. Nous traversons un petit chemin paré de pavés en pierre garnie de quelques paillettes, scintillant sous les faibles éclats des lampadaires, contournons une petite fontaine constituée de trois cercles, partant, de bas en haut, de la plus grande jusqu’à une plus petite et arrivons, quelques pas plus loin, devant l’entrée vitrée de la bâtisse où habite Lewis. Plus je sens que je m’approche de l’habitat du médecin, plus mon cœur tambourine dans ma poitrine et les vertiges obstruent ma vision.

Il lâche ma main et ouvre la porte puis me fait signe d’entrer en me faisant une sorte de révérence. Touchée mais nerveuse, un rire discret vibre dans ma gorge nouée. Je m’engouffre dans le bâtiment, les jambes tremblantes, les pieds qui semblent marcher dans du sable mouvant, et il emboîte mon pas en fermant la porte juste derrière nous.

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