Fyctia
Doux tourments
La soirée s'achève dans une ambiance bien plus détendue qu'elle n'avait commencé. Les derniers éclats de rire de Mickael résonnent encore dans la pièce et se mêlent aux tintements des couverts qu'on rassemble sur la table. Même Charlotte, si acérée dans ses propos au début, affiche maintenant un sourire plus doux, ses joues légèrement rosies par le vin. L'air semble plus léger. La table est désormais dégarnie, seules quelques miettes et verres à moitié pleins témoignent du festin qui nous a réunis. La lueur vacillante des bougies projette des ombres dansantes sur la nappe. L'odeur subtile de cannelle et de vanille du dessert flotte encore dans l'air.
Edward se lève le premier et pose sa serviette avec soin sur la table.
- Merci pour cette soirée. C'était parfait et le dîner, un délice, dit-il, son ton toujours aussi juste.
Mickael sourit, visiblement ravi par le compliment, ses yeux pétillent de fierté.
- Vous êtes les bienvenus à tout moment.
Charlotte, elle, s'approche avec ce mélange de grâce et de contrôle qui lui est propre.
- Et Amélia, ne te fais pas prier la prochaine fois pour nous prévenir que tu es ici, ajoute-t-elle en m'adressant un clin d'œil complice.
Je hoche la tête avec un sourire détendu mais une fatigue émotionnelle me pèse encore. Malgré tout, je suis soulagée que cette soirée se termine sur une bonne note, loin des tensions du début.
Charlotte s'approche davantage, pose une main légère sur mon bras.
- Ravie de t'avoir revue, dit-elle doucement.
Puis elle se tourne vers Edward et son regard glisse de lui à moi.
- Et Edward... vous êtes une belle surprise.
Il répond avec un sourire poli, presque modeste.
- Merci pour l'invitation.
Sa main effleure mon bras, un geste discret mais rassurant.
Charlotte laisse son regard s'attarder une fraction de seconde de trop sur Edward, elle semble évaluer chaque détail de son allure.
Une fois dehors, l'air frais des nuits d'été à Friday Harbor s'engouffre dans mes cheveux et tranche avec la chaleur du salon.
- Tu tiens le coup ? me demande-t-il à voix basse, son timbre grave résonnant dans le calme nocturne.
Je lève les yeux vers lui et dans l'éclairage tamisé du lampadaire, ses traits me paraissent encore plus marqués, presque sculptés. Une lueur de gratitude traverse mon regard et je me surprends à remarquer des petites nuances de couleur dans ses pupilles.
- Oui, merci. Je crois que tu as sauvé la mise plus d'une fois ce soir.
Il esquisse un sourire et ses lèvres viennent dessiner cette courbe qui lui est si familière.
- C'est un travail d'équipe, non ?
Son ton léger me fait sourire malgré moi. Nous avançons côte à côte, nos pas résonnent sur les graviers de l'allée. Le silence entre nous n'est pas lourd, il est une sorte de connivence qui n'a pas besoin de mots.
Dans la voiture, l'ambiance est feutrée et rythmée par le ronronnement du moteur. La lumière du tableau de bord éclaire légèrement son visage. Mes doigts jouent distraitement avec la boucle de ma ceinture tandis que je vole de rapides regards dans sa direction.
- Charlotte t'apprécie, finis-je par dire, ma voix brisant le silence.
Il arque un sourcil, amusé.
- C'est ça que tu as remarqué ?
Je laisse échapper un petit rire puis détourne les yeux vers la fenêtre où défilent les ombres des arbres.
- Je te jure, elle t'a trouvé fascinant.
Il rit, un rire grave et chaleureux qui fait écho dans l'habitacle.
- Et toi, Amélia ? Est-ce que tu me trouves fascinant ?
Sa question me prend au dépourvu. Mon cœur rate un battement et une chaleur inattendue monte à mes joues.
- Ce n'est pas le sujet, dis-je en laissant échapper un rire nerveux, tentant de masquer mon trouble.
Il ne répond rien mais je sens son sourire, même sans le regarder.
Lorsque la voiture s'immobilise devant nos maisons respectives, un sentiment étrange me saisit. Un mélange de regret, parce que cette parenthèse va se refermer, et d'anticipation, comme si quelque chose de plus grand était sur le point d'arriver.
- On est arrivés, dis-je doucement, presque à contrecœur.
Edward coupe le moteur mais ne bouge pas. Le silence qui s'installe n'est pas vide. Il est dense et chargé de tout ce qui n'a pas été dit ce soir.
- Amélia, commence-t-il après un moment, sa voix plus grave, presque hésitante.
Je me tourne vers lui et dans l'obscurité ses yeux brillent d'une intensité troublante.
- Je sais que ce n'était pas simple pour toi, mais tu as su parfaitement gérer la situation ce soir.
- Ce n'était pas aussi terrible que je ne l'avais imaginé... dis-je avec un sourire timide. Enfin, jusqu'à ce que tu me surprennes avec ce "mon amour".
Il rit doucement mais son regard reste fixé sur moi.
- Ça t'a dérangée ? Je suis désolé si c'est le cas, s'empresse-t-il d'ajouter.
Je secoue la tête, incapable de trouver les mots justes. Comment lui expliquer ce que j'ai ressenti à cet instant ? La chaleur, la confusion, la manière dont ces mots ont résonné en moi.
- Non, pas vraiment, dis-je enfin. Mais...
- Mais ?
Je respire profondément avant de répondre.
- Mais ça m'a fait me demander... où s'arrête le jeu ?
Il ne répond pas tout de suite. Sa main glisse du volant jusqu'à se poser entre nous, ses doigts à portée des miens. Une invitation silencieuse.
- C'est une bonne question, murmure-t-il.
Il se penche légèrement vers moi et je sens mon cœur s'accélérer. Tout semble s'arrêter. Le temps est suspendu et nous plonge dans cet instant fragile mais infiniment précieux. Quand ses lèvres touchent les miennes, c'est à la fois doux et intense. Le premier contact est léger, presque hésitant. Puis, il s'intensifie, devient plus assuré, fait émerger en moi des sensations nouvelles. Une chaleur diffuse envahit tout mon être. Ce baiser a le pouvoir de balayer la fraîcheur. Les doutes laissent place à une certitude inconnue, terrifiante et exaltante. Sa main se pose délicatement sur ma joue, ses doigts effleurent ma peau avec une tendresse infinie.
Mon esprit s'éteint, mes sens s'éveillent. La texture de ses lèvres, le parfum subtil de son après-rasage, la manière dont sa respiration se mêle à la mienne... Tout est amplifié, vibrant, terriblement réel.
Je ne sais pas combien de temps dure cet instant. Peut-être quelques secondes, peut-être une éternité. Tout ce que je sais, c'est qu'au moment où nos lèvres se séparent, un vide s'installe.
Edward me regarde, son souffle encore court. Son sourire est presque timide et pourtant chargé d'une intensité qui me trouble.
- Alors... le jeu s'arrête-t-il ici ? demande-t-il, mi-sérieux, mi-amusé.
Je ris doucement, incapable de répondre. La vérité, c'est que je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que ce moment restera gravé en moi, quoi qu'il advienne.
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Petit Guillaume
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Il y a 4 mois
lorrely
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AetherOnIce
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Pjustine
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Samantha Beltrami
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Pjustine
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EvaBerry
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Pjustine
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Il y a 4 mois