Fyctia
FLASHBACK – TEMPS ZERO
Un groupe discute devant l’entrée de l’amphithéâtre. Franz s’approche, il connaît certaines têtes. Ils parlent à une grande nana qui lui tourne le dos ; veste cintrée et jeans moulant, longiligne. Ses cheveux sont noirs, mi-longs et brillants, exactement comme Franz les aime. Le temps d’un battement de sang dans sa queue, il les imagine légèrement parfumés et très doux au toucher. Des jambes interminables terminent dans une paire de bottines noires à talons hauts.
Une sportive qui sait s’habiller. Franz presse le pas, curieux.
Michel le voit arriver et lui fait un signe jovial de la main.
Franz arrive à hauteur du groupe.
La chevelure noire se tourne enfin vers lui –
Les yeux de Franz plongent instinctivement –
Il se sent rougir d’incrédulité : sous la chemise blanche au décolleté grand ouvert, la poitrine, imberbe et musclée, ne présente pas la moindre trace de glande mammaire.
Il lève le regard. Deux yeux noisette aux paupières lourdes, vaguement asiatiques, le dévisagent avec curiosité.
Un rire gêné s’échappe de Franz.
- T’es qui, toi ? Un homme ou une femme ?
Le silence autour d’eux est palpable ; tout le groupe retient son souffle. Franz sent l’onde de choc former une muraille invisible autour de celui qui, visiblement, est leur protégé. Franz s’en fout ; il aime être le loup solitaire et en l’occurrence, une seule chose l’intéresse, et c’est la réponse de l’inconnu en talons hauts.
Celui-ci prend son temps, durant lequel Franz actionne toute la puissance de sa volonté afin de ne pas baisser les yeux vers l’entrejambe.
C’est quoi, cette farce ?
- Ça dépend, qu’est-ce que tu préfères ? finit par dire l’inconnu d’une voix trainante.
Franz distingue un léger accent américain. Calme et affable, sa réplique relâche la tension du groupe qui se met à rire, adulant leur protégé avec cet absolutisme propre aux étudiants.
Michel se permet de faire les présentations avec sa suffisance habituelle :
- Voilà Alois. Ça ne m’étonne pas que tu ne le connaisses pas, il ne passe pas beaucoup de temps au labo… Alois, voilà Franz… Bref.
Franz ignore Michel, dont le ton et les implications le gonflent au plus haut point. Fier d’avoir retrouvé sa contenance quasi instantanément (comme à son habitude), il s’adresse à l’inconnu – Alois –avec aisance, certain de percevoir l’attraction qu’il exerce.
- Excuse-moi si j’ai été brutal, mais tu… C’est un déguisement ?
- Non… C’est juste moi.
Alois lui sourit, gentiment. Franz se rend compte qu’il est objectivement magnifique, comme dans plastiquement parfait, ou encore, un mariage sublime entre ossature et tissus sous-cutanés. La ligne de son menton imberbe ferait mourir de désir n’importe laquelle de ses copines – et plusieurs de ses copains aussi.
Mais c’est un homme. Indéniablement.
Quelle déception.
Il lui tend la main :
- Franz. Tu es en socio ?
La main d’Alois est longue, chaude et ferme.
- Théâtre.
- Il est au cours Florent, jette Michel, incapable de retenir son fanatisme.
- Mais j’aime bien être ici, aussi. Tu veux venir demain soir ? J’organise une soirée chez moi.
Michel intervient avant qu’il n’ait le temps de répondre.
- Laisse tomber, Franz, c’est pas vraiment à ton goût.
Franz l’ignore une nouvelle fois. L’invitation lui donne raison ; l’inconnu en talons hauts succombe à son charme viril. Elles le font toutes.
- Pourquoi pas ? C’est où ?
Le prof arrive et ils se resserrent instinctivement autour de leur mascotte en talons, anxieux de lui dire adieu convenablement et visiblement peu désireux de le quitter. La muraille invisible éloigne Franz de l’objet de son intérêt.
Frustrant, ces dynamiques de groupe. Alors qu’il suffirait de les laisser tranquille tous les deux.
Alois semble apprécier leur sollicitation, il fait la bise en inclinant son long corps vers eux avec la grâce d’une impératrice, leur assure son amour indéfectible et se tourne pour partir, bougeant comme s’il était né avec des talons aux pieds. Il s’arrête devant Franz, un sourire caressant sa peau d’albâtre, et le dévisage une dernière fois.
Franz ne dit rien, mais lui rend son regard avec le calme surnaturel dont il sait s’affubler.
Il me désire.
Pour une fois, ça le dérange.
1 commentaire
loup pourpre
-
Il y a 8 jours