AlienLikeU Coryphée Chapitre 1

Chapitre 1

Six semaines plus tôt:


Face au miroir, j'observe chacun de mes mouvements pour m'assurer qu'ils sont parfaits. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne suis pas satisfaite de ce que je vois. Aujourd'hui, j'ai choisi de ne pas répéter de chorégraphie en particulier mais de me concentrer sur les enchaînements. J'alterne les mouvements de manière aléatoire en essayant de rendre le tout fluide et naturel, mais rien de bon ne ressort de cet entraînement.


Je ne sais pas si c'est à cause du concours qui approche à grand pas ou du niveau d'excellence irréaliste que j'essaye d'atteindre - à moins que ce ne soit un peu des deux - toujours est-il que j'ai l'impression d'être de moins en moins bonne à mesure que les heures s'écoulent.


Je ferais mieux d'en rester là pour le moment. Je suis en nage, courbaturée et frustrée par dessus le marché. En forçant, je risquerais de me blesser et je ne peux pas me le permettre, pas à quelques semaines d'un concours qui va déterminer le reste de ma carrière. Bon j'exagère peut-être un peu, si j'échoues je ne me retrouverais pas sans emploi, mais ça ralentirait ma progression au sein de la compagnie. Il me faudrait attendre un an de plus pour être promue Sujet, et même si ce n'est pas une fin en soi, ce n'est pas ce que j'attends. J'ai un but et je suis déterminée à tout faire pour l'atteindre. Qu'importe ce qu'il m'en coûtera.


Pendant que je fais quelques étirements à la barre, mon téléphone sonne dans mon sac. Mince, ce doit être Elise. J'étais censée aller la chercher à la gare, mais j'ai totalement perdu la notion du temps. J'espère qu'elle essaye de me joindre pour me prévenir que son train aura un peu de retard, et non pas parce qu'elle est arrivée et qu'elle se demande où je me trouve. Je trottine jusqu'à la banquette en velours vert pâle où j'ai abandonné mes affaires en m'excusant d'un hochement de tête auprès des autres danseurs qui s'entraînent quelques mètres plus loin. D'une petite voix désolée, je réponds à mon amie qui rit en m'entendant. C'est déjà ça, elle ne semble pas fâchée.


- Laisse-moi deviner... Tu n'as pas vu le temps passé et tu es toujours à l'Opéra ?


- Gagné.


Elle soupire mais j'entends au son de sa voix qu'elle sourit.


- Adèle, Adèle, Adèle... Qu'est-ce que je vais faire de toi ?


Elle ne me laisse pas le temps de répondre et enchaîne aussitôt:


- Comme je suis une super amie et que je te connais par coeur, je savais que tu ne viendrais pas. J'ai commandé un Uber quand j'étais encore dans le train. Je serai chez toi dans une petite vingtaine de minutes. Tu sera là pour m'accueillir ?


- Oui, oui, bien sûr. Là comme tu peux entendre, j'enfile ma veste et je pars de l'Opéra dans la seconde.


- C'est bien ma caille. A tout de suite, je t'aime.


Là encore, je n'ai pas le temps de prononcer le début d'une syllabe qu'elle a déjà raccroché. C'est tout Élise, ça. Droit au but. Je me félicite d'avoir gardé mes affaires avec moi et quitte le Foyer de la Danse dans la précipitation. J'ai déjà raté son arrivée à Paris, il ne manquerait plus qu'elle m'attende au pied de mon immeuble, valise sous le bras et parapluie en main.


Ça non plus, je ne peux pas me le permettre. Élise est ma seule véritable amie, nous nous connaissons depuis toujours et je refuse de la perdre comme tous ceux qui sont entrés dans ma vie depuis que j'ai intégré l'école de danse de l'Opéra. Peu de gens peuvent comprendre ce qu'un métier comme le mien peut exiger comme sacrifice. Entre les représentations, les entraînements et l'hygiène de vie que je m'impose, personne n'a tenu le coup. Que ce soit amicalement ou sentimentalement.


Alors j'ai laissé tomber, j'ai décidé de me cantonner à ce qui est vraiment important. Ma famille, mon amie et ma carrière. Le reste m'importe peu, que ce soit les gens qu'il m'arrive de côtoyer dans le cadre du travail, la mode, ou même les voyages. De toute manière, je n'ai pas de place actuellement dans ma vie pour ce genre de distraction.


