Fyctia
Chapitre 9
Ethan m'entraîne dans un petit pub situé à quelques rues de mon appartement - le Frog Hop House - et sans vraiment comprendre pourquoi, je me sens soulagée d'être restée dans mes quartiers habituels. Un peu comme si j'avais une solution de replis à portée de main, quoi qu'il puisse se passer. Parce que, concrètement, sur les quelques heures que nous avons passées ensemble l'autre jour, nous n'avons pas parlé plus de dix minutes. Aussi, je crains de n'avoir rien à lui dire aujourd'hui.
Et s'il me trouvait ennuyeuse et qu'il décidait de me planter là pour trouver une meilleure compagnie ?
Je me rends compte que c'est parfaitement idiot, de chercher à obtenir l'approbation d'un homme que je connais à peine, mais je ne peux pas faire autrement. Mis à part les quelques sorties avec Élise, c'est ma première interaction qui ne soit pas liée à la danse depuis des mois. Alors je crois que je stresse un peu, de ne pas être capable de parler d'autre chose, de réaliser que je ne suis pas intéressante.
Mes angoisses s'atténuent d'elles-même lorsque nous entrons dans le bar a l'atmosphère intimiste et chaleureuse. Avec son long comptoir en bois, et ses tables légèrement usées, j'ai l'impression de me retrouver dans le café PMU où mon père me traînait souvent les dimanches matins. Quand il disait à ma mère qu'il allait chercher le pain mais qu'il en profitait pour boire un café avec ses amis. Je me sens à nouveau comme cette petite fille entourée d'inconnus qui n'en sont pas vraiment, puisque tout le monde ici semble amical et détendu, comme à l'époque.
Ethan me désigne une petite table à l'abris des regards, contre un mur au fond de la salle, et m'interroge du regard pour être certain que son choix me convient. J'acquiesce d'un hochement de tête et quand il m'attrape la main pour me guider entre les tables déjà occupées, je suis obligée de mordre le coin de ma lèvre pour ne pas sourire comme une adolescente de quinze ans. Ce n'est pourtant pas dans mes habitudes de réagir comme ça parce qu'un homme pause sa main sur moi. Après tout, les danseurs avec qui je travaille chaque jour me touchent de manière plus intime, mais ça ne me fait pas autant d'effet que la sensation des doigts d'Ethan mêlés aux miens.
Je ne saurais pas expliquer ce qu'il provoque en moi, peut-être parce que je ne le comprends pas davantage. L'autre soir, dans la boîte de nuit, je ne l'avais pas remarqué, perdu au milieu de la foule, et aujourd'hui, j'ai l'impression de ne voir que lui. Parce qu'il est vraiment séduisant, c'est certain, mais ce n'est pas tout, il semble tellement charismatique et il dégage une énergie si positive que c'en est presque contagieux. Un seul regard venant de lui et vous vous sentez la personne la plus importante au monde, la plus forte aussi, comme si rien ne pouvait vous résister.
C'est peut-être moi qui n'ai plus l'habitude qu'on me regarde avec intérêt, et pas seulement comme un corps parmi tant d'autre, dont on essaye seulement de corriger la posture pour le modeler à l'image qu'on attend de lui. Quoi qu'il en soit, je commence à vraiment aimer la manière dont il pause ses yeux sur moi et je n'ai pas envie que ça s'arrête.
Malheureusement, on dit que toutes les bonnes choses ont une fin, et cette soirée ne fait pas exception. Après avoir bu - quelques pintes pour lui, quelques verres d'eau pétillante pour moi -et mangé sur le pouce, la nuit tombée depuis quelques heures se rappelle à nous quand un groupe de jeunes en skate s'arrêtent devant le pub pour se moquer d'un de leurs amis qui vient de tomber.
- Il se fait tard, on dirait, souffle Ethan. Je te raccompagne ?
Mon ego me pousse à répondre de manière plus mesurée que le voudraient mes tripes, qui me crient un "non" sonore.
- Si tu veux, mais je n'habite pas très loin, ne te sens pas obligé.
Il rejette ma remarque d'un roulement d'yeux exaspéré avant de m'ouvrir la porte dans une nouvelle révérence :
- Pour que ma mère vienne me hanter la nuit ? Non merci. Les rues de Paris ne sont pas assez sûres pour une jeune femme seule.
Je lui souris, ravie qu'il n'ait pas saisi la perche que je viens de lui tendre, et m'efforce de marcher lentement pour faire durer notre retour. Ethan ne semble pas le remarquer, il se cale sur mon rythme tout naturellement, les mains dans les poches et le regard perdu en l'air, il admire l'architecture de la rue entre deux anecdotes cocasses. Jusqu'à ce qu'on arrive à l'entrée de ma ruelle et qu'il me demande, en glissant une cigarette entre ses lèvres :
- Alors t'es ballerine, hein ?
- Oui.
- Prouve-le.
Les yeux écarquillés, je désigne la rue dans laquelle nous nous trouvons de mes bras écartés, pour qu'il comprenne que ce n'est ni le lieu, ni le moment.
- Oh allez. Il n'y a personne, et puis tu dois savoir danser n'importe où non ?
Il marque une pause, et ajoute, le sourcil arqué :
- A moins que tu n'aies menti et que t'aies juste un problème de transpiration ?
Je pousse un râle contrarié avant de poser mon sac à main et ma doudoune à ses pieds. Puis sous ses yeux, j'effectue quelques mouvements de base pour lui montrer que je n'ai pas mentis, et peut-être l'impressionner un peu. Je commence en première position, amène mes bras en quatrième position puis enchaîne pirouette, jeté, et grand jeté. Ethan hoche la tête, coince sa cigarette au coin de sa bouche, et m'applaudit longuement pendant que je "salue la foule". Il rit, me tend ma veste et mon sac, avant que nous ne recommencions à marcher jusqu'à la porte d'entrée de mon immeuble, qui m'apparaît bien trop proche tout à coup.
- C'est là... dis-je en me balançant d'avant en arrière.
Il acquiesce en silence, lève les yeux sur le bâtiment et dit:
- Je sais...
Sa main toujours coincée dans la poche de son jean - droit, cette fois - il ne me semble pas prêt à partir tout de suite, alors je tente :
- Tu... veux monter boire un dernier verre ?
Il m'adresse un petit sourire coquin, jette son mégot d'une pichenette et s'appuie contre le mur avec nonchalance pendant que je nous ouvre, le cœur battant.
Arrivés au septième étage, par les escaliers comme toujours, je pousse la porte de mon appartement quand je réalise que je n'ai pas d'alcool chez moi, ni de soda ou de jus d'orange. Seulement de l'eau ou du café. Il va croire que je lui ai proposé de monter pour tout autre chose.
Mais est-ce que ce n'était pas mon but, au fond ?
- Tu... veux boire quelque chose ? demandé-je priant pour qu'il veuille un expresso.
Son regard rivé au mien, il fait un pas vers moi, puis un second, avant d'ôter sa veste et de me glisser à l'oreille:
- En fait, si ça ne te dérange pas, après avoir monté sept étages, je crois que j'ai besoin de prendre une douche.
Ses iris s'assombrissent un peu quand il s'approche encore et qu'il murmure d'une voix suave:
- Et toi aussi.
Puis, d'une main sous les fesses, il me soulève pour que je puisse enrouler mes jambes autour de sa taille alors qu'il nous entraîne dans la salle de bain.
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Coeurs d'encre
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Zalla
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Raëlfar
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