Fyctia
30. Victoria & Sebastian
Victoria
Ça ne tourne vraiment pas rond, chez moi. J’ai l’impression que Sebastian Harper aimerait m’embrasser. Je préfère lâcher son bras avant de me ridiculiser.
— Oui, nickel, merci. Je suis stable, c’est bon.
Il retire ses mains de ma taille en une fraction de seconde, comme si ma peau le brûlait à travers ma robe. C’était peut-être le cas. La réciproque était vraie, pour ma part.
— Oh ! Pardon, s’écrie-t-il.
— Aucun problème.
Nous nous contemplons sans plus parler, toujours très proches l’un de l’autre. Bien que le silence ne me gêne pas, il contribue à augmenter l’intensité de la situation. Je me résous à le rompre.
— Tu apprécies le blues, alors ?
Il s'était raidi pendant ce moment étrange, il s’anime de nouveau et son regard s’éclaire.
— Oui, j’adore. C’est une vraie passion. Ma mère écoutait ça à la maison, quand on était petits.
— Top ! Mes parents aimaient plutôt le rock des années 80 et 90.
— Il y a de très bonnes choses aussi, dans ces années-là.
J’acquiesce simplement, toujours prisonnière de son magnétisme. Je n’ose pas lui dire qu’avec les filles on écoute Taylor Swift et consorts. Me trouverait-il très superficielle ? Je me décide alors à lui demander pourquoi certaines de ses toiles habillent les murs.
— Au fait, tu connais le propriétaire ? Car il y a…
— Mademoiselle, est-ce que cet homme vous dérange ?
Celui qui m’interrompt se tient à ma gauche. Je quitte à regret le bleu des iris de Sebastian et me tourne vers l’intrus, prête à l’incendier et à lui préciser que je peux très bien me débrouiller toute seule, même si c’était le cas. Un homme à peine plus grand que mon peintre favori me fait face à présent. C’est le portrait craché de Sebastian.
Toute ma répartie s’évapore.
— Abruti, lance ce dernier entre ses dents.
— C’est pour ça que tu m’aimes, grand frère.
OK. C’est l’explication la plus logique.
— Victoria, je te présente mon frère, Nicholas. Nicholas, Victoria.
— Enchantée.
— Tout le plaisir est pour moi, déclare-t-il avec une drôle de courbette. Au fait, même si vous vous connaissiez d’avant, je maintiens ma question. Il t’embêtait peut-être.
Sebastian lève les yeux au ciel et place son bras sur ses épaules. Si je me fie à la grimace de Nicholas, il serre trop fort. Je pouffe comme une idiote.
— Je m’excuse pour l’humour pourri de mon frère. Nous partageons le même sang mais pas le même sens comique, je te le garantis.
— Je te crois, le rassuré-je.
— C’est vraiment pour ça que tu m’aimes, pourtant ! insiste Nicholas avec un clin d’œil.
Ils sont adorables tous les deux. Leur complicité est évidente malgré l’échange exaspérant. Une petite pointe de jalousie me titille, comme toujours lorsque je me trouve devant le tableau d’une fratrie unie.
Sebastian secoue la tête de gauche à droite sans renchérir.
— Alors, comment vous vous connaissez ? réplique son sosie plus jeune.
— Oh, hum, j’assiste à ses ateliers à Columbia.
— Ah, je vois, déclare-t-il sobrement.
Une expression insondable passe sur ses traits réguliers.
— Victoria me disait que c’était sa première fois ici et qu’elle aimait bien, intervient son grand frère.
— Oh, je vois. Tu es fan de blues ?
Je lui répète ce que je viens d’expliquer à Sebastian. Derrière nous sur la scène, un groupe est en train de s’installer pour un concert live.
— Tant mieux si l’endroit te plaît, commente Nicholas. Des critiques à formuler, peut-être ?
Je reste bête. C’est une question curieuse.
— Je connais un peu les propriétaires, poursuit-il, même si ce sont des ordures, je peux leur faire remonter.
— Tu es vraiment qu’un abruti, marmonne Sebastian.
