Fyctia
Au coeur de l'illusion
Edward se fige un instant, son regard s'échappe dans le vide. Il semble chercher un point d'ancrage dans la pièce, quelque part où il pourrait se raccrocher. La question que je viens de poser l'a atteint plus profondément que je ne l'avais imaginé. Après quelques secondes d'hésitation, il prend une grande inspiration. Puis, d'une voix plus grave, presque feutrée, il se lance.
- C'est difficile à expliquer, commence-t-il, les mots mesurés. Parfois, on a l'impression que tout va bien. Qu'on est dans une relation stable, que les choses avancent à un rythme naturel. Et puis, d'un coup, il y a ce moment où on se rend compte que tout est devenu une façade. Une façade qu'on a construite soi-même, en pensant que c'était réel. Mais au fond, tu sais que ça ne l'est pas.
Je le fixe, une curiosité nerveuse m'envahit. Malgré son image d'homme sûr de lui et charismatique, ses mots sont hésitants, presque fragiles et chaque syllabe semble pesée
- Elle s'appelle... Rachel. Rachel Monroe, tu vois qui c'est ? C'est une actrice, mais ça ne compte pas vraiment. En tout cas, pendant un moment, je pensais que c'était elle, tu sais ? Celle avec qui tu imagines ton avenir. Mais parfois, on tombe dans le piège d'idéaliser quelqu'un, de se fixer sur l'image qu'on veut voir plutôt que sur la personne qu'elle est vraiment.
Je hoche la tête, intriguée par cette confidence. Rachel Monroe, bien sûr, je connais son nom. Elle a été à l'affiche de plusieurs films à succès ces dernières années. Son visage est partout : dans les magazines, à la télévision, sur les panneaux publicitaires. Elle fait partie de ces stars mondiales dont on connaît les moindres faits et gestes. J'imagine à quel point garder leur relation secrète a dû être un défi colossal. À l'instar de Edward, Rachel Monroe est une star dans le sens le plus pur du terme et la façon dont ils ont pu naviguer dans cette relation à l'abri des regards me sidère.
- Tout s'est fait dans l'ombre, continue-t-il, presque comme s'il se parlait à lui-même. On a essayé d'être discrets. Le public, les paparazzis, ils n'étaient jamais loin. Même un simple dîner, un café ensemble, pouvait finir en une couverture de magazine le lendemain. Chaque moment qu'on partageait, c'était un vol. Un vol de temps, de liberté. Et à un moment donné, ça devient trop lourd, tu vois ? Cette pression constante, cette surveillance, ça t'aspire tout entier.
Je vois son regard s'assombrir. Il semble revivre certains instants mais continue, prêt à tout partager.
- Plus je passais de temps avec Rachel, plus je me rendais compte qu'elle était une illusion, une image soigneusement cultivée, un produit que le monde consomme. Elle s'est perdue dans son propre reflet, et peu à peu, cette image m'a englouti aussi. J'ai commencé à me demander si j'étais tombé amoureux de la véritable Rachel ou de l'image qu'on m'avait vendue. Une image lisse, parfaite, à laquelle on s’identifie et qu’on désire, mais qui n’a rien à voir avec la réalité.
Je fronce les sourcils, captivée. Je sais que les relations des célébrités sont souvent complexes mais je ne m'attendais pas à une telle confession.
- Mais tu sais, parfois, on tombe amoureux de ce qu'on veut voir, pas de ce qu'on a réellement devant nous, dit-il en détournant légèrement les yeux, un petit sourire triste dessiné sur ses lèvres. C'est ce qui m'est arrivé. Je croyais voir quelque chose que je désirais profondément mais ce n'était qu'une projection de mes propres attentes. Et un jour, l'illusion a volé en éclats.
Il s'arrête un instant, un silence lourd s'installe puis un sourire amer s'écrase sur ses lèvres.
- Tout a commencé à se déliter quand elle m'a dit, un soir, qu'elle n'était pas prête à ce que notre relation soit aussi sérieuse. Elle m'a dit qu'elle avait besoin de plus de liberté, qu'elle ne voulait pas être définie par sa relation avec moi. Mais en réalité, elle ne voulait pas être définie du tout. Et ça m'a frappé, tu vois ? Ça m'a frappé plus fort que tout le reste. Parce que j'étais là, prêt à tout partager avec elle, mais elle... avait peur. Peur de ce que nous pourrions être ensemble.
Je le regarde, touchée par la douleur qu'il essaie de dissimuler. Un désenchantement palpable traverse sa voix et une lassitude semble le ronger de l'intérieur.
- Tu veux savoir ce qui a vraiment fait mal ? C'est qu'elle a disparu sans un mot. Un jour, elle était là, et le lendemain, elle avait disparu. Pas un message, pas une explication. Et moi, je me suis retrouvé seul, à chercher des réponses dans des silences qui ne m'appartenaient même pas. Elle a effacé toute trace de nous comme si rien de ce qu'on avait partagé n'avait compté.
Je n'ose rien dire. Sa douleur est évidente. Je me rends compte à quel point cette rupture l'a affecté. Edward continue, il n'a pas fini de raconter son histoire.
- Tu sais, tout ça m'a fait réaliser que je n'avais plus vraiment de place pour moi-même. Plus de place pour ce que je voulais. J'étais devenu un personnage dans sa vie. Et ça m'a paralysé. Ça a paralysé ma créativité. Quand je suis rentré, j'ai essayé d'écrire, mais les mots ne venaient plus. Tout semblait trop lourd, trop compliqué, trop... faux. Écrire était devenu un effort. Et peu à peu, je me suis perdu dans cet effort de plus en plus lourd. Je ne savais même plus pourquoi j’écrivais.
Il secoue la tête comme pour chasser cette pensée.
- Je suis venu ici après tout ça. C'était plus facile, tu sais ? Parce que quand tu n'es pas entouré de tout ce bruit, quand tu t'éloignes de l'agitation et des attentes des autres, tu peux enfin respirer. Mais, tu vois, ce n'est pas tant la rupture qui m'a abattu. C'est le fait d'avoir aimé quelqu'un sans vraiment la connaître. Sans savoir si cet amour était authentique ou simplement une illusion.
Il se redresse lentement, ses yeux cherchent les miens. Il n'y a plus de défi dans son regard, seulement une sincérité brute, presque désarmante.
- Voilà. C'est ce que je n'ai jamais dit à personne.
Je le fixe, la gorge serrée. Il vient de poser une part de son âme sur la table, de la rendre accessible, de la rendre vulnérable.
- Maintenant, si tu veux bien lire le chapitre 2 de mon histoire ? J'en serais ravi, lance-t-il avec un sourire en coin, presque plus léger. Puis il se lève d'un geste vif, comme pour changer de sujet.
Je hoche la tête et le suis en direction de son bureau, prête à découvrir la suite de son histoire.
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Estelle Miccoli
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Alexandra ROCH
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Pjustine
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Il y a 4 mois