Fyctia
Chapitre - Jude Klock
Dans le monde, toutes les arènes de combat se ressemblaient, c’est en tout cas ce qu’imaginait Jude Klock avant de visiter celle du Nord. Le président du comité universitaire de la magie avait pourtant une belle expertise dans le domaine des arènes. Mais rien ne l’avait préparé à ce fourbi : poussière volcanique noire en guise de terre battue, proportions architecturales grotesques, enchevêtrement de taules et de poutres métallique, gradins bancals, filtre atmosphérique à lumière bleue, écrans géants de première génération, le tout fixé, ça et là, par des boulons rouillés enduits d’un peu de magie.
Et alors, cerise sur le gâteau, le vol spectacle de drones bringuebalants en escadron ! Cette ambiance baraque à frites le révulsait. Même la foule ahurie semblait venir d’un autre temps. Le Nord avait manqué le train du progrès, et personne, ici, ne semblait s’en inquiéter.
Dans la tribune officielle de l’arène des Hauts du Nord, le président Klock tournait comme un lion en cage. Il ne comprenait pas l’entêtement du ministre à vouloir sélectionner à tout prix des étudiants dans cette région sinistrée.
Aujourd’hui, la priorité était de former des jeunes à très hauts potentiels magiques. C’était en quelque sorte une course contre la montre car la vétusté des sorts de protection qui entouraient l’ensemble des stations du monde était plus qu’inquiétante. Depuis quelques temps, ces sortilèges devenaient perméables à la matière noire. Trois brèches avaient été enregistrées durant les dix dernières années, dont deux lors de l’année écoulée. La situation était tenue secrète pour éviter les mouvements de panique. L’air de rien, des sommes colossales avaient été allouées aux universités pour avancer dans la recherche et former les sorciers de demain.
Pour que le monde survive, l’éducation des jeunes hautement qualifiés et en possession d’une intensité magique exceptionnelle devait être priorisée. Alors, non ! Jude Klock n’avait pas de temps à perdre ici dans le Nord, là où les enfants naissaient la plupart du temps sans affinité avec la matière blanche. Mais le ministre ne lui laissait pas le choix. Parmi cette horde de sauvage, il tâcherait donc de dénicher les moins dégénérés.
Après un troisième discours officiel long et ennuyeux, le tournoi de sélection des espoirs du Nord fût déclaré ouvert. Jude Klock s’assit alors pour profiter du spectacle en priant pour que la cérémonie d’ouverture ne s’éternise pas. Il appela d’un geste de la main la petite orpheline à son service et lui demanda une collation. Capuche vissée sur la tête, la petite le servit sans un mot. Elle ne faisait même pas l’effort d’être polie cette petite sotte ! Décidément, Jude Flock était de mauvaise humeur !
Il sursauta lorsqu’un sortilège musical amplifia les premières notes d’un tube hip-hop démodé des années 2020. La cérémonie commençait. Au milieu de l’arène, sur un podium illuminé, une jeune fille aux cheveux roses se trémoussait et chantait sur un air endiablé. Dès le premier accord, la foule en délire se prit à battre des mains et taper des pieds. Sous le poids de cette folie collective, les gradins de traviole menaçaient de céder.
Jude Klock qui n’aimait cette musique barbare se radoucit pourtant. Curieusement, cette chanson lui rappela Emma : la jeune et jolie Emma. Du plus loin qu’il se souvenait, Jude Klock avait toujours aimé Emma. Alors qu’elle n’avait que trois ans, elle avait assuré à ces parents : un jour, j’épouserai Jude Klock. Et c’est ce qui s’était passé. Boum, boum ! Les accords pop cognaient contre son cœur, un peu comme le jour où ils avaient échangé leurs vœux, Emma et lui.
- Emma voulez-vous prendre pour époux Jude Block ici présent, avait alors demandé avec emphase le maire de l’aile Est de la station des Hauts du Brézil.
Jude Klock s’en souvenait comme si c’était hier. Il secoua la tête un instant, à l’intérieur la musique battait à ses tempes. Il transpirait maintenant. Heureusement, le doux sourire d’Emma refit surface. Le président se sentait un peu engourdi. Il se raidit subitement. Mais le doux rire de la jeune fille raisonna quelque part derrière lui. Une ombre furtive le frôla, puis le prit par la main. Il se laissa entrainer par la belle Emma quelque part, toujours un peu plus profondément dans la purée de pois qui emplissait ses pensées. Il sombrait petit à petit. A présent, il n’entendait plus que la voix d’Emma, le brouillard était plus dense que jamais. Elle lui demanda : « Jude m’aimes-tu ? ». Sans hésiter, Jude Klock répondit oui, dans un soupir.
La musique s’arrêta dans un grincement électrique alors que la foule acclamait la jeune artiste dénommée Let. Jude Klock reprit subitement ses esprits. Emma se transforma en un vague souvenir. Soudainement, le charme se désintégra, il parvint alors à discerner l’illusion de la vérité : jamais de sa vie, il n’avait connu une jeune fille nommée Emma. Jude Klock avait toujours été célibataire ! Soif, il avait soif ! Klock appela l’orpheline en levant la main, c’est alors qu’il aperçut entre ses doigts serrés un billet. Etonné et encore dans les vapes, il le déplia. En lettres manuscrites, il lut : « Tu as dit que tu m’aimais pourtant, Jude. »
- Quelqu’un est venu, demanda-t-il abruptement à l’orpheline qui lui tendait un verre d’eau.
- Non Monsieur, personne.
- Et ça alors ? Qu’est-ce que c’est, s’emporta-t-il en brandissant la note sous le nez de l’orpheline.
Aussitôt, le petit billet se désintégra car tout comme Emma, ce petit bout de papier était une illusion. Jude Klock fulminait. Il venait d’être victime d’un envoutement grotesque et en plein jour, de surcroit. Les habitants du Nord n’avaient décidément aucune manière.
Sans un mot d’excuse pour l’orpheline qui lui tendait toujours un verre d’eau, le président scruta l’assemblée tout autour à la recherche de l’illusionniste qui venait de se payer sa tête. C’est alors qu’il repéra le visage d’Emma, la fille illusion. Et ce visage n’est autre que celui de la jeune musicienne aux cheveux roses. Alors qu’elle saluait encore la foule, Let adressa à Jude Klock un signe de la main, assorti d’un joli sourire.
Les jeunes du Nord n’avait décidément aucune manière ! Même, si cette grande bringue aux cheveux roses avait, il fallait bien le reconnaître, un certain talent pour l’envoutement.
La cérémonie continua sans réel fait notoire jusqu’à ce que le présentateur annonce au micro, le supplice d’un jeune voleur qui avait écopé de 20 coups de fouet, et d’un bannissement avec sursis. La sentence était extrêmement lourde pour un délit mineur comme le non-respect du couvre-feu et l’entrée par effraction dans une zone non autorisée.
- Décidément, on ne m’épargnera rien ce soir, se lamenta le président Klock atterré par les mœurs de l’Artctique.
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Leo Degal
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Aldokabs
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Rosa canina
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Aldokabs
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Born Ready
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Julie Emilie M
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