Fyctia

Le lendemain, je prends donc à nouveau le train pour Vienne. Cette fois, c’est Léa qui m’accueille à la gare. Cela me fait plaisir de la voir en chair et en os depuis le temps que je ne la vois qu’en visio. C’est une belle jeune femme. Même si elle se cache derrière un look d’héroïne de jeu vidéo, on devine des traits fins et un corps athlétique.

Je l’invite à déjeuner et nous nous mettons d’accords sur la tactique pour obtenir les informations de la part d’Herbert et de Madame Dietrich. Contrairement à Martha qui est survoltée et n’arrête pas de parler, Léa écoute beaucoup. Je sens qu’elle est presque autant affectée que moi par le passé d’Enzo que nous découvrons.

D’ailleurs, je me suis toujours demandé s’il n’y avait pas eu plus que de l’amitié entre Enzo et elle, mais je me suis bien gardé de faire la moindre allusion ni à l’un ni à l’autre.

Comme j’ai certainement dû traumatiser Herbert la semaine dernière, nous décidons que Léa irait le voir seule. En plus, ils ont le même âge et il ne sera certainement pas insensible à son charme !

A l’inverse, j’irai voir Madame Dietrich seule car elle n’est certainement pas du genre à laisser rentrer une inconnue chez elle.

Comme je ne peux plus profiter de la voiture de Martha et que Léa n’en a pas, nous prenons les transports en commun jusque Grinzing.

Je me pose dans un café pendant que Léa va rendre visite à Herbert.

Je la vois revenir dix minutes après, assez dépitée :

- Bon, ben ça n’a pas donné grand-chose.

- Raconte ?

- Herbert n’était pas là. Il est parti pour un tournoi de jeu de rôle ce week-end. Je suis tombée sur ses parents.

- Et alors, tu as pu les interroger ?

- J’ai prétexté avoir fait les mêmes études que lui et avoir besoin d’un renseignement. Ils m’ont juste dit qu’ils étaient agréablement surpris de rencontrer une connaissance d’Herbert car c’est quelqu’un de très solitaire.

Notre enquête ne commence pas très bien mais nous ne nous laissons pas abattre et retournons à Vienne.

Léa me laisse donc aller seule chez Madame Dietrich et je sonne à la porte :

- Encore vous ?

- Bonjour Madame Dietrich, j’ai des révélations à vous faire.

- Comment cela ?

- J’ai vu Herbert, le deuxième stagiaire et il m’a appris ce qui se serait réellement passé.

- Entrez !

Ce que je m’apprête à faire m’est très pénible mais je n’ai pas le choix si je veux avoir une chance de découvrir la vérité.

- Votre mari avait raison, c’est effectivement le soir où il était avec les stagiaires que cela s’est passé.

- Il en était certain et du coup j’en étais certaine également.

- Mais avant que je ne vous raconte tout, j’ai besoin de savoir si vous en avez parlé à quelqu’un d’autre avant moi ?

- Non, je vous l’ai déjà dit !

Je la regarde fixement et je pense qu’elle ne ment pas. Je dois donc m’y prendre différemment pour retrouver celui ou celle qui a mis Enzo dans le coma :

- Et avez-vous les coordonnées des cinq victimes ?

- Pourquoi donc ?

- Répondez-moi et je vous expliquerai ensuite. Alors, les avez-vous ?

- Je pense, comme je vous ai dit, que mon mari gardait tout. Mais il faut que j’aille voir dans ses affaires.

- Allons-y s’il-vous-plait

- Non, racontez-moi d’abord. J’en ai marre de vous livrer des informations sans retour.

Je la sens aussi déterminée que moi. Avec le regard aussi noir que doit l’être le mien en ce moment. Autant en faire une alliée plutôt qu’une ennemie et que ce combat devienne notre combat :

- Eh bien, apparemment ce serait un accident. Mon fils aurait modifié les résultats pensant que c’étaient uniquement les résultats fictifs qui comptaient pour son stage mais il ne s’était pas rendu compte qu’il était sur l’ordinateur de votre mari qui avait lui accès aux vrais résultats pré-cliniques.

- Mais comment est-ce possible ? Mon mari ne laissait jamais personne s’approcher de son ordinateur ! Je le sais bien, à la maison c’était pareil, un vrai parano !

- Il était en train de prendre un café avec le deuxième stagiaire.

- Vous voulez dire que c’était un coup monté, qu’ils l’ont manipulé ?

Ses yeux étaient maintenant injectés de sang. Comme si toute la haine qu’elle avait pour ceux qui ont anéanti son mari ressortait.

- Je ne sais pas Madame Dietrich, je n’ai que la version d’Herbert. Il faudrait que mon fils puisse se réveiller et en parler pour que nous en soyons certaines.

- Il faut que vous témoigniez, que vous réhabilitiez la mémoire et l’honneur de mon mari !

- Aidez-moi à réveiller mon fils et je témoignerai.

- Je veux votre promesse écrite maintenant.

Madame Dietrich m’oriente vers un bureau qui devait être celui de son défunt mari et me fournit une feuille et un crayon. Je lui rédige une déclaration sur l’honneur de témoignage en faveur de son mari.

- Parfait, suivez-moi dans sa bibliothèque, c’est là qu’il rangeait tout.

Madame Dietrich sort une grande boîte en carton sur laquelle est inscrit « Labopharm projet 27 ».

- Tout est là, il n’y a jamais eu de projet 28 pour lui malheureusement… Et vous pouvez me dire maintenant pourquoi vous voulez les coordonnées de ces victimes ?

- Parce que j’imagine que cela ne peut être qu’un proche d’une des victimes qui peut en vouloir à mon fils et qui l’a mis dans cet état.

Puis les deux femmes se mettent à éplucher chaque document méticuleusement. Jusqu’à ce que Lisa tombe sur une pochette intitulée « essais cliniques ». Malheureusement, elle ne compte que quelques feuilles.

Sur l’une d’entre elles, 5 codes y figurent associés à une même date d’inoculation. Lisa tend la feuille à Madame Dietrich.

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- J’imagine que ce doit être cela. Connaissant mon mari et Labopharm, les identités des cobayes devaient être sécurisées et j’aurais été très surprise que nous trouvions leurs noms et adresses !

- Mais que faire avec ces codes ?

- Sur un autre projet, je pense que vous auriez trouvé la correspondance avec les identités des personnes dans l’informatique de Labopharm mais sur ce projet, ils ont dû effacer toutes les traces …