DianeVM Critérium La Bibliothèque ter

La Bibliothèque ter

Bolo fatigue et baille, Malve joue avec son portable. Seul Joël semble encore intéressé par l’issue de la confrontation muette entre les deux ex-amis. Mais Alois croise son regard ; sa douceur fait loi même chez un vieil aigri comme Joël, qui finit par se lever.

- Allez, je vous laisse. Il y a certainement un lit à baldaquin avec douche privative qui m’attend au baisodrome.

Ils se retrouvent seuls. Enfin.

Franz émet son petit rire gêné.

- Ils ont peur de moi, ou quoi ?

- Tout le monde a peur de toi.

Alois décroise les jambes – interminables. Il est quasiment imberbe, sans doute dû à ses ancêtres asiatiques, et ne s’épile pas. Ce soir, il porte des bas résille. Ça lui va. Son torse est à peine couvert par le débardeur noir. La lourde cape en velours drape ses épaules – il ne faudrait pas qu’il attrape froid.

Entre les bas résille et le débardeur, le membre flaccide, sublime. Pas une once de tissu ne préserve le mystère.

- Comment s’est passé ta représentation ?

- Ma pièce de théâtre ? Bien… Un désastre. Le public a adoré.

- Les gens adorent toujours ce que tu fais.

Alois rit ; un son chaud, franc et plein, sans artifices et surtout, sans gêne. L’un de ses pieds se dresse sur la pointe. Dans le silence qui suit, il regarde Franz avec amabilité, comme s’il attendait poliment la suite du dialogue. Franz le déteste pour ça. Il tient bon et ne dit rien, fidèle à lui-même.

Alois finit par reprendre la parole.

- Et toi, la Grande Pomme, alors ? Tu disais que ça t’a plu ?

- Beaucoup.

Il se lance dans une description précise de ses journées au bloc, et la réminiscence l’emplit d’une euphorie bien particulière. Celle du boulot bien fait. Alois l’écoute patiemment, ses lèvres sourient. Franz en oublierait presque son entrejambe dénudé – puis remarque la légère turgescence qui se manifeste durant son récit.

Et voilà – je parle, il bande. Comme toujours…

Sa fierté est telle qu’il en perd un court instant ses moyens, se met à bafouiller, se rattrape immédiatement mais le charme est rompu, Alois a compris, ne croise pas ses jambes pour autant mais se contente de laisser un lourd silence s’installer, durant lequel Franz met toutes les forces de son esprit surpuissant en œuvre pour ne plus regarder cette partie absolument éhontée d’intimité délurée.

Alois place sa main droite sur sa cuisse. L’immobilité de ses longs doigts crée une impression de caresse, une invitation muette. Le membre pulse légèrement, attend son tour.

Franz n’a plus une once de salive dans sa bouche.

- Tu viens me sucer ?

Le cœur de Franz s’arrête, reprend. Il avale enfin son absence de salive. Lève les yeux vers Alois, sent quelque chose s’amasser en lui, un sentiment trop puissant pour être nommé, noir comme la nuit et froid comme la neige.

Si seulement la douceur de la question trahissait un amour indéfectible, et non de la pitié, une offrande de pitié, la sucette de compensation, le calumet de la rupture. Un os jeté aux pieds du loup affamé.

Franz se lève, lentement.

Le membre d’Alois suit le mouvement.

Franz avance vers lui, un pas après l’autre. Il est conscient de sa force, et de toutes ces heures, journées, années passées à soulever des haltères en salle de muscu. Il n’est pas grand mais il est fort, tassé, contrôlé. Le contrôle total, absolu, du corps et de l’esprit. Il est Logique. Raison. Intellect. Et Force.

Il est debout devant Alois, qui attend – patiemment, si patiemment qu’il mérite une punition.

Franz se penche, saisit le cou d’Alois dans sa main droite et lui soulève le menton. Alois ne dit rien, ça lui plait.

Parce que tout lui plait. Tout. Le vaste champ érotique de sa vie…

Franz pense à New York. Au coup de fil.

Il pense à la lumière froide du bloc opératoire. Les champs stériles sont bleus.

Sa main se resserre, il lit l’inconfort grandissant dans les yeux noisette. Les mains d’Alois saisissent son poignet, sa respiration se fait sifflante.

Dans sa main gauche, Franz tient encore le flacon de poppers. Il le porte à sa bouche, dévisse le flacon avec dextérité, entre ses dents, lèvres retroussées, conscient de chacun de ses gestes et de la toxicité extrême du produit en cas d’ingestion.

Puis il force la tête d’Alois en arrière, il prend son temps. Alois ne proteste pas.

Il tient le flacon entre le pouce et l’index de sa main gauche. Les trois autres doigts viennent se poser sur les lèvres entrouvertes. Il les glisse dans sa bouche et lui ouvre la mâchoire. Les yeux noisette questionnent, perdent leur assurance.

Franz vide le contenu du flacon dans sa bouche.

Il faut savoir que les nitrites d’alkyles causent de sérieuses brûlures des muqueuses lors de l’ingestion.

Alois gémit, s’arrache à l’étreinte qui l’étouffe et se redresse à moitié, les yeux écarquillés. Puis tout va très vite. Un peu de bave mousseuse perle au coin de ses lèvres, qui prennent une légère teinte bleutée des plus seyantes. Finalement il s’effondre sur son fauteuil, les deux mains sur sa bouche ; il râle. Il n’a pas crié.

Peut-on vraiment commettre un tel geste ? D’un simple mouvement du poignet, changer le cours de tant de vies ? Mais oui, on peut. Au bloc, par exemple. A chaque coup de scalpel.

Un bruit blanc et rythmique emplit le cerveau de Franz. Son sang, analyse-t-il. Quel vacarme. Heureusement que l’autre a la décence d’expirer silencieusement.

Alois convulse.

Une pensée ? Aucune ? Devant l’évènement le plus capital de ma vie, je ne pense rien ? Intéressant.

Franz lui tourne le dos, impassible, et s’en va.


Tu as aimé ce chapitre ?

2

2 commentaires

MarwanS

-

Il y a 8 jours

Salut, petit coup de pouce pour le concours, n'hésitez pas à venir découvrir VATICANO, Bonne continuation pour le concours 😉

NohGoa

-

Il y a 8 jours

Je dis "Like" !
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.