AlienLikeU Coryphée Chapitre 7

Chapitre 7

- Voilà, c'est fait. Ton Uber arrivera dans une vingtaine de minutes.


Je repose mon téléphone sur la table de la cuisine en m'assurant de ne pas croiser le regard d'Élise. J'ai bien trop peur de craquer. A chaque fois qu'elle me rend visite, c'est le même dilemme. Avant qu'elle arrive, j'ai peur de ne pas avoir de temps à lui consacrer, mais une fois qu'elle est là, je n'ai plus envie qu'elle parte. D'autant plus que, cette fois, c'était vraiment particulier, et je ne dis pas ça seulement à cause d'Ethan. Elle m'a poussée à sortir et à me détendre, ce dont j'avais besoin, enfin je crois. Ça m'a fait un bien fou de la retrouver et de partager ces moments de complicité avec elle. On sous-estime l'importance des amis, les vrais. Chose que je n'ai pas ici, malgré les huit ans passés dans le 9e et les quatre ans à Nanterre*. 


On dirait que je n'ai jamais vraiment réussi à trouver ma place. 


Quand je n'ai plus l'impression d'avoir de l'acide dans mes canaux lacrymaux, j'ose un coup d'oeil en direction de ma meilleure amie, qui ne semble pas être dans son assiette non plus. Le regard perdu dans le vague, elle malmène la lanière de son sac à main coincé entre ses jambes. Comme si elle voulait me dire quelque chose mais qu'elle n'osait pas le faire.


- Ça va ? je lui demande.


Lentement, elle se tourne vers moi, ses yeux bleus troublés par les larmes. Elle pousse un soupir à fendre l'âme et se laisse tomber contre ma poitrine. Avant de se mettre à pleurer, elle parvient à me dire:


- Je ne veux pas y retourner. S'il te plaît, Adèle, laisse-moi rester.


Un peu surprise, je mets quelques secondes avant de répondre à son geste et de l'étreindre à mon tour. Une main dans son dos et l'autre dans ses cheveux, j'essaye de la réconforter sans comprendre ce qui la met dans cet état. Il me semblait bien avoir perçu quelques regards nostalgiques et une mine un peu plus sombre que d'habitude, mais jamais je ne me serais imaginé qu'elle puisse aller si mal. Elle qui a toujours le sourire aux lèvres.


Entre deux sanglots, elle m'avoue tout. Ses difficultés au travail, ses angoisses, son célibat qui commence à lui peser. Toutes ces choses dont elle ne me parle jamais, mais qui la font sombrer chaque jour un peu plus dans la dépression. Je me sens tellement peinée pour elle, j'aimerais pouvoir l'aider, pourtant je sais que je ne peux y faire rien.


Les mains sur ses épaules, je l'éloigne de moi avec douceur pour qu'elle puisse me voir quand je lui dis:


- Tu sais que tu peux rester chez moi aussi longtemps que tu veux.


Ses pleurs redoublent. 


- Mais je ne crois pas que ça soit la solution à ton problème. Je crois qu'il faut que tu fasses un break et que tu cherche à comprendre ce qui te rend si malheureuse, pour pouvoir aller de l'avant.


Du pouce j'essuie une dernière larme solitaire qui roule sur sa joue quand elle lève ses grands yeux humides vers moi.

- Et toi ?

- Quoi, moi ?

- Est-ce que ça te rend vraiment heureuse, tout ça ? Jusqu'à présent, même si on se chamaillait un peu à ce propos je n'ai jamais remis en question ton choix de carrière parce que j'étais persuadée que ça faisait ton bonheur.


Elle marque une pause, le temps d'expulser un soupir encore troublé par le chagrin.

- Mais je n'en suis plus si sûre aujourd'hui. On dirait que tu te forces, pour tout, même aller à l'Opéra semble te coûter.


- Je suis heureuse. Ne t'en fais pas pour moi.


J'ai répondu sans même prendre le temps de réfléchir, comme je le fais toujours quand il s'agit de la danse. Bien sûr que je suis heureuse, il ne peut en être autrement. Je vis de ma passion, je fais le travail de mes rêves, dans un des établissements les plus prestigieux du monde, que pourrais-je bien espérer de plus ?


Alors, c'est vrai. Ces derniers temps, je suis plus fatiguée, plus irritable, mais mon père doit avoir raison, je suis juste trop stressée. Tout ira mieux une fois que le concours sera passé. J'offre un sourire rassurant à ma meilleure amie qui ramasse son sac en entendant le bruit de la sonnette. Nous rejoignons la rue sans échanger un mot, chacune perdue dans les pensées que cette conversation aura fait surgir. 


Avant qu'elle ne monte dans le Uber, nous nous étreignons une dernière fois et je lui glisse à l'oreille:


- Si tu crois que c'est ce qu'il y a de mieux pour toi, reste.


Je ne sais pas si c'est ma volonté de l'aider qui a parlé ou mon envie de l'avoir près de moi.


- Non, tu as raison. Il faut que j'affronte mes problèmes et que j'essaye de les résoudre. Et je ne pourrais pas le faire à Paris.


Elle m'adresse un sourire, lève le poing en signe de motivation et monte à l'arrière de la berline qui l'emporte loin de moi pour deux nouveaux mois. Et quand je la vois s'éloigner, mon cœur chute dans ma poitrine, emportant avec lui une larme unique qui roule sur ma joue. La première depuis de nombreuses années. 


