Fyctia
Chapitre 7
Simon admirait Poa. En trois ans, la sœur de Sacha avait déserté le territoire de l’enfance. Elle ne ressemblait plus à la petite fille studieuse et agaçante qu’il avait connu, celle qui ramenait sa science en toute circonstance, celle qui ne loupait jamais une occasion de cafter, celle dont les sourires et les grimaces valaient de l’or, celle qu’il aimait comme une sœur.
- A genoux ! vociféra le soldat posté à la droite de Simon.
Perdu dans ses pensées, il n’entendit pas la mise en garde de son geôlier. Soudain, une douleur fulgurante lui vrilla la cuisse. Sous les coups de matraque, il tomba à genoux dans la poussière noire de l’arène. Malgré la souffrance, Simon ne put s’empêcher de rire bêtement, soulagé d’avoir trouvé Poa. D’ailleurs, s’était en partant à sa recherche qu’il s’était fait pincer. La veille, tard dans la nuit, il avait attendu que le centre d’apprentissage soit plongé dans le noir. Il s’était extirpé du dortoir sans un bruit avec la ferme intention de rallier le quartier des orphelines. En longeant les murs, il s’était faufilé dans la pénombre. Alors qu’il s’apprêtait à filer, Sven l’avait surpris. Son arrestation, sa condamnation, tout était la faute de cette saleté de fils à Papa. A cette pensée, Simon serra les poings à s’en bousiller les phalanges.
- Le fouet ! Le fouet ! scandait la foule enragée.
Il s’était promis d’affronter son supplice sans faire de vague. Pourtant, il craignait de perdre le contrôle sous l’effet de la douleur. Après avoir énumérés ses crimes et rappeler la sentence, les gardes trainèrent Simon sans ménagement au centre de l’arène. Là, ils attachèrent ses chaînes autour d’un large poteau en bois. Conspué par la foule et tendu comme un arc, Simon attendit de longues minutes la pluie de coups qui ne tarderait plus à s’abattre sur lui.
Les nerfs en pelote, Simon vit un type immense et masqué s’approchait sous les hourras des spectateurs. Le géant était armé d’un long fouet en cuire qu’il laissait trainer négligemment dans la poussière. Malgré la frousse, Simon devait bien reconnaître que cette mise en scène frôlait la perfection. Il se répéta plusieurs fois comme un mantra : « Rien de tout ça n’est vrai, tout ça n'est qu'un spectacle. Un spectacle qui ne sert qu’un seul but : assoir le pouvoir des familles régnantes en rappelant au peuple le prix de la désobéissance. » Ce mantra n’appelait pas à la sérénité, mais à la révolte. Simon préférait s’étouffer de rage plutôt que de céder à la panique. Pour se calmer, il chercha Poa parmi la foule. Il aurait tout donné pour lui éviter ce spectacle horrible, d’un autre côté sa présence le réconfortait.
Un silence glaçant tomba brutalement sur les gradins. Alors, une peur viscérale balaya le peu de rationalité qu’il restait à Simon. Il finit même par espérer le premier coup. Pour en finir au plus vite avec la terreur et l’attente. Bientôt le géant masqué exauça son affreuse prière et le sifflement du fouet marqua le début de son supplice : un coup d’une intensité redoutable lui lacéra le dos. La douleur lui coupa le souffle et le traversa de part en part. Elle se diffusa dans chaque terminaison nerveuse, le long de ses muscles et de ses tendons. Simon, les dents serrées, grogna comme un fauve.
Ce premier coup confirma ses craintes : jamais, il ne supporterait dix-neuf coups supplémentaires. Et d’ailleurs même s’il tenait le coup, il mourait certainement d’une infection, seul au fond d’une cellule. Déjà, sa détermination prenait le large. Il concentra son regard sur Poa, mais le visage décomposé de la jeune fille ne lui fût d’aucune aide. Deux, trois, quatre coups, le corps de Simon était un brasier. Proche de l’évanouissement, le jeune homme ne se faisait plus d’illusion sur le sort qui l’attendait s’il ne parvenait pas à interrompre son supplice.
A court d’idée, discrètement, Simon tissa un sort minuscule. Il murmura vini vini esper ou, en roulant le r. Sans attirer l'attention, une sentinelle magique pas plus grosse qu’une bille se matérialisa sous les gradins. Le garçon la lança dans la foule au hasard. Le sortilège se fraya un chemin dans les tribunes, navigua entre les spectateurs, et contourna le virage nord. Là, sous les gradins, dans l’un des ateliers d'ingé-magie ouverts sur l’arène, la sentinelle flaira un sortilège puissant scellé dans un coffre. La chose semblait attendre patiemment que Simon la libère. Le garçon tenait une diversion à la hauteur de ses espérances, il saisit sa chance.
Sven Harris, l’un des cocréateurs du sortilège en question, était affairé à bricoler une vielle tablette non loin de là. Absorbé pas sa tâche, il ne vit pas la sentinelle slalomer entre les étagères de l’atelier, il ne remarqua pas non plus les dispositifs de sécurité, qui scellaient son sortilège, se désintégrer chacun leur tour. Simon était ravi de pouvoir mêler cet abruti à ses projets d’évasion. Il espérait, qu’une fois libéré, le mystérieux sortilège contenu dans la boite causerait un maximum de pagaille. Un, deux, trois et quatre ! Les verrous magiques sautèrent les uns après les autres. Un dernier coup de fouet cingla le dos de Simon qui hurla sa souffrance. Au même instant, le mystérieux sortilège signé Sven et Marcus Harris, jaillit hors de sa boîte.
Quelques secondes seulement après sa libération, le charme d’une puissance redoutable déboula dans l’arène sous la forme d’une créature mi-homme mi-taureau. La bête haute d'au moins sept mètres grattait furieusement le sol avec ses sabots. Aussitôt, des cris de terreur retentirent. Le capitaine Xanto, alerté par le raffut et les chants stridents des sirènes, lança une incantation pour sécuriser les gradins, et isoler le Minautore de la foule. Son air résolu prouvait qu’il userait de tous les moyens à sa portée pour contenir la menace dans l’arène quitte à sacrifier tous ceux qui s’y trouvaient : en l’occurrence, Simon, les quatre gardes et le géant au fouet. C’était sans compter Marcus et Sven Harris qui se précipitèrent, comme un seul homme, sur les traces de leur création infernale.
Malgré ce désordre extraordinaire, le capitaine Xanto impassible continua d’abreuver le dispositif de sécurité avec une grande quantité de magie. Il fut bientôt rejoint et soutenu par d’autres magiciens préposés à la sécurité. Sous l’effet combiné de leurs magies, un champ de force solide se forma peu à peu autour de l’arène. Ni une, ni deux, Tania qui vouait une passion aux monstres et aux jolis garçons sauta par-dessus ce mur inachevé. Guidée par son instinct, ravie de secourir un jeune homme en détresse, la fée intrépide se plaça entre Simon et le Minautore. Au même moment, le capitaine terminait son incantation. Plus personne ne pouvait entrer ou sortir de l’arène.
La bête massive poussa un grognement glaçant avant de frapper le sol de sa hache. Comme un taureau n’arrive jamais seul, le sol se mit à trembler.
- Labyrinthe ! Montez sur un mur ! Cherchez le fil ! hurla Sven à l’adresse de Simon et de Tania.
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Aldokabs
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Il y a 6 mois
Julie Emilie M
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Il y a 6 mois
Ama12
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Il y a 7 mois
Rosa canina
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Il y a 7 mois