AlienLikeU Coryphée Chapitre 2

Chapitre 2

Ce soir, quand je rentre de l'entraînement, je souris en voyant ma meilleure amie affalée sur le canapé, en pleine contemplation des "Princes de l'amour", l'air franchement suspicieuse. Je me laisse tomber à l'autre bout du sofa, et étend mes jambes sur la table basse. Élise lève brièvement les yeux dans ma direction et me demande, en me tendant le paquet de chips dans lequel elle vient de plonger la main :


- Tu en veux ?


Elle lève les yeux au ciel quand je refuse, puis hoche la tête:


- Je ne comprends pas comment tu fais...


- Pour ?


- Ben tout ça. Les entraînements tous les jours, l'absence de vie privée, le fait de ne pas pouvoir manger ce que tu veux, quand tu veux. Je ne pourrais pas, moi.


On m'a souvent posé la question. A savoir si tous ces sacrifices, toute cette rigueur, ne me dérangeaient pas. C'est assez étrange, parce que je sais qu'à mon âge beaucoup auraient l'impression de passer à côté de leur jeunesse. Ce n'est pas mon cas. D'aussi loin que je me souvienne, devenir Etoile a toujours été mon rêve, et si pour l'atteindre je dois dire adieu aux sorties, aux hamburgers ou même aux hommes, je le ferais. Mille fois s'il le faut, et sans hésiter. Je n'ai pas l'impression de me priver, c'est ma vie, et je l'aime telle qu'elle est. Mais je sais que ça lui parait impensable, alors je préfère nous éviter un énième débat stérile et je choisis de m'en tenir à ma réponse habituelle.


- On s'y fait.


Élise se redresse sur un coude, elle m'analyse un instant, prend une nouvelle poignée de chips avant de poser le sachet sur la table et de s'approcher de moi.


- Non mais Adèle, tu peux me le dire à moi. T'as pas envie des fois de tout envoyer valser, d'entrer dans un pub, de commander un triple cheeseburger, une pinte de bière et de te taper le serveur dans les chiottes ?


Je glousse en l'entendant parler. C'est tellement représentatif des priorités d'Élise : la nourriture, l'alcool, les hommes. Dans cet ordre. Tandis que de mon côté, je n'en ai que deux : la danse et les personnes que j'aime. Bien que je ne sache pas lequel des deux prendrait le pas sur l'autre si j'avais à choisir. J'aime à croire qu'ils sont à égalités.


- Non, je t'assure. Rien de tout ça me manque. En fait, je n'y vois pas grand intérêt.


Elle manque de s'étouffer et postillonne des miettes de chips un peu partout sur mon canapé.


- Désolée je nettoierai, mais tu ne vois pas l'intérêt de quoi ? Manger ? Baiser ?


- C'est sûr que dit comme ça, ça donne envie, je la taquine. Mais pour te répondre, si ça doit m'éloigner de mon objectif, non, ça ne m'intéresse pas.


- Bon, pour tout ce qui pourrait nuire à ta condition physique, je peux l'entendre. Je ne comprends pas mais je peux l'entendre. Mais les hommes ? Comment est-ce que ça pourrait être un frein à ta carrière ?


- Une relation amoureuse... ça demande de l'entretien, avoué-je un peu gênée. Comment construire quelque chose alors que je ne suis pas disponible les soirs, les week-ends ? Qui pourrait comprendre le fait de toujours passer en second ?


- D'accord. Mais je ne te conseillais pas de te marier, ma caille, je te suggérais de t'envoyer en l'air.


Je ris et lui lance un coussin.


- Tu devrais arrêter de regarder ces bêtises, dis-je en désignant l'écran. Tu vois des célibataires en mal d'amour partout.


- J'aime bien, ça me vide la tête.


Les yeux rivés sur la télévision, Élise semble regarder les images qui défilent sans vraiment les voir. Et pour la première fois depuis qu'elle m'a rejoint à Paris, je prends vraiment le temps de l'observer. Elle semble différente, fatiguée c'est certain, mais ce n'est pas tout.


- Tout va bien ?


Elle se tourne vers moi, m'offre un sourire un peu plus terne qu'à l'accoutumé, et me répond sur un ton enjoué qui ne me convainc pas:


- Bien sûr ! Pourquoi ?


- Comme ça.


Je ne sais pas si elle cherche à changer de sujet, ou si elle attendait seulement d'avoir une opportunité, mais elle éteint la télévision et se tourne vers moi:


- Alors, qu'est-ce qu'on fait ce soir ?


