Fyctia
L'Hôpital Hannouche
Léa avait accueilli mon idée de nous rendre à l’hôpital Hannouche avec une certaine fraîcheur. Il est évident qu’elle est bien plus à l’aise devant un écran que devant de vrais humains.
Je prends le train tôt ce mardi matin et retrouve Léa à la gare. Après avoir déposé ma valise dans son appartement, nous filons tout de suite vers l’hôpital pour faire un premier repérage avant de décider d’un plan.
Lorsque nous entrons dans l’immense hall d’accueil de l’hôpital, nous sommes saisies par la beauté du lieu et par la foule qui s’y amasse ! Devant nous se trouve l’accueil pour toutes celles et ceux qui sont perdus. Des files d’attente se prolongent sur notre droite pour les admissions et ce qui ressemble à un service de secrétariat se dissimule à l’abri des baies vitrées sur notre gauche.
Nous décidons de nous promener dans les étages en espérant découvrir un ordinateur libre connecté au réseau de l’hôpital.
Mais l’hôpital Hannouche, construit pendant la première guerre mondiale, est immense. C’est une vraie fourmilière. Et même si nous arrivons à pénétrer assez facilement dans des services administratifs dans lesquels nous ne sommes pas supposées être, nous n’identifions aucun ordinateur auquel nous pourrions accéder à l’abri des regards. Le manque de moyens des services de santé autrichiens a certainement restreint le nombre de machines qui sont devenues une denrée rare et surexploitée par les employés !
Nous essayons alors de localiser les classeurs où pourraient être les listes papier des admissions mais autant chercher une aiguille dans une botte de foins !
Je ne veux pas me résigner et j’hésite à faire la queue aux admissions pour essayer d’amadouer une des secrétaires mais l’attente est d’une bonne heure et demie…
Nous décidons donc, dépitées, de partir manger un morceau chez Léa et de revenir dans l’après-midi. Lorsque soudainement Léa tend son bras nerveusement et me désigne quelqu’un au loin avec son index :
- Lisa, regardez ! Là !
Et j’ai juste le temps d’apercevoir un jeune homme en blouse blanche s’engouffrer dans un ascenseur.
- Oui, c’est quelqu’un que tu connais ?
- Je suis presque certaine qu’il était au lycée avec Enzo et moi !
- Formidable, allons dans les étages pour essayer de le retrouver !
- Non, il y a trop de monde, retournons à mon appartement, j’ai une meilleure idée.
Et Léa m’explique en chemin que ce sera beaucoup plus facile d’accéder à la liste des employés de l’hôpital qui est publique pour confirmer que c’est bien lui, et de le contacter ensuite, que d’errer comme deux âmes en peine dans les couloirs en espérant le croiser.
Nous avons atteint un tel niveau de complicité en quelques jours que n’avons même plus besoin de nous parler pour nous répartir les tâches. A peine rentrées, je regarde dans le frigo ce que je peux préparer à manger pendant que Léa se jette sur son ordinateur.
Après avoir fait le maximum pour nous nourrir correctement avec le peu qui restait, Léa me rejoint à table :
- Je vais en avoir pour un bon moment, il y a plus de douze mille salariés à l’hôpital !
- Oh mazette ! Comment puis-je t’aider ?
- Je vais déjà essayer de répartir la liste par métiers et par ordre alphabétique et je la diviserai en deux. Je vous laisserai l’ordinateur pour que vous en parcouriez une partie pendant que je regarderai l’autre sur mon téléphone.
- J’espère que tu ne vas pas t’abimer les yeux sur ton téléphone... Le temps que tu prépares les deux listes, je vais aller faire quelques courses car il n’y a vraiment plus rien à manger.
A peine revenue des courses, je me poste devant l’ordinateur et fais défiler la liste. Léa m’a noté sur une feuille à côté le nom du lycéen qu’elle pense avoir aperçu et quelques autres de ses connaissances qui pourraient faire partie des employés de l’hôpital.
Même en ne passant que trois secondes par nom, ce qui est déjà très efficace, nous ne contrôlons que mille deux cents noms par heure ! Sans compter qu’une pause toutes les trente minutes est obligatoire, sinon nos yeux se croisent !
Mais avec Léa nous faisons ce qu’il faut dans un silence quasi-religieux. Nous le faisons pour Enzo, pour avancer, pour nous raccrocher à quelque chose. Tout juste m’interrompt-elle quand elle pense être tombée sur un nom qu’elle a déjà vu. Et je fais de même quand j’ai l’impression que c’est un ancien camarade de classe d’Enzo.
Malheureusement, à 18 heures, nous n’avons toujours rien trouvé. Je profite de ma pause pour regarder machinalement le téléphone d’Enzo puis le mien. Tiens, j’ai une notification WhatsApp, c’est rare. Oh, c’est Martha !
« Bonjour Lisa, j’espère que cela va pour le mieux vu les circonstances ? Tout va bien pour Danielo et moi. Nous avons fait bon voyage et sommes très contents d’avoir retrouvé la famille. J’espère que tu ne tentes rien de dangereux en mon absence. A très vite. Martha ».
Cela me fait plaisir d’avoir de ses nouvelles et de constater qu’elle n’est plus fâchée. Je lui fais une réponse très rassurante en lui cachant bien évidemment l’enquête que nous menons avec Léa, je ne voudrais surtout pas qu’elle s’inquiète ou qu’elle m’en veuille !
J’en profite pour commencer à cuisiner alors que Léa continue à vérifier la liste des employés. J’ai décidé de lui préparer un bon petit plat pour changer un peu ! Ensuite, nous dînons avec des têtes de zombie à force de voir des noms défiler sous nos yeux. J’essaye de convaincre Léa de nous reposer et de reprendre le lendemain matin mais je constate qu’elle est encore plus têtue que moi et qu’elle ne se couchera pas tant que nous n’aurons pas tout contrôlé.
Nous reprenons donc notre corvée après dîner. Pour nous encourager, j’essaye de mettre un peu d’ambiance :
- Je suis à la lettre V ça devient bon, et toi ?
- W !
Et je la vois se figer devant son écran toute blanche. Zut, j’espère que ce n’est pas mon Wiener Schnitzel qu’elle n’arrive pas à digérer ? J’étais tellement contente de lui faire une de mes spécialités pour changer des sandwichs et autres repas pris sur le pouce. Mais c’est vrai que je n’ai pas trouvé la chapelure que j’achète habituellement à Ansfelden. J’ai donc dû faire ma recette pour la première fois avec une autre marque mais de là à la rendre malade tout de même ! Et ce n’est vraiment pas le moment.
Elle tend maintenant son bras et son index vers l’écran de son téléphone, toujours sans dire un mot.
Elle m’inquiète énormément mais je me rapproche pour essayer de lire ce qu’elle me montre. Bien sûr, comme elle a de bons yeux, c’est écrit en tout petit. Je colle quasiment mon nez à l’écran pour déchiffrer et je suis prise de tremblements et ne peux retenir un cri de stupeur quand je découvre le nom sous son doigt :
Manfred Winkler !
25 commentaires
alsid_murphy
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Il y a 16 heures
Leo Degal
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Il y a 19 jours
Nicolasm59
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Il y a 19 jours
Leo Degal
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Il y a 19 jours
Nicolasm59
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Il y a 19 jours
Carl K. Lawson
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Il y a un mois
Astrid.D
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Il y a un mois