Nicolasm59 Coma Eliminations successives

Eliminations successives

Avec Léa, nous arrivons un peu en avance dans la fameuse pizzéria où nous devons retrouver Manfred. C’est un restaurant sans prétention qui essaye sans conviction de reproduire l’ambiance transalpine. Les murs sont tapissés aux couleurs du drapeau italien et différentes photos nous font comprendre que les propriétaires sont plutôt siciliens. L’intérieur de la pizzéria est assez sombre et une forte odeur de pizza et de parmesan envahit nos narines.


Comme nous sommes arrivés tôt, le restaurant est quasiment vide. Il se remplit petit à petit et je comprends mieux pourquoi Manfred a souhaité nous rencontrer dans ce restaurant même s’il est assez proche de l’hôpital. Il semble fréquenté uniquement par des habitués qui parlent tous italiens entre eux.


Manfred arrive vers 12h15 et salue le patron. Je lui fais un signe discret et il vient s’assoir à notre table. Quel coup de massue ! Il n’a quasiment plus de cheveux et a au moins quinze kilos de plus que dans mon souvenir. Pendant un court instant, je me demande comment j’ai pu laisser cet être boursouflé, essoufflé et répugnant me faire un enfant ? Mais je reprends vite mes esprits en me convainquant qu’il était bien plus séduisant il y a vingt-cinq ans et que je ne suis pas là pour ça.


Après lui avoir présenté Léa, nous commandons rapidement les pasta du jour et une carafe d’eau. Manfred passe son temps à regarder dans toutes les directions comme s’il était suivi ou observé.


- Manfred, tu as pu obtenir la liste ?

- Oui, je te la fais passer discrètement sous la table Lisa. Mais vous allez vous amuser !

- Pourquoi ? lui demande Léa pendant que je récupère la liste et la mets en catimini dans mon sac.

- Il y a quatre-vingt-quatre noms !

- Quoi ? s’esclaffe Léa.


Manfred lui fait signe de parler moins fort en faisant des petits bonds de stress sur sa chaise. On dirait un porc qui gigote avant l’abattoir !


- Hannouche est un immense hôpital avec beaucoup d’admissions. Et encore il y en a moins au mois d’août.

- Merci Manfred, nous allons nous débrouiller dis-je en conclusion pour que nous puissions changer de sujet.


Et nous terminons rapidement le repas en donnant un peu plus de détails sur notre enquête à Manfred, dès fois qu’il puisse encore nous aider…


Même si je ne me fais pas d’illusions car il a bien insisté sur le fait qu’il nous avait rendu service à titre tout à fait exceptionnel pour un fils qu’il connaissait à peine. Et qu’il espérait maintenant que nous allions le laisser tranquille. Pas de commentaires !


Sur la route du retour vers l’appartement, Léa me fait part de son désarroi pour retrouver nos trois victimes parmi les quatre-vingt-quatre noms. Et nous avons toutes les deux conscience que nous sommes déjà mercredi et qu’il ne nous reste plus que cinq jours, week-end compris, pour sauver Enzo.


Je la rassure en lui rappelant que nous allons éliminer de la liste tous les mineurs et tous ceux qui ne sont pas morts au mois d’août 2022.


Je sens bien qu’elle a envie d’appeler Karl mais je tiens bon. Je pressens qu’il nous sera bientôt utile.


Arrivées à l’appartement, je nous prépare un peu de thé pour nous donner des forces. Je commence à apprécier sa petite cuisine à peine décorée mais où tout est à sa place. C’est bien Léa !


Je m’assois à côté d’elle et lui égraine les noms les uns après les autres pour qu’elle effectue des recherches.


Au bout de deux heures, nous en avons déjà éliminés quarante ! Soit parce que nous sommes certaines qu’ils ont moins de dix-huit ans, soit parce que nous avons trouvé des traces récentes sur le web qui prouvent qu’ils sont encore en vie. Et à l’inverse, nous en avons trouvé cinq décédés en août 2022 dont Werner Braun et Eva Kremer qui figurent bien dans la liste.


Pour les trente-neuf autres noms, le peu d’informations que nous avons trouvées facilement nous confirme qu’ils sont adultes mais nous ne sommes pas certaines qu’ils soient encore en vie. Et tous les avis de décès ne sont pas digitalisés, loin de là.


Je vois Léa découragée à l’idée de devoir sonder bien plus profond dans les méandres des réseaux sociaux pour en savoir plus sur ces trente-neuf personnes. Même une informaticienne comme elle arrive à saturation d’être constamment devant son écran.


- Va te reposer ou te changer les idées Léa, je vais m’en occuper.

- Mais comment vous allez faire ?

- J’appellerai quand nous avons réussi à trouver un numéro de téléphone ou je sonnerai à leur porte quand nous avons une adresse. Heureusement, la plupart des patients admis à l’hôpital Hannouche habitent à Vienne ou ses environs.

- Ah ben ça doit être amusant, je veux bien le faire avec vous Lisa !


Elle est surprenante cette Léa ! Il y a quelques minutes, elle déprimait et maintenant l’idée de faire du porte à porte avec moi l’enchante !


Elle utilise un de ses logiciels d’optimisation de parcours dans lequel elle rentre les vingt-huit adresses qu’elle a trouvées pendant que je commence à appeler les numéros. Heureusement, les appels sont très courts. Si la personne me confirme son identité quand elle décroche, c’est qu’elle est encore en vie, donc je raccroche !


Comme il est déjà 16h30, nous ne pourrons faire que la première partie du périple que nous a concocté son logiciel.


Nous revenons à 20h00 à l’appartement complétement rincées ! Mais la moisson a été bonne, nous avons pu rayer vingt-deux noms supplémentaires et confirmer trois autres décès en août 2022. Forcément, certaines personnes n’étaient pas chez elles et nous avons donc prévu d’y retourner le lendemain après la deuxième partie de notre périple.


Après une bonne nuit réparatrice, nous y consacrons encore tout le jeudi matin et une bonne partie de l’après-midi. Quand nous rentrons, exténuées, à l’appartement, il est presque 17h.


Nous faisons le bilan. Sur les quatre-vingt-quatre noms admis le 1er août de la liste initiale, dix personnes majeures sont décédées en août 2022 en plus de Werner Braun et Eva Kremer. Si vous aviez encore un doute, mieux vaut éviter d’aller à l’hôpital !


Toutes les deux épuisées mais satisfaites du travail accompli en si peu de temps, je trouve quand même la force de me tourner vers Léa avec un air triomphant :


- Maintenant, nous pouvons appeler Karl !


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17 commentaires

alsid_murphy

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Il y a 16 heures

Like de fin de concours 🙂

Leo Degal

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Il y a 13 jours

J’ai l’impression que dans ces 84 admissions, la moitié si pas les 3/4 ne devraient pas être des personnes âgées… est-ce qu’on testerait des médicaments sur elles ?

Nicolasm59

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Il y a 13 jours

Oui bonne remarque. Je pourrai ajouter ce critère avec la question délicate : à partir de quel âge est on une personne âgée ? 😂

Leo Degal

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Il y a 13 jours

Il me semble que c’est 70 pour entrer dans la catégorie gériatrique… et c’est quand même une belle proportion des hospits.
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