DianeVM Critérium La Cantine bis

La Cantine bis

Le cerbère s’est extirpé de l’épais bouillon atmosphérique de la Cantine pour venir tituber jusqu’à eux, se servant de son haleine comme béquille.

- IL EN A PAS ! DES ORGANES !

Anne rigole et lui envoie une tape amicale sur l’épaule. Elle s’en fout, de sa testostérone. Ce n’est ni une menace ni une tentation pour elle. Elle sait ce qu’elle est, ce qu’elle veut et contrairement à Franz, elle sait qui elle veut être au pieu.

Anne a grandi en Suède, elle s’est imprégnée de cette culture du propre sur soi et de la politesse gelée, des émotions en sourdine et de la beauté ubiquitaire. Si ses traits sont peut-être un peu trop bruts pour le canon – très exigeant – de son pays natal, ici, dans son pays d’accueil, ses épaules larges et ses hanches généreuses, sa taille de guêpe, sa physiognomie de valkyrie à la minceur irréprochable, tout ce physique givré mais abondant intrigue. Elle produit autour d’elle une atmosphère de mystère et d’exclusivité qui tord la vision comme la surface de l’eau, un tour de force considérable.

Franz l’apprécie pour ses qualités professionnelles. Elle l’a secondé un temps comme tuteur d’anatomie, toujours précise, juste et rigoureuse. Ses préférences sexuelles bien marquées lui vont bien, ça lui évite un souci – celui de se retrouver objet de ses avances, car s’il y a bien une chose dont il ne doute pas, c’est de l’appétit carnivore de la demoiselle. Se retrouver coincé entre elle et un mur non conciliant lui paraît être une situation qui n’évoluerait pas forcément en sa faveur.

Ce qu’il ne sait pas, c’est que la grande Anne a été pelotée par un oncle dans sa jeunesse, un fait pas si rare finalement. La famille proche constitue souvent une source de danger bien plus grande qu’un accident d’avion, qu’un empoisonnement alimentaire ou qu’une septicémie mortelle transmise par salive de chien. L’oncle en question l’a instruite en biologie, chose qu’on ne pourrait prétendre du clébard colportant ses bactéries insalubres ; Franz se dirait donc certainement, s’il était au courant de la main baladeuse consanguine, que toutes choses égales par ailleurs, le sort de la grande Anne n’est pas l’un des pires.

Son sort à lui, à sacrifier son adolescence pour ne pas abandonner Maman sur le canapé face à la télé, ne lui paraît pas des plus constructifs non plus. L’empathie pour le destin d’autrui s’arrête là où commence l’auto-apitoiement.

En revanche, Franz a appris la patience. Une patience à toute épreuve. Une patience surhumaine, inhumaine et inflexible.

- C’est par où ?...

Cerbère s’approprie la question comme de sa bouteille, ne comprend pas le contexte, rejette la faute sur autrui :

- Par où, quoi ? Le cul de ta mère ? La chatte de ta sœur ? Exprime-toi, plouc ! Ou prends un peu d’Amsterdam Vicious, ça t’ouvrira à l’amour cosmique qui règne ici-bas…

Le personnage est grotesque, désagréable et hypertrophié comme seuls savent l’être ceux qui pleurent au clair de lune l’absence d’attributs phénotypiques admirables. Il tend un petit flacon noir à Franz, qui refuse poliment. Cerbère hausse les épaules, visiblement déçu de cet échec de connexion humaine.

La pluie verglaçante commence à alourdir le manteau de Franz, malgré l’indéniable qualité du textile. Il se demande comment tiennent les autres, à moitié nus ou drapés dans de vilaines étoffes gorgées d’humidité.

La Cantine a fait son temps.


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2 commentaires

Hooper (Seb Verdier)

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Il y a 5 jours

Petits likes pour cette dernière ligne droite avant la fin du concours ;)

NohGoa

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Il y a 5 jours

Like de fin de concours ;-D
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