AlienLikeU Coryphée Chapitre 8

Chapitre 8

Partagée entre l'envie d'envoyer un message bien salé à ma meilleure amie et celle de faire demi-tour, je me figes sur les marches de l'Opéra.


Je dois admettre que revoir Ethan me fait davantage plaisir que je ne l'aurais cru. Peut-être même que mes lèvres se sont étirées en un sourire ravi.


Mais voilà, le problème c'est que je ne m'attendais pas à le voir aujourd'hui. Je suis en nage, mes cheveux n'ont pas vu de shampoing depuis ma sortie en boîte de nuit, je ne suis pas maquillée et pour couronner le tout, je porte un jogging bleu - le plus miteux de ma garde-robe - assorti à une doudoune vert bouteille. Si Élise me voyait fagotée de la sorte, elle ferait une syncope. Remarque, après le sale coup qu'elle vient de me faire, je suis presque tentée de lui envoyer un selfie d'Ethan et moi. Juste pour qu'elle réalise l'erreur qu'elle vient de commettre.


Voilà ce qu'on récolte à vouloir jouer les cupidons pour une amie qui veut rester seule.


Je suppose que je devrais m'estimer heureuse de la tournure que prennent les événements. Inutile de le repousser, mon look le fait à ma place. Pourtant, une part de moi ne peut s'empêcher d'être déçue que ce soit à "ça" qu'il ait affaire pour nos retrouvailles.


Je m'attends à ce qu'il m'adresse un signe de main un peu gêné avant de faire demi-tour, mais Ethan me surprend une fois de plus, il secoue la tête et s'avance vers moi.


Debout sur la marche juste en dessous de celle sur laquelle je me tiens, il me sourit avec cet air taquin qui semble lui coller à la peau et plonge son regard dans le mien. Je me perds quelques instants dans ses iris couleur de chocolat, avant que la proximité de nos deux visages ne me trouble. C'est ridicule, je le sais, nos corps se sont découverts sans obstacle et sans retenue il y a quelques jours, mais ça, le fait de me trouver si proche de lui que nos deux souffles se mêlent, me donne une impression d'intimité trop invasive.


Je murmure un petit "Salut" qui se veut détaché alors que je reprends ma descente des escaliers de l'Opéra, dans le seul de but de rétablir une certaine distance entre nous. Et secrètement, j'espère qu'il ne prendra pas ce geste pour une tentative de fuite mais une invitation à me suivre.


Je ne sais plus ce que je veux. J'ai envie d'être seule, mais avec lui, sans qu'il soit trop près.


C'est à ça que ça ressemble, un dédoublement de la personnalité ?


Je cache mon sourire satisfait dans mon écharpe quand je sens son bras frôler le mien tandis que nous marchons côte à côte. Toujours aussi désinvolte que le jour où je l'ai rencontré, Ethan retient un petit rire qui ressemble à un soupir avant de glisser une cigarette entre ses lèvres. Un geste qui semble anodin pour lui, mais qui me donne une bonne excuse pour m'attarder sur son visage, ses lèvres pleines et sa mâchoire anguleuse recouverte d'une fine barbe noire. J'ai juste le temps de remarquer que son menton dévie légèrement vers la gauche qu'il relève déjà les yeux vers moi. Et d'un petit coup de tête, il désigne ma doudoune.


- T'avais peur que je te saute dessus ? s'amuse-t-il.


- Non, bafouillé-je, un peu honteuse. Je ne m'attendais pas à te voir et je sors tout juste du travail.


C'est un peu étrange, de résumer la danse à un travail, mais dans les faits c'est ça. Ethan s'immobilise un instant, il plisse les paupières et me pointe de sa cigarette avant de désigner la bâtisse dans mon dos.


- Tu... bosses là ? Genre, bosser comme danseuse ?


- Oui, c'est ça.


Il souffle sa fumée, les sourcils relevés, avant de s'incliner pour me faire une révérence théâtrale, qui m'arrache un gloussement loin d'être élégant. Mais c'est plus fort que moi, le voir faire le pitre, sans se soucier du regard des autres, m'amuse beaucoup. C'est tellement loin de ma zone de confort, moi qui me sens déjà coupable de ne pas m'être plus apprêtée pour un rendez-vous que je n'attendais pas.


