Fyctia

Nous laissons un message à Karl et il finit par nous rappeler vers 21h00 alors que nous nous endormions.

- Je pensais ne plus entendre parler de vous pendant un moment !

- Nous avons bien avancé dans notre enquête Karl et avons découvert que les deux premières victimes avaient été admises à l’hôpital Hannouche le 1er août 2022, lui dis-je calmement.

- Intéressant ! Et alors, vous ne voulez tout de même pas que je pirate un hôpital comme Hannouche !

Léa me regarde avec des yeux de merlan frit mais je ne me démonte pas.

- Et bien figure-toi que nous avons réussi à obtenir la liste des admissions du 1er août 2022 sans pirater quoi que ce soit.

- J’en suis ravi.

- Et que nous avons passé plus d’une journée à analyser les quatre-vingt-quatre noms de cette liste un par un pour ne garder que ceux qui sont morts au mois d’août 2022. Il y en a dix et nous avons besoin de toi pour confirmer les trois parmi ces dix noms qui correspondent aux identifiants de nos victimes.

- Donc, vous me demandez de pirater l’hôpital Hannouche !

J’ai l’impression d’avoir fait tous les efforts possibles pour satisfaire sa conscience. Même si je ne veux pas le braquer, la fatigue aidant, je perds patience.

- Écoute Karl, cela fait quatre jours que nous remuons ciel et terre avec Léa pour sauver Enzo. Oui, nous avons besoin que tu t’introduises dans les serveurs de l’hôpital. Mais c’est uniquement pour trouver une correspondance sur dix noms de personnes décédées. Elles ne risquent pas de porter plainte pour violation de données !

- C’est bon, c’est bon, ne vous énervez pas ! Envoyez-moi ces dix noms mais rien ne dit qu’ils auront conservé la correspondance avec les identifiants découverts chez Labopharm.

- Je sais mais nous devons essayer et surtout, dès que tu as un premier nom, envoie-le-nous tout de suite que nous commencions à enquêter. Nous n’avons plus beaucoup de temps pour sauver Enzo !

- Ok, mais je ne suis pas certain de pouvoir commencer à chercher avant demain soir. Je dois terminer la mission pour mon client.

- Fais au mieux Karl.

Léa me regarde d’un air admiratif et je ne suis pas peu fière d’avoir réussi à le convaincre.

Nous allons ensuite littéralement nous écrouler dans notre lit et canapé respectifs.

Je suis réveillée en sursaut par Léa à quatre heures du matin !

- Qu’est-ce qui se passe Léa, ça ne va pas ?

- Si, au contraire, je viens de recevoir un message de Karl !

Malgré l’heure incongrue, nous le rappelons immédiatement, lui qui est en décalage horaire permanent :

- Bonne nouvelle, je vous ai déjà trouvé une correspondance ! Tugdual Kaya correspond à l’identifiant 4681432.

- Tu es formidable Karl !

- Apparemment Labopharm n’a pas effacé les données partout. J’ai retrouvé assez facilement le numéro dans sa fiche d’admission.

- Un grand merci, cela nous aide énormément.

- Je vais me coucher, je regarderai la nuit prochaine pour les deux autres, je devrais avoir plus de temps.

Même si nous sommes impatientes d’avancer dans l’enquête, la fatigue nous fait revenir à la raison et nous décidons donc d’aller nous recoucher et d’enquêter sur Tugdual Kaya dès notre réveil.

Avec toutes ces perturbations, nous ne nous levons pas avant neuf heures ce vendredi matin. Je suis immédiatement submergée par une profonde angoisse. Je ne vais pas pouvoir prolonger mes vacances. J’ai déjà eu bien du mal à les négocier. Donc, lundi je dois retourner au boulot ! La seule raison valable pour reprendre un congé serait que l’hôpital déclenche la mort d’Enzo.

Je préfère ne pas y penser.

Il reste trois jours.

Après un rapide petit-déjeuner, je vais inscrire le troisième nom sur le tableau et Léa me confirme qu’il est décédé le 22 août. Léa découvre rapidement qu’il avait vingt-huit ans et qu’il travaillait dans une association d’insertion dans le quartier d’Ottakring, en pleine communauté turque. Il semblait célibataire.

Nous sommes maintenant bien rodées et décidons d’aller sur place sans perdre de temps.

Le quartier d’Ottakring est un délicieux mélange de cafés serbes, restaurants turcs et marchés de rue typiques. Il offre un contraste unique entre l’animation des nombreux commerces et restaurants et le calme oxygéné du bois de Vienne qui délimite l’Ouest du quartier.

Nous retrouvons facilement l’association dans laquelle travaillait Tugdual Kaya et nous approchons de la dame qui semble être le point de contact aujourd’hui.

Dans notre « alternance des alibis », c’est Léa cette fois qui doit se présenter comme un contact de Tugdual sur les réseaux sociaux :

- Bonjour, vous connaissiez Tugdual Kaya ?

- Un peu, je suis arrivée quelques semaines avant sa disparition pourquoi ?

- Nous correspondions sur les réseaux sociaux et j’ai appris sa mort récemment.

- Ah bon mais par qui ? Vous savez que ça fait plus d’un an qu’il est mort !

Léa ne s’attendait visiblement pas à cette question et elle se met à rougir en cherchant ses mots. Comme dans une course de relais, je prends la suite.

- Vous voyez qu’elle est encore toute troublée par la nouvelle Madame.

- Je vois mais je ne comprends pas comment vous avez appris sa mort, très peu de monde est au courant ici. Je serai curieuse de savoir qui vous l’a dit.

- Nous ne connaissons pas son identité Madame, c’est un autre contact sur les réseaux sociaux qui nous l’a appris et vous savez bien que ces jeunes ne dévoilent pour la plupart qu’un pseudo.

Je suis moi-même déconcertée par la facilité avec laquelle j’arrive maintenant à mentir !

- Et qu’est-ce que vous voulez exactement ?

- Juste en savoir plus sur les circonstances de sa mort et savoir s’il avait des proches à qui nous pourrions présenter nos condoléances.

- Oh, plus maintenant. Ses parents et ses deux frères sont repartis au pays après le drame. Une erreur médicale paraît-il. Si vous voulez mon avis, cette histoire est plus que louche !

- Et une petite amie ?

- Pas à ma connaissance, non. Désolé, je ne peux pas vous aider plus.

Décidément, Labopharm a bien fait ce qu’il fallait pour s’assurer que personne ne parlerait !