Fyctia
Chapitre 9 - Poa
Poa était folle d’inquiétude, elle ne comprenait rien à ce qui se tramait en bas dans l’arène. Elle avait seulement senti un vent violent se lever. Simon, les yeux révulsés, toujours perché sur le rempart, semblait frôler la catatonie. Quant aux frères Harris et à celle que tout le monde appelait l’abomination, eux aussi souffraient de multiples blessures et de contusions. Horrifiée, Poa s’attendait à ce que la créature enragée les extermine un à un.
Sous l’effet d’une mystérieuse alchimie, le vent et l’angoisse s’étaient combinés pour brouiller les perceptions de Poa. A l’intérieur de son corps quelque chose avait bougé, au sens littéral du terme. Sous sa peau, fourmillaient des lianes volubiles et invisibles qui s’enroulaient autour de ses membres et les comprimaient. Des milliers d’épines lacéraient sa peau tendre. A mesure que le vent forçait, la douleur provoquée par ces mirages tactiles s’intensifiait. Quand le vent devint tempête, le corps de Poa s’embrasa.
Au centre de l’arène, Simon en transe leva soudain les bras au ciel. Les hurlements et la course folle du vent : figés ! La douleur de Poa : envolée ! Pourtant, cette accalmie n’augurait rien de rassurant. Pareille au calme précédent les tempêtes. Poa et l’assemblée retenaient leur souffle à l'unisson. Puis, Simon, sans prévenir, plaqua ses mains vers le sol en direction du Minotaure. A cet instant, la vague de douleur, pour un temps suspendue, déferla sur le corps à demi-brisé de Poa. Quand la souffrance atteint son paroxysme, la jeune femme sentit éclore en elle quelque chose de nouveau. Là, aux creux de son ventre, juste sous son nombril, des bruissements furtifs. Elle voulut regarder sous sa tunique mais la présence de Jude Klock assis à quelques pas de là l’en dissuada.
De toute façon, elle n’eut pas le temps d’esquisser le moindre geste car une détonation surpuissante retentit dans l’arène. Le souffle de l’explosion arracha un cri de terreur à la foule entassée dans les gradins, et souleva une nuée de poussière noire qui obscurcit le ciel artificiel. Un silence épais recouvrit l’arène et ses tribunes, un silence fracturé seulement par des sanglots de gosses et les chuchotements réconfortants de leurs parents.
Après l’attaque lancée par Simon, Jude Klock s’était levé d’un bon. Il avait saisi sa tête à deux mains en marmonnant une série de syllabes incompréhensibles. Une phrases où il était question des mauvaises manières des gens du Nord. Désormais, le président du comité magique se penchait au-dessus de la balustrade, et se dévissait la tête dans l’espoir d’apercevoir quelque chose à travers cette purée de pois.
La poussière retomba lentement sur les ruines du labyrinthe, révélant un paysage lunaire. Les murs en pierre autrefois épais et solide étaient désormais troués de brèches béantes. Le Minotaure, cette créature terrifiante, n'était plus qu'un souvenir, une ombre fantomatique dont les morceaux dispersés gisaient dans la poussière et se désintégraient en particules dorées. La vue de cette créature autrefois puissante, réduite à l'état de bouillie informe, provoqua en Poa un mélange de fascination et de répulsion.
Sous la tunique de la jeune fille, les mystérieuses illusions sensorielles avaient repris leur danse. Elles ondulaient à présent. Les douleurs avaient disparu, mais elles gagnaient du terrain. A présent, Poa les sentaient lécher ses poignets. L’ombre d’une feuille nervurée et mouvante se dessina sur le dos de sa main. Affolée, Poa tira sur sa manche pour cacher le motif improbable et interdit. Heureusement, la foule et Jude Klock étaient tous bien trop occupés à scruter le centre de l’arène à la recherche des héros disparus pour lui prêter attention.
A cet instant précis, peu lui importaient les dessins animés qui dansaient sur sa peau. La peur d'avoir perdu Simon, une fois encore, la rendit imprudente. Comme Jude Klock, Poa vint s'agglutiner à la balustrade de la tribune dans l’espoir d’apercevoir, vivants, Simon et les autres magiciens. Après une attente terrible, la poussière se dissipa enfin. Au milieu des décombres, la fée, ailes déployées, s’éleva triomphante au-dessus des ruines. Son visage était illuminé d'un sourire enfantin, qui contrastait avec l’ambiance désolée du labyrinthe. Sven gisait, inerte, sur le sol, un filet de sang coulant de sa tempe. Marcus, le visage pâle, le tenait entre ses bras, tout en le secouant doucement.
- T’endors pas ! suppliait-il, la voix éraillée d’avoir trop crié.
Simon, stoïque, observa ses compagnons d’infortune avec une sorte de détachement que démentaient, pourtant, ses poings serrés.
- Ils sont vivants. Un miracle, cria quelqu'un dans la foule.
Un murmure parcourut les gradins, et des cris de joie fleurirent au quatre vents. Un spectateur applaudit, puis un autre, puis tous. Ils furent des centaines à se lever pour acclamer ceux, qui en l’espace d’une poignée de secondes, venaient d’être promus au rang de héros nationaux. Ils avaient vaincu le Minotaure !
La fée effectua une pirouette dans les airs. Les spectateurs, galvanisés, se déchainèrent alors. Des vivats retentirent de toutes parts. Même Simon, qui affichait rarement ses émotions, ne put réprimer un sourire.
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Anthony Dabsal
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Rosa canina
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Anthony Dabsal
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Aldokabs
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Julie Emilie M
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Il y a 6 mois