Fyctia

Avant même que le sol ne commence à trembler, on entendit un grondement inquiétant se former sous la surface de l’arène. Les secousses et les craquements montaient en puissance, alors que des lignes parallèles et des intersections se dessinaient dans la poussière noire. En quelques secondes ces figures géométriques se muèrent en murets de quelques centimètres à peine. Sous l’effet d’une poussée inouïe, ces murets s’élevèrent rapidement au-dessus du sol.

Au milieu de ce désordre, les gardes paniqués se prirent à courir dans des directions opposées. Tania, elle déploya ses ailes pour se hisser au-dessus de l’arène et du labyrinthe en cours de formation. Simon toujours attaché au poteau de torture répéta Vadampildi deux fois pour se libérer. Mais seul le poteau s’évanouit, les chaînes elles ne se désintégrèrent pas comme il l’avait espéré.

- Saleté de magie, grogna-t-il se résignant devant son absence presque totale de pouvoir.

Sans plus réfléchir, les mains toujours attachées, le dos ensanglanté, Simon s’élança alors vers l’un des murs. Il s’agrippa, comme il put, à la paroi qui s’érigeait d’elle-même. L’opération était périlleuse et il tomba deux fois avant de trouver une prise décente. La troisième fois, Simon s’agrippa solidement, ses doigts se verrouillèrent dans les interstices du mur et il calla ses pieds sur le relief d’une pierre qui dépassait très légèrement à la surface.

Malgré le halo de poussière qui s’élevait dans l’arène, Tania repéra Simon. D’un battement d’ailes, elle se précipita à sa rencontre. Avec son aide, le jeune homme parvint à se hisser le long de la paroi jusqu’au sommet. Là, à plat ventre, ils attendirent que la tempête tellurique s’apaise. Enfin, lorsque les grondements et les tremblements cessèrent, ils entendirent, au loin, les hurlements d’un garde suivi des rugissements du Minotaure.

Perchés là-haut sur la muraille, Simon et Tania se relevèrent enfin pour contempler labyrinthe sinueux qui couvrait la totalité de l’arène. Incrédule et horrifié, Simon observa la foule exulter. Remis de leur surprise, les spectateurs à l’abris derrière le champ de force n’avaient pas perdu leur temps. Ils s’étaient regroupés sur les tribunes en hauteurs délaissant les étages inférieurs qui n’offraient pas de vue plongeante sur l’arène, et le massacre qui s’annonçait. Des gosses mangeaient des sucreries, des magiciens brasseurs servaient des pintes de bières en claquant des doigts. Et les bookmakers réunis pour le concours profitaient, quant à eux, de cette aubaine pour prendre les paris. D’où il se tenait Simon ne pouvait pas entendre le montant des paris ni la cote attribuée au Minotaure qu’il supposait être bien plus élevée que la sienne.

À quelques mètres sur sa droite, Simon aperçut Sven et son frère perchés, eux aussi, sur un mur fraichement sorti de terre. Les deux garçons essayaient d'attirer leur attention, tout en restant silencieux pour ne pas être repérés par la créature occupée à chasser les derniers gardes encore en vie.

- Je vais nous rapprocher d’eux. Laisse-moi faire, ordonna Tania d’une vox impérieuse alors qu’elle s’apprêtait à prendre Simon dans ses bras pour s’envoler rejoindre Sven et son frère.

- N’y pense même pas, s’indigna-t-il en rougissant.

La tête haute, Simon chantonna quelques vers sur un air dansant et léger, alors une paire de scandales ailées remplaça bientôt ses vieux godillots. Vadampildi, et les chaînes qui entravaient encore ses poignets tombèrent au sol. Le garçon s’envola d'un bond rejoindre Sven et Marcus sans un regard pour Tania, qui leva les yeux au ciel pour signifier son incompréhension aux étoiles.

Lorsque Simon eut rejoint Sven, l’apprenti se précipita à sa rencontre, l’air inquiet.

- Montre-moi ton dos, jeta-t-il en guise de salut, tout en posant une main sur l’épaule meurtrie et brûlante de Simon sans toucher ses blessures.

- Nan, ça va, le rembarra Simon sans ménagement.

- Ça t’embêterait d’être aimable pour une fois ! s’indigna l’apprenti magicien, avec dans ses yeux toujours la même lueur d’inquiétude.

- Monsieur a sa petite fierté, ajouta aussitôt Tania l’air faussement vexée elle aussi.

- Bon vous avez fini ! On passe à la suite ! Je vous rappelle qu’on est coincé dans un labyrinthe avec un demi-taureau bien énervé, gronda sévèrement Marcus.

- Ok, désolé, se radoucit Sven sans lâcher Simon des yeux. Tania, Simon, je vous présente mon frère Marcus. Il a raison, il faut qu’on travaille en équipe.

- Et on pourrait savoir comment on s’y prend pour vaincre cette chose ? ne put s’empêcher de demander Simon à Sven, sans se départir de son ton agressif .

- Qu’est-ce qui te fais penser que je sais comment m’y prendre ? s’étonna l'apprenti, sur la défensive.

- C’est ton sort alors tu arrêtes de te foutre de moi et tu déballes les infos ? s’emporta Simon.

Décidément, Sven Harris savait s’y prendre pour lui porter sur les nerfs, s’étonna Simon alors qu’il observait l’apprenti magicien essayer de contenir une réplique mordante. Sa mâchoire contractée, ses lèvres serrées, et la tempête que Simon lisait dans ses yeux, lui procurèrent un sentiment de satisfaction puissant. Il adorait voir ce fils à papa perdre un peu de sa belle assurance.

- Simon a raison, c’est moi l’auteur du sortilège, admit-il à contre cœur, les yeux, cette fois, rivés au sol . C’est donc à moi de nous sortir de cette merdre. On ne peut pas vraiment le détruire. Enfin, pas par la force. Marcus et moi, on y injecte de la matière blanche depuis des années et …

Sven n’eut même pas le temps de terminer ses explications que la fée s’envolait déjà en direction du monstre. A cet instant, la foule en délire se mit à battre des pieds et à hurler pour encourager celle que tout le monde appelait désormais l’abomination.

- Non mais, c’est quoi son problème ? Elle a des soucis de compréhension ? grogna Marcus.

- Elle va se faire massacrer, renchérit Sven. Malheureusement, on n’a pas le temps pour ça. Il faut trouver le fil d’Ariane.

- C’est quoi ton plan ? demanda Simon calmement en essayant de masquer son hostilité.

- Mon sort est basé sur le mythe du Minotaure. Avant tout chose, il faut trouver le fil d’Ariane. C’est à cette seule condition qu’on peut espérer sceller Astérios dans sa boîte.

- Ok, acquiesça Simon. Je m’occupe du fil.

Sven n’eut même pas le temps de protester que Simon murmura vini vini esper ou, en roulant le R, il le répéta dix fois sans s’arrêter. Alors dix sentinelles surgirent du néant. D’un geste de la main, il les dispersa aux quatre vents.