Marie Andree Columbia Blues 32. Victoria

32. Victoria

Ava dort déjà quand je rentre. Je me retiens d’aller vérifier qu’elle respire bien, comme une jeune mère le ferait avec son nouveau-né. Arrêter de la materner, on a dit !


Dans ma chambre, dents brossées et pyjama enfilé, j’éteins la lumière et m’allonge sur mon lit. Il est très tard, je m’attends à m’endormir très vite. Pourtant, le sommeil m’échappe. Les sons de New York, jamais silencieuse, me distraient. J’ai chaud, mon cœur bat de façon bizarre, mon ventre crépite. Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Je dois avouer que la soirée était particulière.


Le silence de l’appartement, opposé au bruit de la rue, m’oppresse. J’attrape mon téléphone et des écouteurs que je garde sur ma table de chevet. Sans hésiter, je recherche sur Spotify la playlist des frères Harper, mentionnée par Nolan. Harper’s blues list. Facile à trouver, en effet.


Quand les premières notes parviennent à mes oreilles, je me retrouve transportée dans le club. Je ferme les yeux et m’imagine les lumières tamisées, les piliers autour de la scène et les tableaux de Sebastian sur les murs. Je repense surtout à ce moment hors du temps avec lui. Je me remémore son regard plongé dans le mien, ses mains brûlantes sur ma taille et la sensation de sa barbe sur mes lèvres lorsque j’y ai déposé ce minuscule baiser.


Ça pulse dans mon ventre, plus bas que tout à l’heure ; je resserre mes jambes et pousse un long soupir.


Je sais ce qu’il m’arrive. On dirait que j’ai besoin d’emprunter l’un de leurs vibros à Ava ou Brooke.


Non, ça ne peut pas être ça.


Pourtant, je dois me rendre à l’évidence : une sensation oubliée renaît au plus profond de moi.


La dernière année avec Arthur, je me forçais à cause de son chantage à la rupture et ne ressentais que du dégoût. Je me pliais à sa volonté et il n’avait aucune préoccupation de mon plaisir. Je pensais que je l’avais perdu à jamais, tout comme la faculté de désirer quelqu’un. Je me trompais.


Au-delà des accords lancinants du blues qui me donnent envie de bouger, j’entends la voix de Sebastian souffler à mon oreille, je sens son parfum d’agrumes et de poivre noir. Ça en devient carrément douloureux, entre mes jambes. Je promène alors ma main gauche sur mon buste et frôle mes seins à travers le tissu de la robe longue en coton qui me fait office de pyjama. Un frisson me parcourt, je remue mes fesses contre le matelas, comme si cela pouvait suffire à calmer les palpitations de mon ventre.


Je m’insulte mentalement et secoue la tête, navrée. Mon corps sait déjà que je vais aller au bout. Je me redresse, retire mon vêtement en faisant attention à ne pas envoyer valser les écouteurs. Je ne veux pas couper cette musique qui me ramène à Sebastian. Je me rallonge, ma main reprend sa balade sur ma poitrine. Quand je pince l’un de mes tétons entre deux doigts, un gémissement m’échappe et une décharge électrique se propage jusqu’à ma culotte détrempée. Toutes mes réserves s’effondrent, je glisse ma main libre sous l’élastique et refais connaissance avec cette zone de mon corps. Avec mon corps tout entier, même.


Au gré des va-et-vient et des caresses de mes doigts entre mes jambes, les pulsations de mon cœur deviennent erratiques, mon sang bat à mes tempes, mon souffle se fait court. En rythme avec la musique, je pétris chacun de mes seins tour à tour. Un voile de sueur recouvre mon visage, mes cheveux se collent dans ma nuque, contre l’oreiller. Les yeux fermés, j’imagine que c’est Sebastian qui bouge en moi. Torse nu, il me surplombe et ses muscles roulent à chaque mouvement. Plus que sa plastique parfaite, c’est penser à l’intensité dans son regard qui me fait me cambrer et haleter de plus en plus.


Alors que le tempo de la musique accélère, je ne réponds plus de rien. Ma jouissance, assez puissante pour faire trembler tout mon corps, me surprend. Je reste immobile, mes doigts toujours en moi, haletante.


Je n’arrive pas à y croire : je me suis reconnectée avec mon plaisir après tout ce temps. C’est formidable et frustrant à la fois.


Car j’ai envie de plus. Bien plus.


***


Dimanche 5 mai


Ma première pensée à mon réveil est tournée vers Sebastian et, par extension, vers mon activité de la nuit. Un sourire étire mes lèvres, ça pulse encore dans mon entrejambe. Je ne me fais pas d’illusions, il ne se passera jamais rien entre nous. Je peux cependant lui être reconnaissante pour cet état de fait : il m’a aidée à redécouvrir mon corps, mon désir et mon plaisir. Même si c’était à distance, seulement grâce à sa playlist de blues et aux souvenirs de notre brève proximité dans le club de son frère.


