Fyctia
43. Victoria & Sebastian
Victoria
Sebastian marque une légère pause avant de reprendre. Nos doigts sont tout à fait entrelacés à présent.
— Je suis une personne publique, dans un certain milieu. Ce ne serait pas terrible pour ma réputation dans la scène arty new-yorkaise.
— Au diable la réputation, non ? Tu devrais t’en foutre, au contraire, t’es un artiste, après tout. Et la vie est courte, il faut foncer.
Je me rapproche de lui de quelques centimètres et serre plus fort sa main. Son parfum, le soleil, cette discussion : ma tête tourne plus que si j’avais bu de l’alcool.
— Je croyais que tu ne voulais pas me séduire ? demande-t-il sur une intonation toute douce.
Une boule se loge au creux de ma poitrine.
— C’est vrai, j’ai dit ça, désolée. C’est juste que côtoyer Ava me montre qu’on devrait vivre chaque jour comme si c’était le dernier.
— Je comprends, pour Ava, toutefois mes enfants sont ma priorité en ce moment.
Mes doigts relâchent les siens. Je ne dois pas me comporter comme une petite fille gâtée ou comme une femme tentatrice. Ce n’est pas un jeu. Ni pour lui, ni pour moi.
— Je sais, je sais. Je suis navrée d’insister ainsi, c’est pas cool de ma part. Mais tu me plais. Beaucoup. Et je me suis rendue compte grâce à toi que je me sens prête de nouveau pour… hum, pour tout.
J’esquisse un vague geste de ma main libre et recommence à fixer mes pieds.
— Prête ? Prête à quoi ?
— Non, rien, oublie.
— Certainement pas, affirme-t-il en relevant mon menton avec deux de ses doigts.
Mon estomac se comprime. Je mets vraiment cartes sur table, aujourd’hui.
— C’est, euh, avec Arthur, il… marmonné-je, quand on, hum, tu vois… Enfin, je me forçais avec lui, c’était horrible. Après notre rupture, je pensais que j’allais ressentir seulement du dégoût pour les hommes.
Mes lèvres tremblent, tout comme le reste de mon corps, je poursuis néanmoins.
— Je… tu m’as prouvé le contraire.
Alors que je fixe toujours mes chaussures, un mouvement soudain me fait sursauter. Il s’est levé. Toute son attitude trahit sa colère. Il serre les poings, remonte les épaules. Ses iris deviennent presque noirs.
— S’il se trouve un jour face à moi, je… murmure-t-il entre ses dents.
Sa phrase interrompue ne laisse aucun doute sur ses intentions. Je le rejoins, debout devant la fontaine, et reprends sa main dans la mienne.
— Eh, j’ai pas besoin d’un chevalier servant. Ça apporte rien, ce type d’attitude. J’ai juste besoin d’un homme doux et respectueux pour m’aider à s’épanouir de nouveau.
— Tu as raison, Victoria, pardonne-moi. C’est tout à fait ça, il te faut un homme pour t’accompagner sur ce chemin, un homme prêt à se lancer dans une relation et qui ne traîne pas des casseroles comme moi. Tu mérites mieux. Tu mérites le meilleur.
C’est toi, le meilleur !
Voici ce que j’ai envie de crier. Je ne le fais pas. Car il y a du vrai dans ce qu’il dit.
— Je voulais te remercier, en tout cas, de m’avoir montré que c’était possible. Tu m’as montré que… que je pouvais de nouveau ressentir du désir pour quelqu’un. Et du plaisir.
Je murmure les derniers mots, mes joues et mon cou deviennent écarlates si je peux me fier à leur température qui augmente tout d’un coup. Il se rapproche de moi, j’ose enfin le regarder. Le marine de ses iris s’est transformé en un noir avec des reflets gris.
***
Sebastian
Tu m’as montré que je pouvais de nouveau ressentir du désir pour quelqu’un. Et du plaisir.
