Fyctia
Chapitre 17 - Simon
La maison creusée dans la roche était trouée de tunnels. Simon tourna un moment dans les méandres de ses boyaux. A la faveur de ses errances, il découvrit une cavité à l’écart des artères principales. Des lampes à matière blanche projetaient une douce lumière sur les parois ocre rouge de cette grotte. Et un bassin retenait un filet d’eau qui suintait de la roche. Cette cavité était suffisamment vaste pour s’entrainer, et suffisamment éloigné des espaces communs pour le faire en toute tranquillité. Si, Simon se fiait aux explications de Max, l’entraînement ne serait pas superflu pour réussir le concours d'entrée.
La légende du Nord était restée évasive au sujet des épreuves de sélection. En revanche, il avait été clair sur l’emploi du temps des prochains mois. Pour commencer : entraînement. Ensuite: entraînement. Après : entrainement. Et enfin : vérification des acquis de l’entraînement. En bref, ils allaient en baver.
A côté du bassin, sous une tapisserie, Simon dénicha l’entrée d’une galerie peu profonde. Au bout, une porte en bois. Derrière la porte, une chambre ronde. L’absence de coin donnait à cette pièce des allures de nid. Fait exceptionnel, elle était dotée d’une fenêtre qui offrait une vue imprenable sur l’extérieur.
- Premier trouvé, premier servit, pensa-t-il avant de s’installer.
Avec un sort rafraichissant, Simon chassa l’air vicié. Puis, il répéta deux fois pava pava très vite. Malheureusement, isolé des autres mages, il manqua de puissance et son sort capota. Lui qui rêvait de couvertures moelleuses et d’étoffes soyeuses, il devrait se contenter d’un oreiller déplumé et de draps rêches.
Comme, il n’était pas 19h00, heure à laquelle Max les avait tous convoqués en bas, Simon poursuivit sa visite. Il s’aventura un peu plus profondément dans les cavités creusées sous la falaise. Là, des rires étouffés et des murmures ricochaient sur les parois froides et brillantes. Simon remonta leurs pistes. Il se perdit, rebroussa chemin, puis s’engagea enfin dans un tunnel souterrain qui s’enfonçait sous la terre. Il se rapprochait des rires ‘cascades’ et des voix feutrées. Simon identifia les voix de ceux qu’il considérait désormais comme ses coéquipiers.
Il tourna en rond quelques minutes encore, avant de pénétrer dans une salle immense étayée par des poutres colossales. Au milieu de cette caverne, Sven, Marcus et Let, penchés au-dessus d’une table en pierre, contemplaient avec fascination un petit objet métallique noir brillant. Les voir ainsi afférés mais visiblement excités, suffit à apaiser le sentiment de solitude que Simon se trainait depuis un moment.
- Qu'est-ce que vous faites ? demanda-t-il en entrant.
- Un système d'alarme, répondit Sven.
Seuls, Let et Marcus sursautèrent à son arrivée. Sven, lui, ne leva même pas les yeux. Concentré.
- On va l'installer à l'extérieur de la maison. Si quelqu'un essaie d’entrer: boom, on le détectera aussitôt, expliqua Let occupée à tracer des runes complexes sur une petite plaque de métal.
- Une idée de Sven, compléta Marcus.
- Pas tout compris, mais en gros : il veut automatiser mes sortilèges d’illusion pour piéger la maison.
Simon s’approcha encore. Il discernait maintenant, un tas d’objets enchantés étalés sur la table immense.
- Tu vois là, c’est le dispositif pour l’extérieur. Les intrus qui le déclencheront, nous signaleront eux-mêmes leur présence. Malin ! commenta Let avec un sourire ravie.
- Ah, et quel sortilège comptes-tu utiliser pour accomplir cette prouesse ? ironisa Simon qui doutait.
- Une chute. Précipité dans un ravin, tout le monde cri !
Effectivement ! Le moyen semblait radical, mais efficace.
- Je double le système avec un détecteur de mouvement. La chute, ça nous permet juste de les retarder un peu, ajouta Sven, le nez dans ses outils.
- Qu’est-ce que c’est que tout ce fourbi ?
Marcus, qui était en train de bricoler un étrange engin, ricana.
- Tu ne connais pas encore la passion de mon frère pour les objets anciens. Le coté bordélique, ça c’est gratos. Ça fait partie de son charme, expliqua Marcus, très sérieusement.
Une fois le dispositif terminé, Marcus et Let s’en allèrent le tester. Après leur départ, un silence gêné s'installa dans ce qui était devenu -semblait-il à Simon- l’atelier de Sven.
- Alors, comment tu as fait pour comprendre que je... Enfin, tu sais, commença Simon, hésitant.
- Quoi ? Comprendre que c’est à toi que je dois l’exploit d’avoir piégé Tania dans une cage ? Ou bien, comment j’ai remarqué que tu pouvais siphonner les forces magiques d’une arène entière ? Comprendre que tu n’hésiterais pas à saboter le combat de Tania contre Valdek, au risque de nous mettre tous en danger ?
- Dis comme ça, j’ai l’air d’un sale type, articula Simon pour toute réponse.
Sven releva enfin le nez des circuits imprimés et des pièces détachées.
- Je voulais dire pour avoir remarqué, avant tout le monde, que j’entrais dans cette pièce ? risqua Simon pour dénouer un peu la tension.
- J’ai un sixième sens pour ces choses-là. Je peux voir la magie sous toutes ses formes. En quelque sorte.
- Tu peux sentir ma magie toucher la tienne ? demanda Simon avec un peu plus d’empressement qu’il ne l’aurait voulu.
Sven garda le silence. Simon se sentit mal à l'aise, comme si Harris pouvait deviner ses pensées. Et ça, il ne l’aurait voulu pour rien au monde. Heureusement, Sven changea de sujet.
- À propos de ton arrestation, je ne savais pas que ça irait aussi loin. Je suis désolé pour le fouet.
Sven Harris était peut-être moins arrogant que Simon ne se l’était imaginé. Décidément, il n’arrêtait pas de le surprendre.
- Ok, répondit simplement Simon qui laissa errer son regard sur le bazar étalé sur la pierre.
- C’est à toi tout ça ?
- Les joies de la dématérialisation magique, plaisanta Sven avec un soupçon de honte et de satisfaction mêlées.
- Les livres de sortilèges aussi ? l’interrogea Simon à nouveau.
- Oui.
Sven laissa le silence s’installer encore, pendant que Simon passait en revue, avec intérêt, les livres entassés sur la table. Le magicien des bas se laissa absorbé par la lecture d’un sort compliqué. Quand, il eut terminé, il referma le livre d’un geste sec. Il surprit alors le regard de Sven posé sur lui.
- C’est drôle que tout le monde te reproche d’être une tête brulée. J’ai plutôt l’impression que tu excelle dans l’art de t’attirer des ennuis, laissa échapper Harris.
Simon confirma avec un geste de la tête. Il n’ajouta rien de plus. Il n’aimait pas vraiment parler de lui, et ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait commencer. Même à Harris. Surtout à Harris. Puis subitement, à grandes enjambées, il se dirigea vers le tunnel. Il commençait à manquer d’air. Sa respiration devenait hachée.
- Moi aussi, je peux sentir ta magie, déclara-t-il juste avant de sortir de la pièce.
Simon regretta immédiatement ses paroles, et fonça dans le tunnel tête baissée. Et merde, pensa-t-il, alors qu’il fuyait, effrayé par des pensées impossibles à maîtriser.
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