DianeVM Critérium Le Parking - deuxième chemin

Le Parking - deuxième chemin

Il gare sa voiture sur le parking, en biais sur deux places, et tire rageusement sur le frein à main. Il ne s’est jamais encore garé comme ça – comme un cuistre. Comme l’un des leurs.

Il inspire profondément, ouvre le miroir, inspecte son profil, est trop distrait pour l’apprécier, rabat le miroir et ouvre la ceinture.

Puis il reste un instant immobile.

Maman est seule sur son canapé ce soir. Elle est installée devant la télé avec un verre de lait et un plaid. La maison est propre jusque dans ses retranchements atomiques. Maman pense à Franz, il en est sûr, et il lui manque. Il aurait dû rester avec elle.

Quelque chose se tord dans son ventre, au niveau du pancréas, ou peut-être encore derrière, peut-être un anévrysme aortique en train de disséquer. Ses paumes sont moites.

Quelque chose n’est pas à sa place dans le monde.

Il ouvre la portière et descend – l’air est gelé. Ses membres sont raides et malhabiles. Il a conduit longtemps, n’a pas fait beaucoup de pauses, a pris des risques dont il n’a pas l’habitude.

Rien n’est comme d’habitude. D’habitude, quand il neige, il ne s’en aperçoit pas, assis derrière son bureau. Alois le lui a fait remarquer l’hiver dernier. Une journée entière à rédiger des notes pour sa thèse, l’ordinateur placé devant la baie vitrée de son appart – mais quand son ami est entré, s’extasiant devant l’épaisse couche de neige sur le balcon, sur les gros flocons qui tombaient devant le ciel noir, Franz a été surpris. Il ne l’avait pas vu. Il n’avait pas jeté un seul regard par la fenêtre de la journée.

Pourquoi penser à ça maintenant. A cause de cette foutue neige.

Aucune importance, ce n’est pas la raison pour laquelle Alois l’a abandonné. Il n’y en a pas. Aucune raison convenable. Aucune valable. Rien que la laideur, la petitesse, la dureté de cette race dont le seul intérêt est de servir de cadavre frais pour ses cours de dissection, et de cadavres en devenir sur ses tables d’opération.

Alois ne l’a pas quitté à cause de quelques flocons de neige, mais à cause d’une terrible inconsistance de l’âme qui répugne Franz.

Il est consistant, lui. Cohérent jusqu’au bout de sa bite.

Son souffle sort en épaisses volutes blanches ; ses pieds se crispent sous l’humidité. Il boucle la voiture et se met en route.


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