Fyctia

Nous arrivons devant un immense habitat éclairé par quelques projeteurs LED incrustés dans le sol. De nombreuses personnes s’engouffrent dans le palais aux murs blanc cassé en passant par la sécurité. Maddy et moi esquissons un grand sourire lorsque nous sortons de la limousine qui transportait les invités de James. Eh oui, une limousine ! Chaque samedi nous avons droit au luxe et aux paillettes malgré notre petit salaire. Je suis infographiste et mon amie est serveuse dans un bar, mais nous mettons, chaque mois, des sous de côté pour pouvoir payer nos costumes. C’est notre petit plaisir mensuel !

Nous nous dirigeons vers l’entrée de la villa. De nombreux claquements de talons retentissent dans la grande cour parée de pavées grises aux quelques lueurs d’étincelles argentées. Une grande fontaine, ornée de deux statues d’ange, est placée au milieu de cette place et coule une eau transparente que l’on aurait presque envie de boire.

Je sens Maddy me tapoter le coude avec le sien pendant que nous marchons. Surprise, je sursaute un peu, fronce les sourcils, tourne ma tête vers la sienne et croise son regard coquet. Oh non, qu’est-ce qu’elle va me sortir…

- Eh, ce soir, avec James… dit-t-elle en riant discrètement.

- Non, s’il-te-plaît ! soupiré-je.

- Il t’a tellement draguée la dernière fois !

- Mais ouais, bien sûr…

- T’es aveugle ma p’tite ou quoi ? Il a dansé avec toi, il t’a offert un verre puis a discuté avec toi jusqu’à presque trois heures du matin ! Il craque pour toi, c’est sûr.

- Ouais, peut-être, répliqué-je avec nonchalance en haussant les épaules.

Je regarde à nouveau droit devant moi, tentant d’esquisser un air impassible.

- Ce soir, ce sera galipettes au lit avec ton p’tit James… poursuit-t-elle.

Je l’observe à nouveau, les yeux écarquillés, tandis qu’elle me fait un clin d’œil tout en esquissant un grand sourire malicieux. Elle fera tout pour nous rapprocher, c’est sûr : elle en est capable. Une étrange ardeur monte néanmoins en moi lorsque je pense à James. Certes, il ne me laisse pas indifférente, mais quand même ! S’adonner à la passion, comme ça ? Je ne l’ai jamais fait. Ou peut-être une fois…

Nous montons les escaliers qui mènent à la grande salle du bal. Mais en arrivant en haut, mes pieds s’emmêlent. Je trébuche donc sur une marche et tombe sur une personne quelconque qui amortie ma chute. Honteuse, je me relève aussitôt, légèrement chancelante, et sens mes joues rougir.

- Par… pardon ! Je suis désolée… bredouillé-je.

Je suis tombée sur un homme magnifiquement bien habillé, caché derrière un masque loup noir. Il époussète son sombre pantalon, défait d’un revers de la main les quelques replis rebelles de sa vestes grise aux basques dédoublées en pointe puis se tourne vers moi. Je cerne son regard aux yeux d’azur derrière son masque orné de quelques dentelles argentées sur son sommet. Je rate un battement de cœur tant son visage semble magnifique et tremble comme une feuille, intimidée par sa prestance plutôt imposante.

- Je… je ne faisais pas attention à…

- Ne vous en faites pas, me coupe-t-il en esquissant un grand sourire. Vous allez bien au moins ?

- Ou… oui, enfin… oui…

Il rit discrètement et, sans que je m’y attende, me tend sa main et se penche légèrement vers moi :

- Pour vous faire pardonner de votre maladresse, me dit-il d’une voix mielleuse, dansez avec moi à l’ouverture du bal.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine, ma gorge se noue, mon corps se pétrifie et mon souffle s’halète. Je ne sais pas quoi dire, ni comment réagir et sens la panique fleurir rapidement en moi. Un petit sourire crispé plisse néanmoins mes joues rosées et je lui réplique d’une voix fluette :

- Je… j’accepte.

Un plus grand rictus écarte ses lèvres charnues. Il approche sa main vers moi. Maddy tapote mon bras avec son coude. Je comprends ainsi qu’il faut que nos mains s’étreignent et j’enserre donc mes doigts avec ceux du mystérieux homme qui émane un doux parfum à la fois sucré et viril. Mon cœur palpite de plus en plus et un délicieux frémissement me fait doucement tressaillir. J’avance à ses côtés en tentant de ne pas trop tituber tant mes jambes tremblotent et tourne ma tête vers Maddy qui marche au loin en dessinant un grand sourire satisfait. Je ne peux m’empêcher de laisser un petit rictus écarter mes lèvres et je sens mes joues rougir ainsi que mes tempes bouillir : je tiens quand même la main à un homme quelconque !

Nous arrivons près de la sécurité, qui me reconnait très vite malgré mon masque. Ce doit être mes cheveux noirs, toujours coiffés en boucles anglaises, qui leur permettent de me distinguer des autres gens costumées… ou bien mon attitude ? Que sais-je, et peu importe : au moins je n’ai pas à justifier mon identité.

Un des agents de la sécurité fait un hochement de tête et nous laisse tous les deux entrer. Il connaît donc l’homme qui me tient la main ? Mais je ne l’ai jamais vu, pourtant, dans ce bal ! Ou bien j’étais bien trop concentrée sur la nourriture exquise que servent les traiteurs de James…

Nous nous engouffrons donc dans la salle du bal qui est déjà bondée de monde. Tout est en marbre ambré et en or, orné de quelques fleurs rouges ou bien blanches qui rajoutent de la chaleur dans cette pièce gigantesque dotée d’un grand luxe. Je ne peux m’empêcher de contempler la beauté des lieux comme à chaque fois que j’y entre. Comment ne pas être indifférente, face à ça ? C’est juste sublime.

Je virevolte à nouveau vers Maddy, qui me fait signe de la main comme pour me dire « au revoir » ou bien « à tout à l’heure ». A en croire ses yeux pétillants, elle a déjà repéré un homme. Je me demande comment elle peut tomber sous le charme d’une quelconque personne tandis que nous sommes tous masqués… ou bien n’est-elle qu’attirée par les beaux muscles dissimulés sous des habits élégants ? Je hausse les épaules puis observe à nouveau droit devant moi. Le mystérieux homme lâche notre étreinte pour glisser son bras autour de ma taille. Audacieux, dis-donc…

Mes joues s’empourprent et mon corps se pétrifie. Je n’ai pas l’habitude d’être si proche d’un homme… du moins, aussi vite. Ça ne fait que cinq minutes que nous nous connaissons et nos corps sont déjà si proches de l’un et de l’autre… !

Sa tête se tourne vers la mienne. Je ne peux m’empêcher de le regarder également dans les yeux. Son regard est à la fois intense et doux, chamboulant mon cœur qui panique tant l’ardeur fleurit en moi.

- Quel nom se cache derrière ce masque doré ? demande-t-il.

- Vic… Victoria, répliqué-je timidement.

Une légère courbe relève le bout de ses lèvres et ride délicieusement ses commissures.

- Victoria, répète-t-il après moi d’une voix suave.

J’en frissonne tant j’adore l’entendre épeler mon prénom avec sa mélodie envoûtante. Je pourrais presque jouer avec lui face à ce jeu évident de séduction, mais ma timidité l’emporte sur mon audace. Je reste donc stoïque, esquissant un sourire bête et simple, le cœur battant rapidement dans ma poitrine.