Fyctia
Le cinquième élément
Je mets du temps à bien réaliser ce que signifie l’article que Léa vient de me lire.
- Donc il n’y a jamais eu de cinquième cobaye, c’est cela ?
- En tout cas, ce n’est pas le traitement qui l’a tué, Lisa.
- Il faut donc concentrer toutes nos recherches sur Johanna Luz, ce doit être un de ses proches.
- Oui, je vais regarder. Mais peut-être qu’ils ont pris un autre volontaire du coup ?
- Je ne sais pas. Il faut que j’y réfléchisse. Comme il n’est pas trop tard, je vais passer voir Enzo et ma mère maintenant. Cela me permettra de prendre encore une fois le premier train demain pour te rejoindre le plus tôt possible.
Je passe d’abord voir Enzo car les horaires de visite se terminent plus tôt. Je ne peux pas rester longtemps mais le simple fait de lui tenir la main et de voir son visage apaisé, très loin je l’espère du tumulte que nous vivons Léa et moi, me fait du bien.
Malheureusement, l’état de ma mère s’est fortement dégradé. Ils sont obligés de la nourrir avec de la gelée car elle ne peut plus mâcher. Son visage n’a quasiment plus d’expression. Tout juste a-t-elle cligné un peu des yeux en me voyant. Elle qui avait réagi si positivement devant la photo d’Enzo il y a à peine deux semaines ! Je m’en veux terriblement de ne pas être venue la voir plus souvent, de ne pas l’avoir stimulée plus, de ne pas avoir retardé cette terrible maladie.
Comme si cela ne suffisait pas, le personnel soignant me fait bien comprendre qu’elle n’en a plus pour très longtemps.
Je rentre très secouée dans mon appartement. Je lance une lessive et grignote un morceau de fromage la tête ailleurs. J’ai l’impression d’être une mauvaise fille en plus d’être une mauvaise mère. Je me sens tellement inutile et dépassée face à Alzheimer. Je n’ai qu’une hâte : retrouver Léa demain pour continuer l’enquête et sauver Enzo. Là, je me sens utile.
Après avoir passé une bonne partie du voyage à somnoler pour essayer de rattraper ma nuit agitée, Léa vient me récupérer à la gare avec une mine sombre :
- A contrecœur, j’ai utilisé le fameux FraudGPT sur Johanna Luz…
- Et alors ?
- Il n’a retrouvé que deux liens : un oncle en Allemagne et une amie à Vienne mais aucun des deux n’a eu de virement important sur un de ses comptes bancaire ces dix-huit derniers mois. Je suis désolée, nous sommes dans une impasse.
- Ce n’est pas une bonne nouvelle effectivement…
Léa est abattue. Cela fait maintenant une semaine que nous nous imposons un rythme d’enfer et j’ai l’impression qu’elle met un genou à terre.
Mais j’espère avoir de quoi la remobiliser :
- J’ai repensé à ce que tu as dit hier, sur le fait qu’ils aient peut-être recruté un autre cobaye.
- Oui ?
- Je pense que Madame Dietrich saura nous dire si c’est ce que fait habituellement Labopharm dans ce genre de situation.
Je vois à nouveau une petite lueur surgir du fond des yeux de Léa.
A peine arrivées à son appartement, je pose ma valise et je l’appelle. Je veux éviter d’aller lui rendre une troisième visite en trois semaines !
Après avoir informée Madame Dietrich des avancées de l’enquête, je lui pose la question :
- Et donc, pensez-vous que le cinquième cobaye étant décédé avant l’inoculation, Labopharm l’a remplacé ?
- C’est certain. Mon mari ne me parlait pas souvent de son travail mais en trente-cinq ans chez Labopharm, il a quand même eu le temps de m’en raconter des choses ! Et pour que les tests cliniques soient validés, il est impératif que le nombre de cobayes du protocole soit respecté !
- Et vous savez comment ça se passe dans ce cas-là ?
- Pas exactement non, je crois me souvenir qu’ils ont toujours une liste d’attente, ce qui leur permet d’appeler le suivant rapidement pour ne pas retarder le protocole.
Voilà qui pourrait nous sortir de l’impasse. Léa me regarde en faisant de grands signes mais que je ne comprends pas.
- Madame Dietrich, Léa une amie d’Enzo qui mène l’enquête avec moi à une question à vous poser.
- D’accord mais rapidement, j’ai une tarte au four…
- De ce que vous racontait votre mari, dans un protocole comme celui-là, vous pensez que ce nouveau cobaye serait aussi passé par « Nord Wien Lab » pour les tests d’éligibilité ?
- Oui, ils étaient très soucieux d’appliquer les mêmes modalités à tous les volontaires pour ne pas créer de différences.
Léa continue à réfléchir intensément et j’ai l’impression que les mots s’entrechoquent dans sa bouche :
- Dernière question, cela vous paraît possible que ce nouveau volontaire ait pu recevoir l’inoculation en même temps que les autres le 20 juillet ?
- Si vous me dîtes que l’accident a eu lieu le 12 juillet, cela me paraît très court. Le temps que Labopharm prévienne ce nouveau volontaire et s’organise avec lui, je pense qu’il a dû la recevoir quelques jours après.
Pendant un court instant, je regarde Léa prenant conscience que Madame Dietrich vient de nous livrer une information très précieuse :
- Ce qui pourrait expliquer qu’il ait eu les premiers symptômes un peu plus tard que les autres victimes et soit admis à l’hôpital Hannouche après le 1er août.
- Il est même très probable que Labopharm l’ait fait hospitaliser à Hannouche dès qu’ils se sont rendus compte que les quatre autres y avaient été admis, renchérit Madame Dietrich. Pour essayer d’anticiper et augmenter ses chances de survie avant que les premiers symptômes ne se déclarent. Même si visiblement, cela n’a pas fonctionné pour cette malheureuse personne. Car il y a bien eu cinq victimes en tout.
10 commentaires
Leo Degal
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Il y a 14 jours
Nicolasm59
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Il y a 13 jours
NohGoa
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Il y a 18 jours
La_Princesse_Uchiha
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Il y a 19 jours
Nicolasm59
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Il y a 19 jours