Fyctia

— Kael, Nami, écoutez-moi bien. Vos Couleurs sont les plus puissantes qui existent et seul le Dragon sait ce qui se passera si vous tombez entre de mauvaises mains. Les Monochromes s'empresseront de vous mettre la main dessus s'ils découvrent de quoi vous êtes capables tous les deux. Vous devez impérativement rester ensemble au cas où il y aurait une attaque. Kael, évite les émotions négatives. La colère, la haine, la culpabilité, la tristesse, la douleur pourraient activer ta Couleur, tant que tu ne la maîtrise pas. Si tu te sens négatif, isole toi ou retrouve ta sœur, elle pourra t'aider. Nami, ta Couleur pourrait te consumer si tu n'y prends pas garde. Heureusement, nous connaissons un maître spécialisé dans la Lumière. Il t'enseignera comme il le pourra ton pouvoir afin de te protéger, toi et tous les autres. Compris ?

Nous acquiesçons tous les deux, l'air grave, conscient des risques et des conséquences. À présent que nos Couleurs se sont révélées, nous ne sommes plus en sécurité. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'Arcanum ne sente l'appel du mal provenant de Kael et qu'il débarque à l'Académie.

— Deuxième point, l'Académie. Nami, tu pourras avoir des cours pour ta Couleur, mais cela n'empêche pas que tu dois la cacher aux autres. Kael, on t'assigneras une Couleur. À l'Académie Abyssale, vous aurez de nombreux cours, comme de la biologie marine, des cours de survie sous-marine, de l'hippocampe, des cours d'auto-défense et bien sûr de Couleur. Tous sont essentiels, vous devrez les comprendre et surtout les réussir. Lorsque la Lune sera à son point culminant, vous devrez être à l'Académie. Allez préparer vos bagages, Nami cherche dans la bibliothèque interdite. Tu y trouveras sûrement quelque chose.

Nouveau hochement de tête et on se lève pour retourner à nos chambres respectives. Kael garde une certaine distance avec moi, je vois dans son regard qu'il a peur.

Peur de me blesser.

Peur que je le déteste.

Peur qu'on ne s'entende plus comme avant.

Peur de sa Couleur.

Peur de lui-même.

Peur.

— Kael, l'appelle Mère. Tu ne blesseras personne tant que la négativité ne s'emparera pas de toi. Alors cesse ce visage effrayé. Et au cas où tu ne serais pas du même avis que moi, ceci est un ordre.

Il sourit et me rejoint, un peu plus rassuré par les paroles de Mère.

Nous nous séparons arrivés à ma chambre et je m'empresse de faire ma valise.

Des leggings.

Des tee-shirts.

Des robes.

Des sous-vêtements.

Des livres.

De quoi écrire.

Peu à peu, elle se remplit, peu à peu, mon appréhension grimpe.

Je vais devoir lancer un vœu sur mon frère.

Et s'il tournait mal ?

Et si ça ne fonctionnait pas ?

Et s'il lui arrivait quelque chose ?

Et si c'était l'effet inverse ?

Et si...

Et si...

Je vais devoir aller à l'académie.

Et si les autres découvrent ma Couleur ?

Et si je n'avais pas d'amis ?

Et si je ne réussissais pas les cours ?

Et si je mourrai à cause de ma Couleur ?

Et si...

Et si...

Trop de et si...

Pas assez de certitudes.

Trop d'incertitudes.

Trop de choses bourdonnent dans ma tête, comme s'il y avait ces insectes de Là-Haut qu'on appelle Abeilles. De minuscules corps rayés noir et jaune, des ailes et une tête. Elles butinent les fleurs et font du miel, une substance dite visqueuse et gluante, mais sucrée et bonne.

Quelqu'un toque à la porte de ma chambre, interrompant le fil de mes pensées. Elle s'ouvre et la tête de Kael surgit dans l'embrasure.

— On va à la bibliothèque ? Aller, pour une fois qu'on peut aller dans la partie interdite ! s'exclame-t-il.

Je souris. Moi qui pensais que l'annonce de sa Monochromie allait le changer, que j'allais le perdre, j'ai eu tout faux. Il est toujours aussi enfantin, mais c'est lui. Le véritable lui. Celui auquel je suis attachée. Mon grand frère.