Fyctia
Le Dortoir
A l’intérieur, l’obscurité pue les pieds mal lavés et la mauvaise haleine. Les couloirs sont relativement calmes ; quelques ébauches de dialogues ponctués de rires fatigués transpirent de l’une ou l’autre des portes, dont la plupart sont à moitié ouvertes ou entrebâillées. Franz s’avance.
Au bout du couloir, la porte est grande ouverte. Un filet d’eau sombre coule sur la moquette grise, formant un marais de boue et de crasse au milieu du couloir. Franz est intrigué. Le ruisseau est lugubre, son origine un mystère. Il hésite à mouiller ses chaussures – il les a payées cher, et il y tient – mais l’ouverture semble l’appeler, lui, personnellement. Aucun bruit ne trahit ce qu’il trouvera de l’autre côté.
Lentement, précautionneusement, il s’avance, ajustant sa vision parfaite à la pénombre. De l’autre côté de la porte, il y a :
Un appartement –
Des corps nus, allongés comme s’ils étaient blessés, dans un tas de jambes et de bras enchevêtrés, ronflants, sales –
Derrière eux le mur défoncé de la salle de bain, comme une plaie béante dans le réel –
La baignoire de l’autre côté du mur, sur les pentes enneigées, entourée d’une meute de sauvages qui se frappent les uns les autres avec des godemichets, sur les mains, la tête, le torse et la poitrine, en hululant de plaisir –
Franz recule, lentement, rebrousse chemin, le Styx, le couloir, le vestibule, la porte d’entrée et enfin, recraché par le ventre du Dortoir comme un aliment indésirable, l’extérieur. L’air frais de l’enceinte lui remet les idées en place.
Ces crétins ont arraché la baignoire pour en faire une luge, défoncé le mur et à peine pris conscience de la plomberie qui pend comme des tripes explosées par un obus.
La caution va encore sauter.
Mais il s’en fout, royalement. Rien ne pourrait moins le concerner. C’est Alois qu’il cherche.
Temps de passer aux choses sérieuses.
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