Fyctia
Chapitre 13 - Naïs
Elle n’a pas lâché le morceau. J’aurais dû me souvenir qu’elle avait l’ouïe fine. Déjà quand on était ado, elle arrivait à entendre les conversions des autres. Elle était au courant de tout. J’ai donc dû passer aux aveux et retracer mes différents échanges avec Fabian. Ce n’est que très tard que Charlotte m’a relaissée partir chez moi avec pour unique consigne de me laisser porter par le mouvement et de profiter.
La nuit a été courte et la journée laborieuse. Je n’ai donc pas pu répondre à Fabian avant la fin d’après-midi. Depuis hier soir, j’ai écouté à plusieurs reprises son message. La sensation est grisante. A chaque fois. Un frisson agréable me parcourt et je me sens en sécurité. Je m’imagine au creux de ses bras, son souffle chaud caressant mon cou.
Ouhla ! Le désert de ma vie sentimentale commence à me dérégler les neurones. Je dois me reprendre et rester sur mes gardes. A cette réflexion, je sens le regard réprobateur de Charlotte. Me laisser porter, elle a dit. Facile à dire quand tu t’es mise en pause depuis plusieurs mois.
Je suis sortie de mes pensées par un bip sonore.
La sonnerie provient de mon téléphone. C’est Fabian qui me répond. Je suis heureuse et soulagée. J’ai eu peur qu’il ne se soit lassé d’attendre. Apparemment, il n’en n’est rien car il continue de plaisanter.
A table, les discussions vont bon train. Avec mes parents et Milo, nous nous amusons des pitreries de Madeleine. Pourtant, mon portable ne fait que sonner, interrompant nos échanges.
— C’est quoi cette sonnerie ? s’agace mon frère. Tu t’es inscrite sur un site de rencontre ou quoi ?
Je rougis, surprise que mon frère ait tapé dans le mille, et me presse de récupérer l’objet de malheur pour le mettre en silencieux.
— Pardon.
— Tu sais pourtant que je ne veux pas de portable pendant les repas, rouspète ma mère.
— Je sais. Je l’ai éteint.
****
Portée par les balancements réguliers, je décompresse de ma journée dans notre jardin. Le soleil disparait lentement à l’horizon, baignant les champs d’avoine de sa lumière sanguine. Le chant des grillons m’accompagne. Je suis bientôt rejointe par mon frère qui s’installe sur la balançoire voisine de la mienne. D’abord silencieux, il ne tarde pas à entamer le dialogue.
— Tu te souviens quand Massime nous faisait tourner à toute vitesse ? m’interroge-t-il.
— Oh que oui ! Même que la première fois, tu avais vomi. Pendant que tu continuais de tourner. Massime était recouvert.
Nous nous marrons tous les deux à ce doux souvenir.
— Bon tu me racontes ? poursuit-il.
— Te raconter quoi ?
— C’était quoi ces sonneries ?
— Juste des messages.
— De qui ? Tu n’as plus de vie sociale depuis que tu es rentrée en Mayenne.
La remarque de Milo me fracasse tel un uppercut. Ce n’est pas un reproche. Mais ça fait quand même mal.
— Tu exagères, tenté-je de me justifier.
— Pas tant que ça. Bon, ils viennent de qui ces messages ? Ce n’est pas Charlotte.
— Et commet tu peux savoir ça ?
— Parce qu’elle sait que les téléphones sont proscrits à table.
Moi qui pensais m’en sortir avec cette parade, c’est râpé. J’avais oublié que cette chipie faisait partie de la famille.
— Charlotte m’a inscrite sur une appli de rencontre, avoué-je dans un soupir.
— Elle m’épate cette meuf ! je n’aurais jamais osé.
— Rien ne l’arrête.
— Et elle a bien fait.
J’arrête de me balancer et me tourne vers mon frère. Nos regards se trouvent. J’y lis du soulagement. Comme une libération.
— Il était temps que tu remplaces ce tocard, reprend-il.
— Et qui te dit que je suis avec quelqu’un ?
— Il n’y a qu’à voir la façon dont tu as rougi tout à l’heure, se moque-t-il.
Je me sens honteuse et j’ai les mains moites. Je les essuie sur le tissu de mon short. J’ai l’impression d’être une gamine prise en faute.
— Il n’y a rien de sérieux pour le moment, m’expliqué-je. On ne s’est même jamais rencontré. On a juste échangé par le biais de l’application.
— Il faut bien commencer par quelque chose, me rassure Milo. Il est comment ?
— Il est agriculteur et vit en Bretagne. Il s’appelle Fabian.
Le rouge me monte aux joues à la simple évocation de son prénom.
— Il a l’air de te plaire en tous cas.
— Il me fait rire.
— Femme qui rit…
— On n’en est pas là, le coupé-je avec une tape sur le bras.
— A moitié dans son lit, poursuit-il en se levant brusquement de la balançoire pour s’enfuir.
Il est encore mort de rire quand il arrive sur la terrasse.
— Profite ma sœur ! crie-t-il avant de rentrer dans la maison, fier de sa répartie.
A peine a-t-il disparu de mon champ de vision que mon téléphone se rappelle à mon bon souvenir. Je le déverrouille et constate que j’ai plusieurs messages en attente. Et ils sont tous de Fabian.
A la lecture de ses messages, un délicieux fourmillement prend place dans mon ventre. Comment arrive-t-il à m’émoustiller avec seulement quelques mots ?
L'image de lui, nu, l’eau ruisselant sur son corps, les mains en appui sur la faïence, fait irruption dans mon esprit. Un fantasme sympa qui pourrait faire bouillir mon corps. Nos discussions sont à la fois drôles et troublantes.
Je prends connaissance de son dernier envoi.
Les trois petits points dansent sur mon écran, m’indiquant que Fabian est connecté et qu’il est en train de me répondre.
C’est bizarre cette similitude avec mon enfance.
Je ne sais pas pourquoi je lui dévoile ce morceau de vie.
Il n’imagine pas à quel point j’aimerais lui demander cette faveur. Cela voudrait dire qu’il est toujours là. Avec nous. Vivant.
J’essaie de garder un ton léger dans nos échanges malgré mon cœur qui saigne. L’absence de mon frère est encore trop douloureuse.
J’espère qu’il ne prendra pas mal, le fait que je change de sujet.
Je ne sais pas s’il a confiance en mes goûts ou s’il me pense un peu coquine. L’un ou l’autre me va. Cette série est une valeur sûre.
Quand le virtuel devient dangereusement réel.
14 commentaires
E.S Line
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Il y a 3 ans
Azélia Charin
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Il y a 3 ans
marionlibro
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Il y a 3 ans
Azélia Charin
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Il y a 3 ans
Marion Da
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Il y a 3 ans
Gottesmann Pascal
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Azélia Charin
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Lil Evans
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Queen C
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Il y a 3 ans
Azélia Charin
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Il y a 3 ans