Fyctia
Saturday night
Un peu plus loin, un couple déambule main dans la main, leurs pas parfaitement synchronisés. Leurs murmures, presque inaudibles, se perdent dans la brise saline et ajoutent une touche de douceur à cette scène déjà riche. Le tableau est apaisant, presque irréel. Sur un banc en bois patiné par le temps, un musicien gratte doucement sa guitare. Ses doigts dansent sur les cordes avec précision. Les notes qu'il tire de l'instrument s'élèvent avec une grâce particulière. La mélodie est simple, épurée, mélancolique mais enveloppe le port d'une ambiance sereine.
Margaret, sensible à l'atmosphère, rompt le silence d'une voix douce.
- Tu sais, c'est bien que tu sois sortie aujourd'hui. Je m'inquiétais vraiment pour toi hier soir.
Je tourne légèrement la tête pour croiser son regard.
- Je vais mieux, dis-je dans une sorte de mantra. Et honnêtement, ce genre de paysage aide beaucoup.
- Ah, le pouvoir du port ! s'exclame-t-elle en levant les bras comme pour saluer l'endroit. On devrait écrire une ode aux ports, tu crois que ça marcherait ? Ou au moins envoyer un mot à la mairie pour les remercier, non ?
Je ris doucement à sa plaisanterie. Mais cette légèreté masque encore une ombre en moi, une tension tapie, invisible. Une partie de moi reste tendue, en quête de quelque chose d'inédit. Ce moment de calme, bien que appréciable, ne me suffit pas. J'ai besoin de plus. Une distraction, un frisson, un éclat. Mon esprit vagabonde tandis que mes yeux parcourent les environs avec insistance.
C'est alors que je la vois. Une affiche vive, collée avec négligence sur un panneau près d'un café. Elle se détache nettement, ses couleurs audacieuses tranchent avec les teintes pastel des maisons environnantes. Je ralentis, intriguée, tandis que mes yeux parcourent rapidement le texte. "Soirée d'inauguration ce soir !" proclame-t-elle en lettres éclatantes, entourées d'images de cocktails iridescents et de silhouettes dansantes. L'idée d'un nouveau bar sur le port semble soudain prometteuse.
Je m'immobilise, fascinée, mes pieds soudain figés sur le pavé.
- Quoi ? demande Margaret, intriguée, tout en suivant mon regard.
Je lui désigne l'affiche d'un mouvement de menton. Elle s'approche et plisse les yeux pour déchiffrer le texte.
- Oh, je vois. Tu veux y aller, pas vrai ?
- Absolument. Une soirée comme celle-là est exactement ce qu’il me faut, dis-je avec un entrain qui me surprend moi-même.
Margaret émet un petit cri de joie, ses mains battent l'air avec enthousiasme.
- J'adore cette idée ! s'écrie-t-elle, ses yeux brillants d'excitation. Une soirée, des cocktails, de la musique, peut-être même un peu de danse... Oui, c'est parfait et crois moi ça va être mémorable !
Je sens mon cœur s'alléger un peu plus. L'idée d'un lieu animé, bruyant où les rires et la musique pourraient noyer mes pensées me paraît tout simplement irrésistible. Je me surprends à sourire, un vrai sourire cette fois. Oui, ce soir, ce sera mémorable. Pas pour Edward, ni pour ce qu'il a dit ou fait, mais pour moi. Pour ce que je choisis de reconstruire.
De retour à la maison, nous nous lançons dans un rituel que seules les soirées spéciales semblent justifier. Margaret et moi, équipées d'une playlist entraînante, transformons la chambre en un véritable chaos organisé digne des coulisses d’un défilé de mode.
Margaret, fidèle à sa nature, prend immédiatement les commandes. Elle dépose sa trousse de maquillage tel un général poserait une carte stratégique avant une bataille. Les tubes, palettes et pinceaux s'étalent devant nous, un arsenal brillant et coloré.
- D'abord, on se concentre sur la base, déclare-t-elle avec l'air d'une professionnelle.
Je ris doucement.
- Margaret, tu sais que je ne suis pas une œuvre d'art, hein ?
- Chut ! Ce soir, tu es une toile vierge, un chef-d'œuvre en devenir. Une déesse de la nuit qui mérite le meilleur et moi, je suis ton humble artiste.
Je m'assois en riant et me laisse faire. Elle applique un fond de teint léger puis ajoute une touche d'illuminateur sur mes pommettes. Ses gestes sont précis, presque méditatifs et la sensation douce du pinceau sur ma peau est très agréable. Pendant ce temps, je pianote sur mon téléphone pour trouver l'inspiration pour ma tenue.
- Regarde ça, dit-elle en reculant pour admirer son travail. Un chef-d'œuvre, non ?
Je jette un œil dans le miroir et souris. Mon visage est subtilement mis en valeur, une lueur éclaire mes traits et efface les ombres de la veille.
- Pas mal, dis-je en arquant un sourcil. Maintenant, à toi !
Margaret prend place et je m'occupe de la maquiller à mon tour. Ses expressions dramatiques à chaque coup de pinceau me font éclater de rire. Elle grimace, elle grogne mais le résultat final est sublime. Je m'attaque à présent à la coiffure.
- Tu es sûre que c’est une brosse et pas un instrument de torture ? gémit-elle en fermant les yeux.
- Arrête de bouger, artiste en herbe, ou je vais vraiment faire des dégâts, repliqué-je en riant.
Lorsque nous avons terminé, la pièce est jonchée de produits de maquillage.
- Bon, quelle tenue ? demande Margaret en ouvrant grand sa valise.
Ses vêtements fusent dans tous les sens. Des étincelles de satin, de velours et de sequins illuminent la pièce.
Mon choix se porte finalement sur une robe noire fluide, simple mais élégante, tandis qu'elle opte pour une combinaison en satin couleur émeraude.
En enfilant nos tenues, nous rions et nous tournons sur nous-mêmes pour nous examiner mutuellement. Les talons résonnent légèrement sur le parquet.
- Margaret, cette combinaison... Waouh, dis-je en hochant la tête. Tu vas faire tourner des têtes.
Elle me sourit en retour avant de me tendre une paire de boucles d’oreilles scintillantes.
- Et toi, cette robe ? On croirait voir une déesse.
Nos cheveux, coiffés avec une élégance feinte, mêlent naturel et sophistication. Nous ajoutons les touches finales : des bracelets qui tintent à chaque mouvement et un parfum subtil, envoûtant.
Face au miroir, nous nous observons une dernière fois. Nous ne sommes plus seulement Margaret et moi. Nous sommes des versions amplifiées, sublimées, magnifiées. Des conquérantes de la nuit.
- Alors, prête à faire des vagues ?
- Plus que prête, je souris, un éclat de défi dans les yeux. Ce soir, on éclabousse.
- Vous allez où comme ça, les beautés ? lance Mamie depuis le salon, une lueur malicieuse dans les yeux.
Nous éclatons de rire en lui adressant un clin d'œil avant de quitter la maison. Le soir tombe doucement sur Friday Harbor. L'air est vif, chargé d'attentes et le port brille au loin. Ce soir, c'est notre soirée. Rien d'autre ne compte.
9 commentaires
Anaïs Tehci
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Il y a 4 mois
NICOLAS
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Il y a 4 mois
Alyssa Well
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NICOLAS
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Il y a 4 mois
Camilla_Melodie
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aurora.R
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Salma Rose
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Sofia77
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illusiona
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Il y a 4 mois