AlienLikeU Coryphée Chapitre 3

Chapitre 3

Tomber d'accord n'a pas été une tâche aisée. Elise insistait pour que je dévoile mes jambes ET ma poitrine, tandis que de mon côté j'essayais de me rapprocher de ma zone de confort, c'est à dire un legging assorti d'un sweat-shirt oversize.


Ou comment faire comprendre à la foule de noctambule que je suis sortie contre mon gré.


Après quelques minutes d'un débat houleux j'ai fini par céder et j'ai accepté de porter la tenue la plus sage qu'elle ait sélectionné. Une robe moulante, très courte il est vrai, mais décente grâce à ses manches longues et son col carré.


Avant de montrer le résultat à Élise, qui s'impatiente de l'autre côté de la porte, je tourne une dernière fois sur moi-même pour m'observer dans le miroir en pieds de la salle de bain et je dois avouer que je suis plutôt satisfaite de ce que je vois. Mais au moment où je dévoile ma "transformation" à ma meilleure amie, sa réaction n'est pas exactement celle que j'espérais. Elle bloque une inspiration dans sa gorge et m'offre un petit sourire figé qui veut tout dire.

Elle est déçue.


- Qu'est-ce qu'il y a ? je demande, mal à l'aise. C'est trop près du corps, c'est ça ?


Élise lève les yeux au ciel avant de me pousser sans ménagement devant le miroir:


- Non mais tu t'es vue, Adèle ? Si j'avais ton corps je ne m'embarrasserais même pas à mettre des fringues, je crois que je me contenterais d'une culotte. Et encore. La robe est canon et toi t'es gaulée comme une déesse, mais...


Cette fois c'est à moi de rouler des yeux. Je suis fine, c'est tout, il n'y a vraiment pas de quoi en faire tout un plat.


- Mais ce n'est pas le problème, reprend-t-elle avant que je ne puisse la contredire. Regarde-toi bien.


- C'est ce que je fais...


- Ta coiffure, ton maquillage... Ça ne va pas du tout, on dirait une duchesse qui a décidé de s'encanailler auprès des gueux.


Le regard perdu que je lui adresse la décide à m'expliquer le problème avec des mots plus simples et plus directs.


- Tu sais que je t'aime ma caille, mais on dirait que tu as un balai dans le cul. Ton chignon plaqué est parfait, il n'y a pas un cheveu qui dépasse, mais ce n'est pas à l'Opéra qu'on va, c'est en boîte de nuit.


Finalement, je crois que j'aurais préféré qu'elle continue à tourner autour du pot encore un peu. Parce que, même si je sais très bien qu'Elise ne cherchait aucunement à me blesser, ce n'est jamais très agréable de s'entendre dire qu'on a l'air d'être coincée. Surtout à tout juste vingt-cinq ans.


La solitude, les épreuves de la vie et les responsabilités font vieillir plus vite, il faut croire.


Comme si elle avait entendu les pensées qui ont suivies sa réflexion, ma meilleure amie s'arrête nette, pinceaux et palette de poudre en main, pour pivoter vers moi, l'air embarrassée.


- Enfin, tu vois ce que je veux dire... On ne sort jamais toutes les deux, alors pour une fois que ça arrive, je veux que tu puisses en profiter à fond. Et je te connais, si tu as l'impression de ne pas être "raccord" avec l'ambiance de la soirée tu vas te renfermer sur toi-même.


Je lui adresse un sourire emprunt d'émotion. Même si elle peut être maladroite par moment, Élise me connaît par cœur et elle sait comment m'amadouer.


- Tu as raison. Alors, dis-moi, comment on procède ?


- Toi, tu t'assois sur le bord de la baignoire et tu me laisses faire. Tata Lisette s'occupe de tout, reprend-elle, son éternel sourire malicieux aux lèvres.


Les yeux fermés, j'attends sagement qu'elle finisse son oeuvre et si j'ai pris un certain plaisir à passer entre ses mains au début, elle s'attelle à me rendre plus jolie depuis dix minutes et ça commence à être inconfortable - et un peu gênant de ce dire que c'est si long.

Je gesticule en grimaçant:


- T'as bientôt fini ? J'ai mal aux fesses.


- Oui, oui, c'est bon.


