Fyctia

Qu’est-ce qu’un bal de mascarade ? Un bal où des gens déguisées en tenue vénitienne, portant un masque qui cache leurs yeux ou bien tout leur visage, se réunissent pour danser autour d’une musique romantique ou bien pour déguster un buffet savoureux.

Chaque weekend, un bal de mascarade est organisé dans un palais près de ma ville. Un riche homme, James, adore les costumes et les traditions du carnaval de Venise, alors il se permet d’organiser ce genre d’événement hebdomadaire. Au début, sa fête n’avait pas fait grand bruit, néanmoins, grâce au pouvoir du bouche à oreille, son projet est rapidement devenu populaire. Aujourd’hui, si nous voulons danser dans son bal devenu prestigieux, nous devons réserver à des sommes faramineuses.

Mais moi, chanceuse comme je suis, je connais bien ce cher James, car j’ai été là lors de l’ouverture de son premier bal. Nous avons donc eu l’occasion de discuter à plusieurs reprises, ensemble, autour d’un verre de champagne, et nous sommes devenus de bons amis. Il m’invite chaque semaine et, bien sûr, j’accepte avec plaisir.

J’aime me déguiser, me vêtir d’une robe de princesse et me cacher derrière un masque sublime. Chaque mois, je m’achète de nouveaux vêtements vénitiens ainsi que des masques toujours plus beaux, plus esthétiques. Et ce soir, c’est avec fierté que je vais pouvoir montrer mon nouveau costume encore plus magnifique que les deux précédents.

Depuis combien de temps ça dure, ces soirées de mascarade ? Seulement deux mois. Avant ça, je n’avais pas cette étrange passion du déguisement, mais après une dure rupture avec mon ex, Yann, j’ai voulu prendre une nouvelle ère, un nouveau départ, et changer mon apparence à travers différents costumes était devenu un grand engouement qui soignait mon cœur brisé. Oui, brisé, car il m’avait quittée pour une autre tandis que je l’aimais de tout mon cœur. Mais qu’importe : c’est du passé. Et lorsque j’ai vu sur les réseaux sociaux qu’un bal de mascarade était organisé près de chez moi, j’ai aussitôt sauté sur l’occasion en m’achetant ma toute première tenue vénitienne.

- Victoria, je mets plutôt du rouge ou du violet sur mes lèvres ? me demande Maddy.

Maddy, une jeune femme résolue et bon-vivante, est une amie que j’ai rencontrée lors d’un bal. Je l’adore, c’est sûr : elle et moi partageons une très belle amitié, même si ça ne fait qu’un peu plus d’un mois que nous nous connaissons.

- Rouge, lui répliqué-je, ça va mieux avec ton teint hâlé et ta robe.

Elle opine, me sourit puis retourne se maquiller dans ma salle de bain. Son appartement est bien trop petit pour que nous puissions nous y préparer toutes les deux, alors elle vient chez moi, chaque samedi, pour se faire belle. Nous aimons nous conseiller quant à la tenue, le maquillage, la coiffure… tout ! Et puis, c’est l’occasion de se raconter quelques ragots croustillants, particulièrement elle qui est une véritable croqueuse d’hommes. Je ne compte même plus le nombre de fois où elle s’est adonnée au charnel après un bal… ! Et moi ? Je n’ai pas encore osé…

Je me regarde dans le miroir avec des yeux qui pétillent. Je suis vêtue d’une robe en taffetas doré, du style victorien, ornée d’arabesques rococo tissés avec une broderie en or plus foncée. Cette tenue est drapée de quelques dentelles sur mon décolleté qui forment deux couches de volant ainsi que sur le bout des manches trois-quarts. Par-dessus mon col en berthe, qui met ma poitrine en valeurs, une petite broche formée de deux roses ambrées retient les bordures de ma cape blanche et en velours. Une couture de corsage marque ma taille fine et une jupe très évasée traîne légèrement sur le sol.

Mes cheveux forment des boucles anglaises larges et bien faites qui descendent en cascade par-dessus mes seins. Un petit chignon en forme de rose, fait avec des rubans blancs en soie, retient une partie de ma chevelure et me donne un air encore plus élégant.

Quant à mon maquillage, j’ai légèrement pâli ma peau déjà livide de base, paré mon regard d’un maquillage charbonneux avec un soupçon de doré afin de faire ressortir mes yeux verts et couvert mes lèvres pulpeuses d’un rouge à lèvre de couleur « rose thé ». Un peu de poudre incarnadin recouvre mes joues pour me donner un air plus noble.

A me voir, on dirait que je sors tout droit dix-neuvième siècle… voire dix-huitième. Mais ça me plait, j’aime m’habiller de la sorte, même si ça prend trois heures à préparer. Je me saisis de mon masque en loup vénitien, orné de perles dorées et nacrées sur son contour, d’une partie craquelée sous les yeux ainsi que d’un plumet blanc, enfile le fin ruban autour de ma tête et réajuste le masque devant mon regard. J’ai pour habitude de me trouver passable, voire moche en temps normal, mais chaque samedi soir, je me trouve belle, sublime.

- T’es prête, Maddy ? lui demandé-je à voix haute.

- Bientôt ! J’arrive !

Toujours elle qui est en retard : ça ne change pas. Je pousse un long soupire tout en esquissant un sourire amusé. J’en profite pour réajuster ma cape, secouer ma jupe des quelques replis rebelles et vérifier si mon rouge à lèvre est correctement mis.

- Me voilà !

Je virevolte vers elle, la toise puis croise son air radieux dissimulé derrière son masque rouge, or et blanc. Vêtue d’une robe vermeille, parée, par-dessus sa jupe, d’une dentelle finement cousue ainsi que de perles dorées réparties de façon régulière, elle est magnifique et je suis presque jalouse d’elle. Mais qu’importe, je contemple sa beauté durant quelques secondes avant de lui dire sur un ton réjoui :

- Tu es magnifique !

- Et toi alors ! Tu vas faire craquer tous les hommes du bal.

- Arrête, ris-je nerveusement, dis pas n’importe quoi.

- Eh, ce soir, je veux te voir avec un gars, ok ?

- On verra !

Elle me regarde avec insistance et d’un air dubitatif. Elle sait que je ne vais pas oser m’approcher d’un homme et je ne vais pas le faire. Pourquoi ? La timidité, peut-être. Ou la peur de me recevoir un vent, ce qui est plus probable !

- Bref, soupire-t-elle. Partons nous amuser !

Je hoche la tête en signe de réponse et esquisse un grand sourire. Nous voilà parties pour une soirée sublime, comme (presque) chaque samedi !