Fyctia

Je vis l'un des gardes détourné le regard et un autre vomir à la vue de la tête sanguinolente de leur compagnon.

- Qu'as-tu fait du corps? demanda Georges impassible.

Je n'étais pas vraiment surprise de son manque de réaction, il avait toujours été peu expressif depuis que je le connaissais.

- Je l'ai brûlé, répondis-je. 

- Et les autres?

Je me mis à rire, évidemment qu'il savait que Marco et ses six acolytes étaient là pour me tuer. Cela ne me surprenait même pas.

- Ils ont servi de repas à Queue-touffue après que je les ai transformés en rat.

Je vis aux visages livides des soldats qu'ils étaient tous au courant de ce qui se tramait derrière mon dos. Il y en eut même un qui s'écroula au sol en pleurs. Probablement qu'un de ses proches devaient être l'un de ces gens. J'eus une petite pincée au coeur qui s'en alla bien rapidement. Comme disait mon Maître: "Il y aura certains moments dans ta vie où tu devras mettre tes sentiments de côté si tu veux pouvoir survivre."

- Pourquoi je ne suis pas surprise que vous soyez au courant de tout ce qui se manigançait dans mon dos pour se débarrasser de moi?

- Si je le pouvais, je te tuerais de mes propres mains, sale monstre! s'exclama celui qui s'était effondré en pleurs quelques secondes plus tôt.

- Comme tu l'as si bien dit, si tu le pouvais. Alors, que ce soit bien clair entre nous, si vous ne voulez pas finir comme ce sale porc, n'essayez plus rien derrière mon dos sauf si vous voulez voir le monstre en action, leur souris-je avant de me retourner et de me diriger vers la rivière.

- Où vas-tu? demanda Georges.

- Je vais me laver et désinfecter ma dague.

Il ne répondit rien et je continuai mon chemin. 

Une fois arrivée à la rivière, je commençais par nettoyer ma dague. Le feu avait déjà fait du bon travail mais je voulais m'assurer qu'elle serait complètement propre. L'avantage des Arcentis c'était qu'elles étaient très résistantes, sous leur forme magique ou non. Ma dague ne craignait donc pas un petit feu ou une épée normale. Maître m'avait tout de même mise en garde car si mon âme s'affaiblissait, ma dague aussi. 

Queue-touffue sauta dans la rivière et m'éclaboussa au passage.

- Merci! ronchonnai-je.

Il ne me prêtait pas vraiment attention et continuait sa nage. De toute façon, je devais aussi nettoyer mes vêtements et il me suffirait de faire un feu pour les sécher rapidement pendant que je me lavais.

Je retirai donc mes vêtements et entrepris mon nettoyage. Une fois que je les jugeai propres, je créai un feu en-dessous d'un arbre et les mis pendre sur les branches. Il ne me restait plus qu'à me laver.

Je mis doucement un pied dans l'eau et elle me parut bien plus froide que lorsque je lavais mes vêtements.

- Ça serait bien si je pouvais faire un feu en-dessous de l'eau...

Puis, j'eus une idée. Mon maître m'avait toujours dit qu'une sorcière pouvait utiliser toute la magie qui était liée à son élément. Si j'étais une sorcière de feu, j'étais théoriquement capable de faire juste de la chaleur et non pas un feu.

Je m'acroupis donc et mis mes mains au-dessus de l'eau.

Tout était une question de concentration maintenant. Je devais ressentir la chaleur et essayais de la transmettre à l'eau tout en contrôlant le feu qui séchait mes vêtements.

Je fermai mes yeux et sentis doucement la chaleur envahir tout mon corps. J'arrivai alors à la rassembler dans les paumes de mes mains et j'imaginai le transmettre à l'eau.

Il y eut soudainement un grand souffle de chaleur et j'en perdis l'équilibre. Je me retrouvai sur le dos et décoiffée.

- Waw! m'exclamai-je les yeux émerveillés de la sensation que je venais de ressentir.

J'entendis alors un feulement et vis Queue-touffue passer à côté de moi en courant et visiblement de mauvaise humeur.

Je me redressai et compris ce qui l'avait mis dans cet état.

J'avais peut-être été un peu fort sur la chaleur... Il n'y avait tout simplement plus d'eau dans la rivière, juste quelques flaques à certains endroits.

- Ah... j'irai moins fort la prochaine fois, dis-je à mon félin ronchon en guise d'excuse.

Lui qui aimait tant l'eau s'était vu privé de son passe-temps favori. Il me fusilla du regard avant d'entreprendre sa toilette.

Je le laissais à ses affaires et regrettais instantanément de ne pas avoir l'eau comme élément. J'étais à présent forcée de terminer de me laver dans une petite flaque. Je regardais alors mes cheveux qui m'arrivaient au bassin et qui nécessitaient une quantité importante d'eau pour être propres.

- Je ne vais pas pouvoir aller bien loin avec cette eau, observai-je.

Je pris donc le choix de ne laver que mon corps et de garder mes cheveux attachés jusqu'à la prochaine grosse pluie. De toute façon, je n'avais pas énormément de sang dedans.

- Si je ne me trompe pas, il n'a pas plu depuis trois semaines donc la grosse pluie du mois ne devrait plus tarder.

Au printemps, il ne pleuvait que toutes les trois semaines mais même si la pluie ne durait qu'un jour, il tombait l'équivalent de trois semaines. J'espérais donc que le point de rassemblement serait préparé à toute inondation éventuelle.

Je finis de me laver et partis récupérer mes vêtements qui étaient presque secs mais pas totalement. Je tentais de réexpérimenter mon tout nouveau sortilège en essayant de doser la chaleur au minimum. J'y parvins plutôt facilement et fus fière de moi.

Je pris alors la décision de pratiquer la magie dès que j'aurai l'occasion d'être seule et de découvrir de nouveaux sorts et de commencer avant d'arriver au point de rassemblement.

Je sifflai après Queue-touffue et toujours ronchon, il vint me rejoindre et nous regagnâmes le campement.