- C'est impressionnant, souffle-t-il après s'être redressé. Et ça explique tout.


Je me tourne vers lui, l'air surprise.


- Qu'est-ce que ça explique, au juste ?


- Toi. Ton allure, ton attitude. T'as une espèce de grâce naturelle qui est super intimidante. Je comprends mieux. C'est pour ça que tu veux personne dans ta vie ? demande-t-il simplement, sans la moindre trace de jugement dans la voix.


- Oui, je n'ai pas de temps à consacrer à une relation.


Il acquiesce en silence, sans chercher à me psychanalyser, contrairement à ceux avec qui je parle de ma situation amoureuse en général. A croire que le seul but d'une femme saine d'esprit doit être de trouver le grand amour, comme si c'était une fin en soi.

Pas dans mon monde en tout cas.


- Et toi ? Pourquoi tu ne cherches rien de sérieux ?


- Pour les même raisons. Je n'ai pas de temps.


- Tu fais quoi dans la vie ?


- Tout et rien. Quelques missions d'intérim, ici et là.


Voyant que je ne comprends pas bien comment il peut être sans emploi et tellement débordé qu'il n'a pas de temps à consacrer à sa vie sentimentale, il sourit et finit par m'expliquer:


- Je suis trop occupé à vivre pour me soucier d'une autre personne. Toute mon enfance j'ai vu mes parents se bousiller la santé pour un job, pour avoir toujours plus d'argent, sans avoir l'occasion de le dépenser. Alors je me suis fait la promesse de ne pas reproduire leurs erreurs.


Il reste un instant le regard perdu dans le vide, avant de jeter son mégot en murmurant presque pour lui même, "Carpe Diem". Puis il se tourne vers moi, comme s'il sortait de transe et me dit:


- Je ne veux pas avoir de regrets. Si, demain j'ai envie de m'installer au Canada, rien ne doit me retenir.


Cette fois, c'est à moi de ne pas répondre. Je comprends. Nous sommes un peu dans la même situation, lui et moi. Je suis enchaînée par mon travail et mes ambitions et lui, par sa liberté.


Est-ce vraiment enviable d'être libre au point de ne pas vouloir d'attache ? Je ne sais pas.


- On va boire un verre ? demande-t-il pour me sortir de ma rêverie.


- Ok, je passe juste me changer ?


- On s'en fout. Je me foutais de toi, tout à l'heure. Ce que tu portes, c'est pas important. En plus, j'ai déjà vu ce qu'il y a en dessous, et ça vaut le détour, ajoute-t-il en m'adressant un clin d’œil.


Je lui souris en secouant la tête.


- Si tu veux, mais je ne te garantis pas qu'on fasse autre chose que boire un verre.


- Tu me prends pour un animal ou quoi ? plaisante-t-il. Je suis capable de passer une soirée avec une femme sans avoir envie de m'envoyer en l'air. Et de toute manière, tu ne risques rien tant que tu n'auras pas pris de douche.


Cette fois, je ris franchement, avant de lui demander:


- Mais tu...


- Tu te poses trop de questions, Adèle, soupire-t-il en rejetant sa tête en arrière. On est majeurs, vaccinés, on a couché ensemble mais on ne cherche rien de sérieux tous les deux. A partir de là, rien ne nous empêche de nous voir sans forcément baiser. Du moment qu'on est sur la même longueur d'onde, c'est cool, non ?


- Oui, je suppose...


- T'inquiètes, je vais te le prouver.


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5 commentaires

Giselle Marion

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Il y a 5 ans

+ 3 ;-)

Nine C

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Il y a 5 ans

Bordel, tu y tiens vraiment à ta douche toi ! 🤣 bon allez, j’attends la suite miss ❤️

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Je ne le répéterai jamais assez. Du sexe, d'accord, mais hygiénique boudiou ! 😂

MiXado

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Il y a 5 ans

Ce "petit verre" va forcément se terminer comme la dernière fois 😂

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Il y a des chances... C'est vrai lol
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