Fyctia

De retour dans la voiture, je suis dévastée. Même si c’était un accident, mon fils est un assassin, mon fils voulait me quitter ! J’ai l’impression d’être dans le pire des cauchemars. Je suis très agitée et Martha tente de me raisonner :

- Écoute Lisa, il est tard et nous sommes tous fatigués. Tu t’es levée très tôt pour prendre le train ce matin, tu as besoin de dormir. Rentrons à la maison nous coucher, nous y verrons plus clair demain.

- Mais tu vois bien que ce Herbert ment Martha, c’est certain !

- Je ne sais pas, il m’avait l’air sincère.

Je ne dors quasiment pas de la nuit et je passe tout le dimanche matin à sangloter chez Martha sans comprendre ce qui m’arrive. Comme je ne veux pas les déranger alors qu’ils doivent préparer leurs valises pour le voyage, je quitte Danielo et Martha en début d’après-midi pour reprendre le train.

Arrivée à Linz, j’en profite pour aller voir Enzo à l’hôpital. Je ne peux pas imaginer que mon bébé au visage si tranquille soit un assassin qui me détestait.

Comme je ne l’ai pas vue depuis deux semaines, j’en profite pour passer voir ma mère ensuite. Elle est particulièrement apathique. Comme souvent, je lui montre les photos de moi ou d’Enzo sur sa table de chevet en espérant que ça maintienne un peu de souvenir en elle. Pour la première fois depuis longtemps, son visage s’illumine en voyant Enzo et elle bredouille quelques mots. C’est idiot mais ça me réchauffe le cœur. C’est le premier signal positif depuis longtemps.

Cela ne m’est jamais arrivé depuis le début de ma carrière mais je n’ai pas le courage d’aller travailler le lundi matin et je passe toute la journée au lit déprimée. Quel sens a ma vie ?

Le mardi, ce n’est pas mieux. J’ai un appel de Martha qui tente de me remonter le moral mais en vain.

Le mercredi, j’éprouve le besoin de revoir l’album photo d’Enzo enfant pour me remémorer tous ses bons moments ensemble.

Le jeudi, Chris et Léa m’appellent en visio pour me demander des nouvelles. Je leur raconte ce que j’ai appris chez Madame Dietrich et Herbert. J’ai dû mal à finir mes phrases tellement je pleure. Ils me remontent le moral et me redonnent un peu espoir car ils n’imaginent pas une seconde que ce soit possible qu’Enzo soit à l’origine de ce drame.

Et le vendredi, Léa me rappelle.

- Madame Gruber, je n’ai quasiment pas dormi après ce que vous nous avez raconté hier sur Enzo et son stage.

- Je suis désolée ma pauvre Léa, je ne voulais pas te contrarier. Et appelle-moi Lisa je t’en prie.

- Je reste persuadé qu’Enzo n’est pas un assassin Lisa. Cependant, je me suis dit qu’avec ce qui s’était passé et toute la confusion autour de ces données, certains pouvaient légitimement le croire.

- Comment ça ?

- Il est tout à fait possible qu’un proche d’une des cinq victimes ait conclu à la culpabilité d’Enzo et ait cherché à se venger en le plongeant dans le coma.

- Mais comment est-ce qu’il l’aurait appris ? Toute l’affaire a été étouffée et Madame Dietrich elle-même n’était pas au courant précisément même si elle soupçonnait les stagiaires.

- C’est ce qu’elle vous a dit mais peut-être a-t-elle menti ? Et qui vous dit que ce Herbert n’avait pas déjà raconté son histoire à quelqu’un d’autre avant ?

- Tu as raison, je n’y avais pas pensé !

Cette révélation me fait l’effet d’une bombe et me sort de ma torpeur. Je passe d’un extrême à l’autre ! Alors que j’étais encore amorphe il y a quelques minutes, je me mets à tourner comme un lion en cage dans mon appartement en me demandant quoi faire.

Au bout d’une heure, ne tenant plus, je rappelle Léa :

- Léa, je reprends le train pour Vienne demain matin. Je retourne voir Herbert et Madame Dietrich pour savoir qui d’autre est au courant !

- Vous avez raison Lisa, je vous attendrai à la gare si vous voulez ?

- C’est très gentil mais tu dois avoir mieux à faire.

- Enzo est mon meilleur ami avec Chris, non je n’ai rien de mieux à faire.

Rassurée que Léa m’accompagne, je profite que Martha soit encore là pour l’appeler et la tenir au courant :

- Léa est très imaginative Lisa mais ça me paraît un peu tiré par les cheveux. Qui pourrait savoir qu’Enzo a fait ses changements de données ? Monsieur Dietrich ne l’a dit qu’à son épouse qui ne l’a dit qu’à toi ? Et tu as vu ce Herbert, il était tellement impatient de soulager sa conscience, je pense qu’il n’en avait jamais parlé à quiconque.

- Nous ne pouvons pas en être certaines Martha, c’est pour ça que je veux retourner les voir.

- Ne tente rien sans moi Lisa, c’est trop dangereux, tu me le promets ?

- Je ne sais pas Martha, je ne veux pas attendre.

- Regarde dans quel état tu étais devant ce pauvre Herbert ! Qui sait ce que tu lui aurais fait si Francesco et moi n’avions pas été là ! Alors qu’il n’y est certainement pour rien !

- Je te souhaite de bonnes vacances Martha, au revoir.

Cela me fait de la peine car c’est la première fois que je me fâche avec Martha, mais il est hors de question de procrastiner trois semaines jusqu’à son retour. J’ai besoin d’agir !