Fyctia

La musique résonne dans toute la salle du bal et vibre délicieusement dans mes oreilles. Chaque couple de danseur valse autour de cette mélodie à trois temps qui fait tanguer nos jambes et agiter nos tissus. Mon souffle s’halète sous les efforts de la danse, mais mon corps, bouillant et suintant, se laisse bercer par cette ronde féerique. Mes yeux ne perçoivent que les cristaux bleus du regard de Lewis et quelques paillettes qui parent les robes des belles femmes, rendant à notre étreinte dansante une allure surnaturelle.

Je cerne la braise qui inonde les yeux de Lewis et qui l’anime de l’intérieur. Son corps semble être aussi chaud que le mien ; ses mains moites veulent tout dire – ou presque. Il ne cesse d’humecter ses lèvres, comme s’il les préparer pour m’embrasser, encore et encore. Et j’avais raison : une fois que la musique joue sa dernière note, il s’empresse de chatouiller mes lèvres avec les siennes en m’offrant un baiser passionné qui traduit toute son ardeur. Ses doigts effleurent mon dos, traversant une nouvelle fois mon échine, et passent furtivement par-dessus mon fessier pour rejoindre mes épaules.

Il cesse ensuite de m’étreindre, le souffle haletant et la chaleur, émanant de son regard, plus grande qu’il y a quelques instants. Et, tandis qu’une nouvelle musique retentit, nous restons figés, l’un face à l’autre, ignorant les mouvements de ronde qui tournoient autour de nous. A ce moment-même, j’oublie tout, tout ce qui m’entoure, tout ce qui me tracasse, même James. Il n’y a que Lewis et moi et, même si je vais paraître pour une fille facile, je suis prête à passer une nuit torride avec lui, à me laisser bercer par son ardeur, car j’ai drôlement envie de lui malgré les sentiments que j’éprouve pour James.

Mais en même temps, je me trouve hideuse, horrible… sale. J’aime James mais, malgré ça, je suis prête à faire l’amour avec un homme que je ne connais même pas ; je ne connais que son prénom et son regard ravageur. Ai-je tant de tensions en moi que je m’empresse à laisser mon corps jouir sous la danse sensuelle d’un homme quelconque ? Je réfléchis trop, encore…

Je pousse un long soupire et baisse la tête. Que faire ? Se laisser aller ou refuser de s’abandonner au charnel avec Lewis ? Et si, pour une fois, je profitais un peu de la vie plutôt que de me laisser ronger par la culpabilité ou bien le regret ?

- Eh, Victoria, que se passe-t-il ? s’enquit Lewis.

Il prend délicatement mon menton avec ses doigts et relève ma tête vers la sienne. Une larme s’échappe de mon œil droit et longe rapidement ma joue. Je ne sais pas pourquoi je pleure. La nervosité, peut-être : je n’en sais rien.

J’esquisse un sourire crispé, plisse mon regard à cause de ces perles qui inondent mes yeux et lui réplique d’une voix tremblante :

- J’ai peur…

- Peur ?

Je hoche la tête et sens ma gorge se nouer un peu plus.

- Peur de quoi ? demande-t-il en fronçant les sourcils.

- Je… je ne sais pas…

Je pousse un long soupir, le souffle saccadé par les légers soubresauts de mon corps. Lewis pose ses mains sur mes joues et m’observe droit dans les yeux. Le braisier qui l’animait se transforme en une brise de tendresse qui vient caresser mon esprit. Je souris à nouveau, les commissures crispées, une nouvelle larme s’échappant de mon œil et le cœur tambourinant dans ma poitrine.

- Viens, allons autre part, me dit-il d’une voix douce qui semble transpercer la cacophonie de la foule tant elle émane une tendresse affriolante.

J’opine en signe de réponse. Il se saisit délicatement de ma main et me tire vers la sortie de la salle du bal, serpentant entre les couples de danseurs. En arrivant vers la sortie, je croise le regard de Maddy, déjà ivre, qui, malgré son air de dragueuse, semble subitement s’inquiéter pour moi. Elle fronce les sourcils, n’écoute plus l’homme qui entoure sa taille avec son bras et me fixe. Je lui esquisse un sourire et lui souffle un « ça va aller » muet en articulant bien sur les mots. Elle semble se détendre mais garde néanmoins un air soucieux envers moi. Ah, Maddy ! même quand elle est soûle elle reste adorable.

Nous sortons à l’extérieur du palais et rejoignons le grand parking situé à côté de ce dernier. Et voilà, je pense à James maintenant ! et je culpabilise. Pourquoi je culpabilise ? il m’a laissée tomber comme une vieille chaussette dans la salle du bal ; je suis restée bredouille comme une idiote, toisée par de nombreux regards méprisants ou intrigués ! alors pourquoi je me sens coupable ? et coupable de quoi d’ailleurs ?

Nous nous arrêtons près d’une petite voiture noire dont la peinture reflète la lumière de la lune. Lewis se tourne vers moi en esquissant un petit sourire et s’approche en entourant ma taille avec ses bras. Son masque créé une ombre par-dessus son regard que je ne peux plus contempler – et ça me perturbe. Mon cœur palpite toujours dans ma poitrine et je frémis sous la douceur de Lewis malgré les remords qui me rongent encore. Un silence résonne entre nous et laisse la mélodie de la nuit chanter dans nos oreilles.

- Est-ce que tu… tu peux enlever ton masque ? osé-je lui demander en brisant le silence, la voix frêle et les bras tremblants, comme si je lui demandais s’il voulait… coucher avec moi.

Ses lèvres dessinent un plus grand sourire et il acquiesce. Sans plus attendre, il me libère de son emprise et enlève son masque noir. Je me pétrifie lorsque je croise son regard d’ange qui se cachait derrière ce dernier ; sa beauté est immense, ça c’est sûr, mais son regard… son regard ! il n’y a pas de mots pour décrire à quel point il est magnifique. Je craque véritablement face à son charme et sens mon cœur battre de plus en plus vite dans ma poitrine. Mon corps se pétrifie sous cette tension soudaine et délectable qui me ronge, une pulsion électrique traverse mon échine et répand une caresse au sein de tout mon corps et ma gorge se noue tant je me sens tout à coup emportée par l’ardeur.

- A toi d’enlever ton masque, me susurre-t-il d’une voix presque suave tout en se rapprochant à nouveau de moi et en agrippant ma taille avec ses bras.