Fyctia
Chapitre 16 - Max
- Tu me surveilles ces vandales comme le lait sur le feu, je compte sur toi, avait gueulé l’intendant à Max avant de disparaître.
C’était donc à contrecœur qu’il s’était résigné à escorter les nouvelles recrues dans leur quartier. De toute façon, il n’avait pas le choix. Chaque année, lorsque les novices entraient à l’Université, l’école formait des équipes et nommait deux étudiants de deuxième année pour les encadrer. Pour l’instant lui seul avait été désigné pour s’occuper des novices du Nord. Et cela ne l’amusait pas beaucoup. Il doutait que le recteur dégote un autre élève sans provoquer une petite révolution.
En effet, après la nouvelle de leur arrivée, Max avait entendu dire que certains parents avaient écrit au recteur pour manifester leur mécontentement. Et, des étudiants de première et deuxième année avaient même menacé de quitter l’école.
Evidemment personne ne s’était porté volontaire, si bien que Max était seul à se coltiner cette bande de sauvageons. Aux vues des évènements récents, les six prochains moins s’annonçaient mouvementés. Sur le chemin qui menait à la résidence qu’ils allaient occuper, Max écoutait distraitement Tania se lamenter. Elle ne digérait toujours pas sa défaite contre Valdek,le pyromancien.
- Impossible, impossible, répétait-elle en boucle.
Pourtant, rien d’étonnant à cela, Valdek avait commencé l’étude de la magie avant même de savoir compter. Sa famille était issue des grandes lignées. Et à l’université, il se classait parmi les magiciens le plus prometteurs de sa génération.
- IM-PO-SSI-BLE!
Tania n’en revenait toujours pas. Sven Harris ,quant à lui, marchait comme un zombi, suivi de prêt par Simon Mars. Max ne savait pas pour quelle raison, toujours est-il, qu’une colère sourde s'était emparée de lui dès qu’il l’avait reconnu le garçon de la zone 5 des bas du Nord. Tous les deux habitaient le même quartier, lorsqu’ils étaient enfants. Ils s’étaient croisés. Curieusement, ses souvenirs liés à Simon manquaient de précisions. Cette sensation causait en lui un malaise indicible. Max que tout le monde décrivait comme l’incarnation de la force tranquille, perdait ses moyens et enrageait au contact de Simon.
- Carrément impossible ! n’en démordait pas la fée.
Enfin, ils arrivèrent enfin au pied de la résidence. Là où, les jeunes du Nord et Max demeureraient pendant toute la période de préparation au concours d’entrée de première année. C’est-à-dire 6 mois. Max n’avait de grandes expectatives à ce sujet : ils échoueraient tous, probablement. Pourtant, l’étudiant de deuxième année ferait de son mieux car lui aussi jouait son passage dans la classe supérieure. Heureusement, il ne serait pas jugé sur la performance de son équipe, mais sur la qualité des entrainements qu’il dispenserait.
- On va habiter ici ? Vraiment vrai ? C’est immense, s’émerveilla Tania, qui pour un instant oublia sa défaite.
Creusée à même la falaise, l’imposante maison troglodyte était vaste et confortable. Une grande porte en bois sculptée s'ouvrait sur un hall spacieux, fermé par une lourde tenture. Max souleva ce rideau épais qui sentait la poussière et le feu de cheminée. A la file indienne, les cinq nouvelles recrues pénétrèrent dans le loft dont les murs et les sols en pierre étaient recouverts de tapisseries flamboyantes et d’étoffes colorées. Les grandes fenêtres de l’unique façade offraient une vue imprenable sur l’entrée Nord de la bibliothèque universitaire, derrière le bâtiment, un paysage rocailleux constitué de pics aiguisés et de cols abruptes se découpait sur fond de ciel.
L’intendant avait choisi une demeure à l’écart de la cité U pour éviter les tensions de voisinage. Mais cet isolement les rendait vulnérables. Loin, à l’abris des regards, tout pouvait arriver.
Pendant que les magiciens fraîchement débarqués prenaient possession des lieux et se répartissaient les chambres, Max disposa le bois dans la cheminée. Depuis qu’il habitait la thermosphère, il avait appris à effectuer ces gestes ancestraux sans avoir recours à la magie. Parfois, il lui arrivait même d’aller glaner du bois dans la forêt.
Pour l’heure, ce rituel l’aida un peu à contrôler ses nerfs. Enfin, il prononça un petit sort étincelle pour enflammer les fagots. Quand la braise se forma la cendre, il battit le rappel des troupes, et veilla à ce que tout le monde s'installe autour de l'âtre, dans les fauteuils et le canapé. Il força Tania, qui volait d’un pallier l’autre, à venir s'asseoir elle-aussi.
- J’ai beaucoup de chose à vous dire, souligna Max d’un voix ferme.
Accoudé à la pierre de taille massive qui ornait la cheminée, Max attendit le silence. Il avait été désigné pour encadrer ces novices, et il ne gêna pas pour leur signifier. Aujourd’hui, ce n’est pas un choix de les conseiller, mais une obligation, qu’ils se le disent !
- Il faut aussi que vous sachiez : toutes les autres équipes de novices sont composées de magiciens venus des quatre coins du monde. Aujourd’hui, ils ont refusé catégoriquement d'être mêlés aux habitants du Nord. Soyez certain que votre petit esclandre ne va rien arranger.
Comprenez bien : vous êtes seul contre tous. Je vous conseille d’être solidaire, et surtout de ne plus faire de vague.
A force de travail acharné, Max avait réussi à s'intégrer et à faire oublier, aux autres, ses origines. Malheureusement, l’arrivée de ces cinq imbéciles risquait d’anéantir tous ses efforts. Aujourd’hui, il s’y était habitué à la discrimination. Elle l’indifférait. Pire, il la comprenait. Mais Max redoutait les amalgames. Il n’était pas comme eux.
L'histoire du bouclier magique allait certainement se répandre comme une trainée de poudre dans l'école. Des incidents ne manqueraient pas d’éclater, et les tensions s'envenimeraient. Il y aurait des représailles, forcément. Il était prêt à le parier. Max ne serait d’aucun recours pour eux. Il ne mettrait pas en jeux sa réputation pour une bande de magiciens médiocres et fiers, qui de toute évidence ne passerait pas les sélections.
- Je vais vous présenter le programme, commença-t-il, glacial. Et vous expliquer comment va se dérouler le concours d’entrée. Mais avant tout, je voudrais que vous compreniez une chose : ici, on ne fait pas n'importe quoi. Il y a des règles à respecter, et elles ne sont pas optionnelles.
Il s'arrêta un instant, les fixa tour à tour. Volontairement, ses yeux s'attardèrent plus longtemps sur Simon.
- J'en ai vu suffisamment pour conclure que certains d'entre vous ont du mal à se conformer aux règles. Mais ici, c'est moi qui décide. Et si vous ne voulez pas me suivre, vous êtes libres de partir.
Il espérait que la menace non déguisée suffirait à calmer ses ardeurs.
- C’est eux qui nous ont attaqués. On a fait que se défendre, protesta Simon.
- Je m’en fous Mars. Ici, tu écrases parce que les têtes brûlées dans ton genre ne font pas long feu ! Est-ce clair ? aboya Max menaçant.
- Limpide, rétorqua Simon.
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