Ma grimace suffit à faire disparaître sa mine réjouie, elle se réinstalle dans le canapé et rallume l'écran:


- D'accord, j'ai compris. On va rester là. Encore.


Je me sens soudain submergée par une vague de culpabilité, consciente de l'impression qui doit l'étreindre en ce moment. Celle d'être la seule à faire des efforts. Élise a fait le trajet jusqu'à Paris, sur ces jours de congés, pour passer du temps avec moi. Elle accepte que je m'entraîne chaque jour, alors que je n'ai pas de représentation prévue ce week-end, et je ne suis même pas capable de lui accorder une soirée ?


Si je n'y mets pas du mien, elle va finir par se lasser. Et je ne pourrais pas lui en vouloir.


- Tu as raison, dis-je dans un souffle.


- Quoi ?


- On reste toujours ici, tu dois en avoir marre.


Sans dire un mot, elle acquiesce, les yeux écarquillés comme une enfant le matin de Noël.


- Accorde-moi une demi-heure de sieste et ce soir, on fera tout ce que tu veux.


- Même deux heures si tu veux. Du moment qu'on sort de ton appartement.


- D'accord. Je prends une douche, je vais me coucher et ensuite on ira où tu voudra.


Élise éteint une nouvelle fois la télévision, jette la télécommande à côté d'elle et se lève en retenant un petit cri strident dans sa gorge. Je ne l'avais plus vue aussi excitée depuis bien longtemps et même si je passerais bien le reste de la journée allongée devant un bon film, je me réjouis à l'idée de passer du temps avec elle.


Quand je sors de ma sieste, quarante cinq minutes plus tard, je me sens requinquée. Et d'après les bruits qui me parviennent du salon, je crois que je vais en avoir besoin. Précautionneusement, je m'aventure dans la pièce à vivre pour retrouver ma meilleure amie toute apprêtée et à la limite de l'état d'ébullition. Sur mon sofa, trois tenues sont préparées, avec chacune leur chaussures et accessoires assortis. La fourbe, c'était un piège.


- C'était donc pour ça, ta valise qui pèse trois tonnes ?


Elle hausse les épaules, faussement coupable, et m'adresse un sourire mutin dont elle a le secret:


- T'es prête pour la soirée de ta vie, ma caille ?


Je crois que c'est trop tard pour faire demi-tour.





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25

25 commentaires

maioral

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Il y a 5 ans

N'empêche, j'y pense en relisant (histoire de me remettre dans le bain), mais elle a de la chance que sa sieste ne l'ait pas assommé comme elles ont tendance à le faire avec moi XD Ca commence toujours par "rien qu'une demi-heure"... "bon allez, dix minutes de plus"... "encore 10"... "bon merde, encore 30 minutes" XD

Camille Jobert

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Il y a 5 ans

Une soirée avec son amie va la décompresser et peut-être elle rencontrera un homme !

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Peut-être ;)

MiXado

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Il y a 5 ans

je n'ai rien à dire sur ce chapitre à part qu'il introduit la soirée ou forcément, notre chère danseuse va trouver l'homme de sa vie!

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

L'homme de sa vie, je ne sais pas encore ^^ Je ne suis pas décidée sur la fin lol

Rose Lb

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Il y a 5 ans

génial, d'abord ce moment précieux entre elles, amies confidentes, je me suis dite, bon sang elle a une mauvaise nouvelle a lui annoncer!!! Mais non, une véritable amie qui a pensé à tout! Je vais découvrir leur petite soirée...

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

ah oui, c'est vrai qu'on aurait pu croire que cette grosse valise présageait quelque chose de mauvais. Mais ce n'est pas le cas ;)

Zalla

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Il y a 5 ans

J'aime beaucoup le style de vie d'Adèle. C'est une réalité, tous ces sacrifices quand on veut atteindre un tel niveau dans une carrière sportive. Une relation ça demande de l'entretien, ça c'est pas faux ;) Sa relation avec Élise m'a touchée, la façon dont elle décide de faire des efforts.

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

C'est vrai, ce genre de profession demande des sacrifices qu'elle n'est prête à faire que pour son amie 😊

maioral

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Il y a 5 ans

J'aime beaucoup leur amitié... Et même la vie d'Adèle... Le sentiment qu'il faut un peu écho au mien (sans la danse, mais les chevaux haha ^^ le sacrifice est à peu près pareil :p ). En tout cas, ce fut un grand plaisir de te lire, je suivrais ton récit avec grand plaisir ! :D
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