Fyctia

Dans le taxi du retour, je regarde Léa avec un mélange d’admiration et d’interrogation :

- Je n’ose pas te demander comment tu as fait pour obtenir ce que nous voulions d’Herbert aussi rapidement ?

- Disons que j’ai su me montrer persuasive me répond-elle avec un sourire en coin.

- J’espère que tu n’as rien fait que tu regretteras !

- Non, je vous rassure Lisa, je lui ai dit que j’étais une amie d’Enzo et que j’avais absolument besoin de son aide.

Cela me brûle les lèvres de lui demander comment elle a obtenu ce que nous cherchions mais je ne veux pas passer pour une curieuse malsaine. Je reviens donc à notre enquête :

- Et donc, a-t-il parlé à quelqu’un d’autre de ce qu’a soi-disant fait Enzo ?

- Il m’a juré que non, craignant d’être impliqué comme complice.

- Et tu le crois ?

- Je ne sais pas …

Son regard malicieux avait laissé la place à plus de scepticisme.

- Et donc tu as obtenu ce que Karl souhaitait ?

- Oui, heureusement il se souvenait de ses identifiants de connexion de l’époque.

Ne voulant pas en discuter plus précisément devant le chauffeur du taxi, je propose à Léa de rappeler Karl de retour chez elle.

Mes pensées s’égarent en regardant les immeubles de Vienne défiler derrière la vitre jusqu’à ce que je me souvienne que ne j’avais plus que cinq jours pour sauver Enzo.

Il est déjà plus de midi quand nous revenons à l’appartement et nous décidons d’appeler Karl en espérant qu’il ne soit pas endormi :

- Hello Karl, nous ne te réveillons pas ?

- Euh… si !

- Désolé mais nous avons obtenu l’identifiant et le mot de passe d’Herbert.

- Ah, très bien ! Donnez-moi une minute que je me fasse un café et je suis à vous.

Et Karl fait directement l’élévation de privilèges qui ne prend que quelques minutes. Léa et moi restons suspendues au téléphone, impatientes de connaître ce qu’il va trouver.

- C’est bizarre, le fichier contient juste les coordonnées d’un autre laboratoire « Nord Wien Lab » ?

- Attends, je regarde en parallèle sur internet lui répond Léa.

- OK, et c’est un nom que j’ai déjà vu ailleurs sur les serveurs de Labopharm renchérit Karl, je regarde de mon côté.

Le téléphone posé sur la table à côté de l’ordinateur de Léa, j’entends Karl pianoter frénétiquement sur son clavier tandis que Léa en fait de même. J’essaie de suivre ses différentes recherches à l’écran. Tout à coup, les deux s’exclament en chœur :

- Nord Wien Lab était chargé de faire passer les examens médicaux préalables aux cobayes de Labopharm !

- Karl, tu peux t’introduire dans l’informatique de ce petit Labo, voir si tu trouves l’identité du 0789245 ?

- Oui Léa, cela ne devrait pas être très difficile.

Je suis ravie de constater que Karl s’est pris au jeu et qu’il nous aide maintenant sans broncher. J’ai même l’impression qu’il est content de le faire. J’en profite pour demander discrètement à Léa :

- Qu’est-ce que vous appelez les « examens médicaux préalables » ?

- Quand j’étais dans mon école d’ingénieur, un des étudiants testait les médicaments pour se faire un peu d’argent de poche. Et ils lui ont fait toute une batterie de tests ou de prises de sang pour vérifier qu’il n’avait pas d’autre maladie chronique ou infection qui aurait pu fausser les résultats des tests.

Je me mets alors à penser que même si Labopharm a effacé la trace de toutes les victimes sur leurs serveurs, ils n’ont peut-être pas réussi à le faire chez leurs partenaires ? Et nous pourrions peut-être croiser différentes données pour essayer de retrouver les autres victimes ?

Mais Karl me sort de ma réflexion.

- C’est bon, j’ai trouvé l’identité : il s’agit de Werner Braun qui est venu passer les tests pour Labopharm le 15 juin 2022 !

- Génial Karl, tu as son adresse ?

- Désolé Léa mais je préfère m’arrêter là. J’étais d’accord pour vous aider à retrouver l’identité des victimes mais je me refuse à enquêter sur eux.

- Mais …

Léa est contrariée et ne s’attendait pas à ce refus de sa part alors qu’il était si enthousiaste quelques minutes auparavant. Sentant son moral chanceler, je prends le relais :

- Je comprends Karl et je te remercie déjà beaucoup pour ce que tu as fait. Tu confirmes que tu étais d’accord pour nous aider à trouver l’identité des quatre autres victimes ?

- Si ça ne dépasse pas certaines limites oui.

- Est-ce que ça te paraît possible avec tes outils, ton intelligence artificielle ou que sais-je de retrouver toutes celles et ceux qui sont passés par Nord Wien Lab pour faire des tests pour Labopharm ? Disons entre mai et juillet 2022 ?

- Oui, je pense.

- Et de filtrer sur celles ou ceux qui sont morts quelques semaines plus tard ?

- Cela va me prendre plusieurs jours mais je vais essayer.

Je raccroche et Léa me regarde avec un air abattu mais admiratif. Je ne lâche pas et ne veux plus de temps mort :

- Je ne comprends pas Léa, tu devrais être contente, nous avançons ?

- Vous ne vous rendez pas compte Lisa, il doit y avoir beaucoup de Werner Braun en Autriche. Comment retrouver celui qui nous intéresse ?

- Et combien sont morts en juillet 2022 ou juste après ?

Léa replonge sur son ordinateur et relève la tête au bout de vingt minutes, bien plus enjouée !

- J’en ai retrouvé qu’un effectivement, qui selon l’avis de décès, est mort le 4 août 2022. Il habitait Korneubourg.