Ce matin, je me sens bien. Je me sens plus forte, en accord avec moi-même. Le fantôme d’Arthur se fait de moins en moins présent. Il se dissipe peu à peu et ne ressemble plus qu’à une vague brume qui réapparaît parfois.


Je fournis un effort pour me détacher du plaisir ressenti il y a quelques heures et me redresse en position assise sur mon lit. Pas de notifications d’importance sur mon téléphone. Je note toutefois qu’il est déjà dix heures passées. La fin de l’année scolaire approche, il faut que je bosse aujourd’hui.


Maintenant que j’ai réussi à écarter les accords de blues de la veille et à me concentrer sur ce qui m’entoure, des bruits en provenance du salon me parviennent. Je saute du lit pour rejoindre Ava.


— Salut, la belle au bois dormant ! J’en conclus que tu es rentrée tard et que tu as passé une bonne soirée ?

— Salut, toi. Oui, c’était sympa.


Je lui envoie une bise volante et me dirige tout droit vers la machine à café. Il va m’en falloir beaucoup si je veux me plonger dans l’histoire de l’art carolingien — mon pire cauchemar.


— Raconte ! Comment était le club ? Pas trop vieillot ?


Aïe, ses questions me fatiguent déjà. Je me doute qu’elle est frustrée de ne pas pouvoir sortir dans ce type d’endroits. Elle mérite un compte-rendu détaillé, pourtant quelque chose me retient. Que dois-je lui dire à propos de Sebastian ?


— Pas du tout, j’ai eu un coup de cœur pour le club et pour la musique. C’est superbe, le blues, en fait. Ça laisse passer une multitude d’émotions, mélancolie, colère, joie, tristesse. Parfois tout ça en une seule chanson !

— Eh bien, c’est validé de ton côté, en effet. Gloria et Nolan allaient bien ?

— Nickel, ils sont adorables ensemble. Ça donne envie de reconsidérer mon opinion sur les relations amoureuses.


Assise en tailleur sur son fauteuil favori, Ava émet un petit rire. Je me place en face d'elle, sur le canapé.


— Tant mieux ! Vous n’étiez que tous les trois ?


Allez, je dois lui dire.


— Alors, c’est assez drôle, mais le club appartient à Sebastian Harper et à son frère.

— Quoi ??? Mais c’est fou, ça !


Elle parle trop fort pour un dimanche matin, après une nuit où je n’ai dormi que quelques heures. Heureusement que je n’ai pas la gueule de bois !


— Assez, oui. Le fait que ça s’appelle Harper’s Blues n’est pas une coïncidence, tu vois…

— En effet. Et il était là ?

— Oui.


Ses yeux s’écarquillent. Ça m’amuse, en fait, de la faire mariner un peu.

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39 commentaires

Le Mas de Gaïa

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Il y a un mois

J'aime beaucoup cette reconnection avec son plaisir en solitaire. Se reconstruire seule avant de construire à deux 👍

Marie Andree

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Il y a un mois

Oui c'est ce que je voulais montrer. Merci Julia ❤️

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 mois

Une très belle scène d'autant plus intime que Victoria fait ça en solitaire. Même pas besoin des vibros des copines, elle se débrouille très bien toute seule. Il fallait ça pour oublier l'autre abruti qui ne la respectait pas et ne prenait aucun soin d'elle. Que Arthur reste très très loi. À présent c'est Sebastian qui importe et si Victoria pense que son fantasme va disparaitre, et bien je pense qu'elle se trompe. En tout cas la présence du séduisant artiste sera une raison supplémentaire de retourner au Harper's blues et même d'y amener ses colocataires.

Marie Andree

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Il y a un mois

Merci 😘

MIMYGEIGNARDE

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Il y a 2 mois

Très belle scène dans laquelle Victoria se reconnecte à son désir. C'est une étape fondamentale pour elle. Et quoi qu'il arrive entre eux (même si on devine la suite ^^) c'est vraiment une belle avancée pour elle.

Marie Andree

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Il y a un mois

Oui c'est ce que je voulais mettre en avant 💓

WildFlower

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Il y a 2 mois

Victoria reprend de plus en plus confiance et elle et en sa capacité à ressentir de l'attirance pour un homme ! Même si elle reste persuadée qu'il 'e se passera rien avec Seb ^^

Marie Andree

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Il y a 2 mois

C'est ça, elle va de mieux en mieux. 💕

Lys Bruma

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Il y a 2 mois

J'ai hâte que Victoria recroise Sebastian, je crois qu'elle va le voir d'un autre œil maintenant ❤️‍🔥😂

Marie Andree

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Il y a 2 mois

Devant ses camarades à Columbia il faudra garder la tête froide 🤣
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