Je ferme les paupières un instant et rejette ma tête en arrière pour profiter de la brise automnale qui balaye mes cheveux. Je reste ainsi, les pieds collés au bitume, sur le bord de la route, pendant de longues minutes avant que le froid n'ait raison de moi. De toute manière, il ne sert à rien d'attendre, elle ne changera pas d'avis. C'est elle qui m'a demandé de la laisser rester, mais quelque part au détour de notre conversation, c'est moi qui ai eu désespérément envie de la garder à mes côtés. 


Mais rien ne sert de rêver. Elle est partie. Retour à la vie normale. L'entraînement intensif, les étirements, le comptage de calories, les bains de glace. Toutes ces choses que j'ai mises en suspens lors de sa présence mais qui font parties mon quotidien.


***


Il est dix-huit heures trente quand je quitte l'Opéra, ce soir. Élise a retrouvé notre province Lorraine natale depuis vingt quatre heures seulement et elle me manque déjà plus que je ne l'aurais cru. Sans elle, tout m'apparaît terne et sans saveur. Et pour la première fois depuis que j'ai quitté mon père pour poursuivre mes rêves, la solitude me pèse.


Dans les grands escaliers du hall, j'ajuste mon écharpe et ressert les pans de mon manteau tout en fouillant d'une main mon sac à la recherche de mon portable. Vues les dernières confessions de ma meilleure amie, je me suis jurée d'être plus présente pour elle. Mais avant d'avoir le temps de lui envoyer un message, j'en reçois un de sa part.


  • Tu as terminé ?

  • Oui, pourquoi ?
  • Tu verras. S'il te plaît, ne m'en veux pas. Si j'ai fait ça, c'est parce que je t'aime, ma caille.

Je ne comprends pas bien ce qu'elle essaye de me dire. Enfin, jusqu'à ce que je lève les yeux et que je l'aperçoive. Debout sur la place de l'Opéra, les mains dans les poches et le même petit sourire satisfait que lors de notre rencontre, Ethan m'attend.



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21 commentaires

Laureline Maumelat

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Il y a 5 ans

qu'est-ce que j'aime ton écriture ! ♥ je pose une vraie question : quand est-ce que je pourrai lire un de tes livres en entier ?

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Ooh tu es trop gentille merci 😍😍😍 Un jour j'espère, mais il faut déjà que j'arrête de douter en cours de route 😅 Mais c'est dans ma liste d'objectif pour 2020 finir mes histoires

Camille Jobert

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Il y a 5 ans

J'adore le cadeau d'élise, même au fond du trou, déprimée, retournée chez elle, à l'autre bout du pays, elle pense toujours à son amie. Je trouve tellement adorable le cadeau qu'elle a fait à Adèle avant de partir ! J'ai tellement hâte de lire la suite, car je suis contente de revoir Ethan ! 😳🤗😍

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Oui c'est une vraie amie qui pense au bien-être de sa copine. Même avant le sien. Moi aussi je suis contente de le faire revenir lol j'espère que ça te plaira

MiXado

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Il y a 5 ans

J'ai été emporté par les trois derniers chapitres tellement ils étaient bien écrit. J'ai été transporté par le début de romance entre notre danseuse et Ethan, entre l'amour entre les deux amies si fraternelles, entre les description si finement réalisé. Depuis le début du concours, j'ai lu une quinzaine d'histoire et je crois que je suis tombé sur mon coup de cœur. Ce début de livre est attirant, tu as sur à donner envie au lecteur de continuer la lecture, tu as su mettre un fil rouge avec beaucoup de subtilité sans rentrer dans les clichés. Avoir choisi le domaine de la dance pour le personnage principale est un choix intéressant, je n'ai lu que très très peu d'histoire avec ce thème, (en réalité, c'est la deuxième avec ce thème) et quand je la compare avec la première, j'ai plus ressentis la passion. La description des personnages manque un peu finalement, au niveau des caractères j'arrive bien à me les imaginer mais pas du tout au niveau du physique. C'est le seul bémol à ton histoire sinon elle est véritablement parfaite. J'espère que mon avis t'aura été utile pour la suite de ton histoire que je continuerais de découvrir dès qu'un nouveau chapitre sera disponible!

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Merci beaucoup pour ton retour. Je suis ravie que mon début d'histoire ait pu te séduire, j'espère arriver à faire passer tout ce que je veux dans cette histoire. C'est vrai qu'en pensant aux règles, j'ai pensé à un milieu exigeant comme celui de la danse, et en plus j'avais envie d'écrire une histoire à ce sujet donc c'est tombé à pic ^^ C'est vrai que je ne les ai pas beaucoup décrit mes personnages et je pense que ça vient du point de vue unique, en général je me sers du point de vue opposé pour décrire et là, ben j'en ai pas. Et je n'ai pas encore trouvé l'actrice qui correspond vraiment à ma Adèle lol.Mais je vais essayer d'approfondir ça dans la suite. Merci.

Zalla

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Il y a 5 ans

Je crois qu'il tombe à pic ce Ethan !

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Oui. Il tombe plutôt bien 😜

Rose Lb

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Il y a 5 ans

crescendo d'émotion, palier après palier de plus en plus fort, merci à lui !

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Et merci à toi 😊
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