Fyctia

J’ai un peu honte mais c’est vrai que je n’ai jamais dit à Enzo comment son père s’appelait ! La dernière fois que nous en avions parlé, il était encore adolescent et nos relations étaient pour le moins, comment dire, conflictuelles. Et ensuite, il ne m’en a plus jamais reparlé. Sinon bien sûr que devenu adulte, il méritait de savoir qui était vraiment son père.

Mais il faut que je sache exactement ce qu’ils se sont dit avec Manfred et le lien que cela pourrait avoir avec son coma :

- Visiblement il était déterminé à te retrouver… Et alors de quoi avez-vous parlé ?

- Lors de notre première rencontre, c’était très tendu forcément. Je lui ai raconté ce que j’avais vécu quasiment à son âge quand je m’étais retrouvé père. Je lui ai expliqué que ce n’était pas contre lui et il m’a raconté sa vie. J’ai vu que tu l’avais très bien élevé !

- Pas grâce à toi ! Et pourquoi vous êtes-vous revu ce vendredi-là ?

- Quand nous nous sommes quittés la première fois, la relation avait fini par se détendre et nous nous étions promis d’essayer de passer un peu de temps ensemble. Pas rattraper le temps perdu, non, ni lui ni moi n’étions dans cet état d’esprit là, mais au moins de faire quelques activités tous les deux. Donc je lui avais proposé de nous retrouver au café en fin d’après-midi.

Ma colère laisse place à de la tendresse envers Enzo, l’imaginant essayer de renouer avec son père après toutes ses années. Je n’avais pas réalisé à quel point c’était une blessure qui restait toujours aussi présente chez lui. Mais je ne dois pas perdre mon objectif de vue :

- Et donc, de quoi avez-vous parlé ?

- Rassure-toi, cela a été très bref. Il m’a à peine salué et m’a dit que finalement, cela n’avait aucun sens d’essayer de créer une relation « artificielle », je le cite. Et qu’il valait mieux que nous en restions là. Je n’ai même pas eu le temps de lui répondre et il est parti. Je n’ai rien compris !

- Et tu es certain d’avoir rien dit qui ait pu le contrarier ?

- Non, ça a duré quelques secondes ! Je ne comprends même pas pourquoi il a accepté le rendez-vous, il aurait pu tout aussi bien m’envoyer promener par mail ?

- Il y a forcément quelque chose que tu lui as dit avant qui l’a choqué, je n’ai pas oublié ton absence de tact !

- Je vois que tu n’as pas changé non plus Lisa. Le seul point dont je me souvienne était pendant le premier rendez-vous. Je lui ai dit peu de temps avant qu’on se quitte que j’étais surpris qu’il se prénomme Enzo. Que lorsque nous avions imaginé des prénoms avec sa mère, nous étions sur des prénoms bien autrichiens et que je m’en souvienne, ni toi ni moi ne connaissions d’italiens, alors pourquoi Enzo ?

- Et tu avais vraiment besoin de lui dire ce genre d’idiotie !

- Reconnais que ce n’est pas faux, pourquoi Enzo ? C’est bizarre quand même !

- Parce que je voulais un prénom qui ne me fasse plus jamais penser à toi !