Fyctia
Sous les flashs
Je me redresse lentement, mon corps encore engourdi par le sommeil, tandis que le jour commence à s'étirer lentement à l'horizon. La lumière qui pénètre à travers les rideaux est une intrusion, trop claire, trop vive, en contraste avec l'obscurité des souvenirs qui s'accrochent encore à moi. Une lumière presque cruelle qui se moque de l'épais voile d'ombre dans lequel je suis toujours engloutie.
Le monde autour de moi semble avoir pris une dimension irréelle. Les souvenirs de la veille, eux, n'ont pas cessé de m'envahir, violents, précis. La scène se rejoue encore et encore et dans ce flot incessant de réminiscences, je me sens emprisonnée dans un état de flottement. Le temps n'a plus de prise sur moi et la frontière entre le rêve et la réalité s'est complètement effacée.
Je ferme les yeux un instant pour essayer de repousser les pensées qui surgissent avec la violence d'un orage. À l'intérieur, chaque fibre de mon être gronde. Mais ces pensées sont toujours là, implacables et malgré mes efforts pour les repousser, elles se frayent un chemin, plus fortes que jamais. La soirée avait pourtant été si simple, si douce au départ. Une soirée ordinaire avant que tout ne bascule, avant que le vent de la réalité ne vienne tout emporter.
Je revois la scène dans le bar, l'air chaud et lourd de la pièce, saturé de rires et de discussions qui se fondaient dans le bourdonnement presque musical des voix. L'inconnu, était là, une silhouette imposante dans la lumière tamisée, ses yeux brillants et son souffle chaud et apaisant dans mon cou. Nous dansions sans aucune inquiétude presque comme si la nuit nous appartenait. Nos corps se frôlaient sans la moindre gêne. C'était simple, innocent, un geste de fuite, peut-être, de vouloir oublier la réalité pendant un instant. Ses mains m'avaient guidée et j'avais perdu la notion du temps.
Les premiers flashs m'avaient frappée de plein fouet. Une pluie de lumière, aveuglante et chaotique. Des éclats de verre qui s'étaient éclatés en mille morceaux dans mon esprit. Et ces voix, ces voix qui me hurlaient des questions. Je n'avais pas eu la moindre idée de ce que je devais répondre, ni même si je devais répondre. J'avais tourné la tête, à la recherche d'une échappatoire, mais il n'y en avait aucune.
L'air s'était soudainement fait lourd. L'espace avait rétréci. Le visage de l'homme avec qui je dansais s'est noyé. Je n'avais plus de repères, plus de contrôle. Je luttais pour reprendre mon souffle mais tout semblait déconnecté. La panique était montée rapidement et lourdement en moi. C'était une panique sourde et violente qui m'empêchait de réfléchir clairement.
- Qui êtes-vous exactement pour Edward Johnson ?
La question m'avait frappée, tranchante, froide. J'avais essayé de détourner le regard, de chercher un coin où me cacher, mais les flashes ont continué de m'assaillir, inarrêtables, implacables. Les photographes étaient là, partout, autour de moi, leurs visages inconnus, leurs objectifs braqués sur moi. La pression de leur présence menaçante me paralysait davantage. Chaque mouvement scruté, chaque geste capturé. Leurs voix se superposaient et se chevauchaient, se transformant en une énorme clameur qui m'étouffait.
- Regardez ici ! Quel est votre lien avec Edward Johnson ?
Leurs mots étaient des flèches, acérées, empoisonnées. Ils traversaient le mince cocon de tranquillité que j'avais, naïvement, tenté de tisser autour de moi. Chaque question était un poison, chaque interrogation un coup de marteau. Le monde autour de moi se dérobait, je devenais une silhouette perdue. Une alarme a retenti dans ma tête, mais mes jambes sont restées figées, ancrées au sol. Mes muscles se sont tendus, mes mains se sont resserrées autour de ma tête. Le froid m'a saisi de l'intérieur.
- Par ici, mademoiselle !
- Mademoiselle !
- Edward Johnson... Edward Johnson...
- Que pouvez-vous nous dire à propos de votre relation avec le maître du thriller ?
J'avais senti mon souffle se couper, mon ventre se tordre. J'étais une proie, prise au piège, un animal traqué dans sa cage dorée. Aucune issue, aucun endroit sûr. Figée sous le poids de la lumière, de leurs attentes, de leurs jugements. À cet instant, je n'étais plus moi. J'étais devenue une proie, un sujet, une image.
Margaret a été la seule à réagir. Dans un élan de panique presque désespérée, elle m'a saisie par le bras et m'a entraînée hors de la foule comme si ma vie en dépendait. Ses doigts serrés autour de ma peau étaient les seuls repères solides dans ce tourbillon de chaos. Elle nous a propulsées vers le premier taxi disponible, sans un mot. Cette fuite semblait être la seule chose qui comptait. Mais même dans la voiture, loin du bruit et des bars, ce n'était pas fini. Ils nous poursuivaient, inévitables, aveuglants. Les éclats de lumière se faufilaient à travers les vitres et pénétraient dans l'habitacle. Chaque nouveau flash s'enfonçait plus profondément dans ma chair. Il n'y avait pas de répit. Chaque minute était une éternité, chaque seconde un nouveau coup, assourdissant et insupportable.
Je n'arrivais plus à respirer normalement. L'air dans la voiture était devenu lourd, presque visqueux et me collait à la peau. Mes poumons se refermaient sur eux-mêmes. Chaque inspiration était devenue un effort immense, chaque expiration une lutte pour ne pas sombrer dans la panique totale. Le bar, les photographes, les questions ne cessaient de se répéter dans ma tête. Mon esprit était pris au piège et m'obligeait à revivre chaque instant avec une acuité insoutenable. L'idée de qui j'étais, de ce que j'avais été avant ce moment, semblait déjà lointaine. Tout cela, tout ce qui était moi, m'échappait. Ce soir-là, je devenais une simple entité pour les yeux d'un public inconnu qui n'attendait que de me disséquer.
Et au milieu de tout ça, Edward n'était pas là. J'ai pensé à lui, à ce qu'il aurait dit, à ce qu'il aurait fait. Mais la réalité était bien plus cruelle. Il était à New York, loin de tout ce spectacle vivant.
Arrivée chez ma grand-mère, la sensation de claustrophobie ne m'a pas quittée. Les photographes nous ont suivies jusqu'ici. À travers les fenêtres, leurs flashs s'écrasaient contre les murs et les baies vitrées.
J'ai su instinctivement que ma vie venait de basculer. Et je n'étais déjà plus la même. Ce sentiment de ne plus avoir de contrôle. C'était tout. C'était tout ce que j'avais perdu en une soirée. Et je savais qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible.
Tout était devenu flou, tout était devenu fou.
7 commentaires
NICOLAS
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Il y a 4 mois
K.C Sankr
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Il y a 4 mois
aurora.R
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Il y a 4 mois
TammyCN
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Il y a 4 mois
Sofia77
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Il y a 4 mois
Anaïs Tehci
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Il y a 4 mois
IvyC
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Il y a 4 mois