Quand je me découvre, je suis soufflée par le résultat. Moi qui ai l'habitude de voir mon visage nu ou au contraire très fardé pour les représentations, ne m'attendais pas à ce que cet entre-deux soit si réussi. J'ai le teint frais et lumineux, le maquillage qu'elle a choisi n'est pas trop prononcé, mes longs cheveux bruns retombent en une cascade de boucles légèrement ébouriffées, c'est parfait. On dirait même que je suis plus jeune.


Élise me chasse de la salle de bain, et de ce reflet qui m'hypnotisait, pour se préparer à son tour.


Une fois que nous sommes toutes les deux apprêtées, nous prenons un Uber pour aller dîner chez Kintaro avant de nous rendre dans une nouvelle boîte de nuit qui vient d'ouvrir dans le Marais, d'après ce qu'Élise m'en dit. Je vis à Paris depuis que j'ai 13 ans, et c'est elle - qui vit en province - qui est le mieux informée. C'est dingue.


Même maintenant, alors que nous nous tenons devant le "Mystique", ma meilleure amie me fait signe de patienter alors qu'elle passe un coup de fil. Visiblement elle connaît quelqu'un à l'intérieur qui doit nous faire entrer sans avoir à faire la queue, et je ne peux que la féliciter de cet initiative. Malgré mes tentatives pour le contrer, l'air froid de cette nuit d'Octobre parvient à s'infiltrer entre les pans de mon manteau en laine. Je suis gelée.


Aussi j'accueille avec un certain soulagement la chaleur qui règne dans la boîte de nuit décorée de tentures colorées qui virevoltent autour d'un bar central en bois et "or", vers lequel m'attire justement Élise en me désignant un homme qui lui fait signe de la main - son ami je suppose. Elle le salue amicalement et lui colle une bise sur la joue tout en me désignant de sa main libre; celle qu'elle n'a pas posée dans le bas du dos de ce jeune homme, qui semble s'appeler Arthur ou Anton, je n'ai pas bien compris. Il me salue d'un signe de tête auquel je répond par un sourire timide et accepte sans poser de question le verre qu'il me tend.


Si je veux vraiment me sentir à l'aise, je crois qu'il faut que je m’enivre un peu. Pour éviter d'avoir l'impression de ne pas être à ma place ici, et ne plus sentir tous ces regards sur moi. Élise me dirait sûrement que je me fais des films, que personne ne me regarde. Enfin, je suppose que c'est ce qu'elle dirait si elle n'avait pas les lèvres collées à l'oreille d'Arthur/Anton.


Mais je pourrais lui dire qu'elle fait erreur, parce que je suis certaine d'une chose. Le propriétaire de la paire d'yeux vairons que j'aperçois de l'autre côté du bar me fixe depuis que je suis entrée.


Et puisqu'il m'apparaît à présent clair que ma meilleure amie risque de ne pas rentrer avec moi, je prends mon courage à deux mains, j'avale d'une traite le verre qui contenait vraisemblablement de la vodka orange, et en commande un autre avant de me diriger vers celui qui me dévore du regard.



Tu as aimé ce chapitre ?

21

21 commentaires

RIPOST

-

Il y a 5 ans

Pas grand chose à dire sur ce chapitre.

Camille Jobert

-

Il y a 5 ans

Tata Lisette l'a rendu sublime pour qu'elle part à la châsse. Hâte de rencontrer Monsieur yeux vairons !

AlienLikeU

-

Il y a 5 ans

Normalement, tu ne devrais pas être déçue... à moins que...

MiXado

-

Il y a 5 ans

Ouhhh! Je sens que notre danseuse a trouvé son prince charmant! Un très bon chapitre comme d'habitude si j'ose dire! Très peu de fautes d'orthographes, rien à dire.

AlienLikeU

-

Il y a 5 ans

Merci :)

Rose Lb

-

Il y a 5 ans

ah c'est pas vrai qu'elle ose!!! Excellent, je tourne cette page virtuelle pour lire qui est derrière ce bar!

AlienLikeU

-

Il y a 5 ans

Oui... elle a plus de cran qu'on aurait pu le croire ^^

Zalla

-

Il y a 5 ans

C'est vraiment excellent, j'aime beaucoup ta plume, elle est bien travaillée. Je prends plaisir à suivre la transformation d'Adèle et Elise me fait bien marrer.

AlienLikeU

-

Il y a 5 ans

Merci beaucoup <3

Nine C

-

Il y a 5 ans

Je le sens mal moi ce cloporte 🤔
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.