J’ai bien compris ? Elle se serait touchée en pensant à moi ?
Son visage a pris une teinte rouge éblouissante. Le doute n’est pas permis.
Je tente de calmer mon excitation qui montait déjà crescendo, rien qu’en étant assis à ses côtés. Là, je n’ai qu’une envie, c’est la ramener chez moi et l’aider à se réconcilier tout à fait avec sa sexualité. J’aimerais contribuer à rattraper le temps qu’elle a perdu avec ce connard. J’aimerais aussi le retrouver et lui infliger autant de mal que ce qu’il lui a infligé. C’est impossible, pourtant. Alors je me concentre de nouveau sur elle.
Victoria.
Elle fixe de nouveau ses vieilles Converses, ses lèvres tremblent. Je mets trop de temps à réagir, elle doit regretter de s’être confiée à moi. Je me racle la gorge et me lance :
— C’est courageux de ta part de m’en parler. Merci. Je suis honoré et navré de ne pas pouvoir aller plus loin.
À cet instant, elle soulève ses cheveux pour se soulager de la chaleur, je suppose, et leur parfum floral m’enivre. Le soleil se reflète sur la monture cuivrée de ses lunettes, sa peau luit délicatement le long de l’encolure de son t-shirt.
— Putain, si tu savais à quel point je suis navré, Victoria.
Ma voix devient rauque. Le parc, les promeneurs, les chiens, les poussettes, tout s’efface autour de nous. Je place ma main libre sur sa joue, elle attrape mon haut avec la sienne.
— Tu t’es excusé deux fois, chuchote-t-elle, la tête levée vers moi.
Quand elle parle, son souffle caresse mon menton. Je me penche encore un peu plus vers elle.
— Hum, oui, en effet. Vas-tu appliquer la même punition que la dernière fois ?
Je crois que nous prenons conscience au même moment de ce que je viens de dire. Ses yeux s’écarquillent, elle émet un rire étranglé.
— Tu viens vraiment d’utiliser le mot « punition » » là ?
— Oui, je suis dés…
Ses lèvres s’écrasent sur les miennes. Elle passe ses mains autour de mon cou, je glisse les miennes dans son dos et la rapproche tout à fait de moi. Un court-circuit se produit dans mon cerveau. J’aimerais que l’on ne fasse plus qu’un. J’oublie la litanie des raisons pour lesquelles nous ne pouvons être ensemble, celles-là mêmes que je me répète avec application depuis notre premier baiser.
C’est elle qui se détache de moi la première. Un soupir de regret lui échappe, le mien lui répond. Bien qu’elle recule d’une poignée de centimètres, nos doigts s’entremêlent de nouveau.
— Navrée.
— Pas de souci.
— C’était pas pour te faire changer d’avis, tes raisons sont justifiées, affirme-t-elle avec courage. J’en avais juste trop envie.
L’univers se montre cruel, parfois. Il se passe quelque chose de fort, entre nous, plus fort que tout ce que j’ai ressenti et vécu auparavant. J’aime son esprit autant que sa beauté. Est-ce seulement parce qu’elle représente un fruit défendu ? Peut-être. Pas sûr.
— J’en avais envie aussi. Ne doute jamais de ça, Victoria. Tu me plais beaucoup.
— J’ai toujours du mal à y croire, mais, promis, je vais essayer de moins douter de moi.
Je souris de façon encourageante et m’empare de l’une de ses boucles châtains. Je la tire doucement vers le sol et la lâche : elle remonte dans un mouvement hypnotique. J’ai envie de lui proposer un deal : passer une seule nuit ensemble, pour l’aider à surmonter son traumatisme à cause de l’autre connard. Or cela nous ferait certainement plus de mal que de bien.
— Je crois qu’il vaut mieux que j’y aille, chuchote-t-elle. On a dit tout ce qu’on avait à se dire, j’ai peur que ça dérape si on continue.
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