Mon écharpe rabattue sur la tête pour me protéger de la pluie battante, j'empreinte la rue Auber en courant. Habituellement, je prends le Boulevard des Capucines, que je trouve plus joli, mais je ne préfère pas prendre le risque de faire attendre Élise plus longtemps. Chaque minute compte, et avec un peu de chance, si je vais assez vite, j'aurais le temps de prendre une douche avant qu'elle n'arrive.


Mais visiblement, je ne suis pas douée pour estimer les durées parce qu'au moment où j'arrive aux pieds de mon immeuble, Élise sort d'une berline grise suivie de près par une énorme valise. Étrange. Elle, qui voyage habituellement léger, semble avoir apporté la moitié de sa penderie avec elle. Peu importe. Du moment qu'elle est là, avec moi, rien d'autre n'a d'importance. Nous avons grandis ensemble, dans un petit village de province et alors que je suis partie vivre ma vie à Paris, elle est restée là où nous sommes nées. Nous ne nous voyons donc pas aussi souvent que je l'espérerais, ce qui rend ses visites d'autant plus spéciales.


J'abandonne mon sac, mon écharpe et me précipite vers elle pour lui sauter dans les bras. Elle lâche la poignée de sa valise et me réceptionne tant bien que mal, dans un couinement laborieux:


- Moi aussi tu m'as manquée ma caille, mais t'as beau être taillée comme une brindille, tu pèses ton poids.


- Arrête un peu. Quand tes patients tombent et que tu dois les aider à ses relever tu leurs dis pas qu'ils sont trop gros, eux.


Je la relâche enfin et elle fait mine d'avoir mal au dos alors que je sais très bien qu'elle joue la comédie. Je la connais par cœur, et sous ses airs de petite femme fragile, elle est bien plus forte qu'il n'y parait. Malgré son mètre soixante, ses soixante-cinq kilos toute mouillée et ses grosses boucles blondes qui lui donnent un air de petite poupée, Élise a un caractère bien trempé et une poigne de fer.


- J'ai pas dit que t'étais grosse mais lourde, c'est différent. Bon allez, c'est pas que je t'aime pas, mais il gèle et on est trempées. Si on montait pour que tu me racontes les nouvelles croustillantes...


Je lève les yeux au ciel et attrape sa valise. Elle proteste pour la forme mais accepte mon aide et attend que je réponde à sa question déguisée : Y-a-t-il un homme dans ma vie ?


- Toujours rien de nouveau dans ma vie, désolée.


- T'en fais pas pour ça, j'ai tout ce qu'il faut pour que ça change dans ma valise, me glisse-t-elle avec un clin d'œil malicieux avant de s'engouffrer dans l'ascenseur.


Bon sang. Quel plan farfelue ma meilleur amie a-t-elle encore mis sur pied ?







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37 commentaires

RIPOST

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Il y a 5 ans

Tu sais parfaitement tirer profit de la limite des 7000 caractères. Tes chapitres sont rondement menés !

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Merci beaucoup , j'essaye mais parfois je me fais avoir par le piège du cliffhanger, à force de vouloir en mettre un, je me perds

Camille Jobert

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Il y a 5 ans

La danse c'est une discipline dure et stricte, c'est vraiment dommage que son entourage ne comprennent pas que c'est sa passion ! Non, ils préfèrent voir que le côté chiant de la danse et le manque de temps. Parce que l'opéra s'est la classe !

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Oui c'est vrai que c'est exigeant et au même titre que les athlètes de haut niveaux ça demande des sacrifices, que les gens ne voient pas forcément à cause du côté doux et des tutus lol

Camille Jobert

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Il y a 5 ans

J'aime bien son amie. Elle est la joie de vivre personnifiée. Je sais pas à quel sauce sera mangée Adéle, mais j'ai hâte !

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Une sauce douce, Élise ne veut que son bien ;) lol

MiXado

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Il y a 5 ans

Un chapitre agréable à lire, j'ai réussi à sentir sa passion pour la dance ainsi que la rigueur qui s'impose. Tu arrives à nous transmettre ses émotions envers son amie. Quelques petites fautes d'orthographes qui ne gênent pas à la compréhension, Je sens que cette valise réserve des surprises.

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Merci, j'espérais réussir à faire passer sa passion justement :)

Elobiblio

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Il y a 5 ans

J'adore ce genre de meilleure amie !

AlienLikeU

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Il y a 5 ans

Moi aussi, adorable mais qui n'hésite pas à te mettre un coup de pied au c*l si besoin ^^
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