Je l’entends à peine. Soudain, l’illumination se fait. Une interview d’Harper dans laquelle il disait peindre en écoutant du blues, son genre musical favori. Le nom du club, Harper’s blues.
— C’est ton club, affirmé-je à Nicholas.
— Oui, et le sien, aussi, précise-t-il en désignant son frère du pouce. 50-50.
Je ne l’avais pas vue venir, celle-là.
— Oh, OK ! déclaré-je de façon très intelligente.
— Que veux-tu, intervient Sebastian, il n’avait aucune perspective de carrière, j’ai dû l’aider un peu.
— Il ment ! Ne l’écoute pas, Victoria ! J’ai un MBA d’Harvard ! J’aurais pu faire tout ce que je souhaitais avec ou presque.
— Frimeur, proteste le peintre entre ses dents.
L’éclat dans ses yeux trahit toutefois sa fierté pour son petit frère. Je m’esclaffe. Ils sont chou.
— C’était sincère en tout cas, votre club est vraiment cool. Bravo ! Je n’ose imaginer le boulot que ça implique.
— Merci. Je l’aime bien, celle-ci, elle est sympa, continue-t-il à l’adresse de son frère.
Qu’est-ce qu’il veut dire par « celle-ci » ? Sebastian amène souvent des femmes ici ? Je respire un grand coup pour éloigner la pointe acérée à l’œuvre dans mon ventre lorsque je pense à ça. Le plus petit de mes interlocuteurs lève les yeux au ciel.
— Tu n’es pas sortable, assène-t-il.
— Ça tombe bien, l’endroit m’appartient, donc techniquement je ne suis pas dehors. Bref, Victoria, où as-tu entendu parler de Harper’s Blues ?
— Oh, je suis venue avec l’influenceur qui va poster du contenu sur le club. C’est un ami.
— Ah oui, le fameux Nolan !
— C’est ça. Je dois les rejoindre, d’ailleurs, désolée.
— Bien sûr ! s’exclame Nicholas.
Je me concentre alors sur Sebastian. Il hésite clairement entre l’exaspération et l’hilarité face à son frère. Quand son attention se reporte pour de bon sur moi, la chair de poule élit domicile sur mes bras. Son regard m’embrase.
— Bonne soirée, Victoria.
— Merci, à toi aussi. C’était sympa de discuter un peu.
— Très.
Sur une impulsion, je me hisse sur la pointe des pieds et dépose un minuscule baiser sur sa joue. Sa barbe me chatouille, son odeur m’imprègne. Je regrette déjà mon geste : je veux plus. Beaucoup plus.
— Au revoir, marmonné-je à l’intention de Nicholas.
Je n’attends pas sa réponse et m’éloigne des deux frères sur des jambes tremblantes.
Hors de question que j’observe la réaction de Sebastian à mon bisou.
***
Sebastian
Mirage ou réalité ?
Je crois qu’il se passe quelque chose entre Victoria et moi. Déjà, après notre échange de messages du weekend dernier, j’ai eu des doutes. Lui parler a apaisé les meurtrissures de mon cœur induites par le chagrin de ma fille. Et j’aurais pu l’embrasser, tout à l’heure. Sa main sur mon bras me brûlait, sa proximité m’enivrait. Elle a reculé la première, j’ai craint d’avoir outrepassé mes limites. Et là, son minuscule baiser d’au revoir sur ma joue… Je suis perdu.
— T’es dans la merde, toi.
La voix amusée de Nicholas me ramène au moment présent. Il fallait qu’il nous interrompe, forcément. Je dois tout de même reconnaître que c’est peut-être pour le mieux.
— Qu’est-ce que tu racontes ? demandé-je sur un ton que j’espère détaché.
— Tu te l’es déjà tapée ?
Je serre les poings. Sa vulgarité me hérisse.
— Quoi ? Non ! Ne parle pas d’elle ainsi !
— OK, pardon, c’est plus grave que ce que je pensais.
— Je ne comprends rien à ce que tu racontes, décidément. Tu me fatigues.
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