Pjustine Coeurs en équilibre Le poids des mots

Le poids des mots

Je referme le carnet, une boule au ventre. Le ton est posé, sans concession et chaque scène semble vibrer d'une tension unique. Les premières lignes du roman d'Edward m'aspirent dans une atmosphère lourde et obsédante. Les mots, parfaitement choisis, créent un tableau précis et inquiétant, si bien que je ressens presque physiquement le poids de l'histoire. J'ai l'impression de m'engouffrer moi-même dans l'ombre du personnage principal. L'inspecteur Marcus Finger est rugueux et taciturne. Un homme que la vie semble avoir frappé avec une violence aussi brutale que celle qu'il traque au quotidien. Il ne parle pas beaucoup, mais chaque geste, chaque pensée résonne. Ses tourments sont palpables et je suis captivée. Mes yeux ont parcouru chaque mot avec une urgence silencieuse. Edward a l'art de saisir l'essence même du noir et cela m'impressionne encore une fois.


Assis nonchalamment sur le rebord de son bureau, Edward m'observe en silence, attendant mon avis. Son regard est perçant, mais non intrusif. Il sonde mes pensées avec une curiosité maîtrisée, presque déconcertante.


- Alors ? demande-t-il enfin, ses yeux accrochés aux miens.


Je prends une profonde inspiration et tente de canaliser les émotions qui viennent de me submerger.


- C'était... intense, dis-je enfin, ma voix encore légèrement tremblante. J'ai hâte de lire la suite.


Un sourire discret se dessine sur ses lèvres.


- En parlant de ça, vous restez à San Juan Island jusqu'à quand, vous savez ? demande-t-il d'un ton décontracté.


Étrangement, cette question me prend au dépourvu. Depuis mon arrivée sur l'île, je n'ai pas pensé une seule fois à mon retour à Seattle. Pourtant, avant de poser un pied ici, je m'étais promis de ne pas m'éterniser. Cinq jours, une semaine tout au plus. Cela devait être suffisant. Demain marquera une semaine complète et je n'ai toujours pas prévu de repartir. J'ai encore trois semaines de vacances devant moi, avant de retrouver l'université, ses cours passionnants et ses couloirs bondés.


- Deux semaines... trois semaines, je ne sais pas trop encore, dis-je finalement, hésitante.


Je devrais peut-être en discuter avec mamie. Après tout, c'est elle qui me loge. Elle n'a peut-être pas prévu de me supporter aussi longtemps. Cette pensée m'arrache un sourire coupable.


- Super, ça nous laisse un peu de temps ! s'exclame Edward, visiblement soulagé.


Sa réaction me surprend, mais je n'ai pas le temps d'y réfléchir. Il enchaîne déjà, plus sérieux cette fois.


- Mon agent me met une pression monstre. La maison d'édition veut absolument que je termine l'histoire avant fin septembre pour une sortie événement avant Noël. Vous imaginez ? Ils veulent frapper fort, juste avant les fêtes. Mais j'ai du mal avec cette histoire. Et ça... ça ne m'arrive jamais.


Il baisse les yeux un instant, presque vulnérable. Cette confidence, inattendue, semble lui coûter quelque chose.


- Vous pourriez continuer à lire, de temps en temps ? J'aimerais savoir si je me dirige dans la bonne direction, ajoute-t-il.


Edward Johnson, auteur à succès, me demande de l'aider ? Même dans mes rêves les plus fous, jamais je n'aurais imaginé me retrouver dans cette position.


Je rougis et tente de masquer l'excitation qui monte en moi.


- Avec plaisir ! je réponds, incapable de dissimuler mon enthousiasme.


- Génial. Merci, Amélia. Ça va beaucoup m'aider. Je suis totalement perdu. Mais je veux que vous soyez honnête, d'accord ? Quand c'est nul... eh bien, dites-le moi franchement. Je ne le prendrai pas mal, promis, ajoute-t-il, un sourire malicieux sur ses lèvres.


- J'ai lu tous vos livres, Edward. Si les écrits sont moins bons, je le remarquerai. Et je vous le dirai, comptez sur moi, affirmé-je, presque fièrement.


Il rit doucement.


- Parfait, conclut-il, simplement.


Je l'observe un instant. Il se lève, contourne le bureau, et passe une main dans ses cheveux. Un geste désinvolte mais étrangement captivant.


- Qu'est-ce qui vous bloque ? demandé-je, la voix à peine audible.


- Bonne question, murmure-t-il. Habituellement, les idées viennent d'un bloc. Tout est clair, fluide. Je sais où je vais, ce que je veux dire. Mais là, cette histoire... elle me résiste.


Il marque une pause, croise les bras et fixe un point invisible dans la pièce.


- C'est étrange, poursuit-il. C'est comme si elle avait sa propre volonté. Comme si elle refusait de se laisser écrire.


- Peut-être parce qu'elle est différente ? suggéré-je, sans trop réfléchir.


Il tourne la tête vers moi, surpris, et nos regards se croisent. Pendant un instant, je me demande si j'ai dit quelque chose de déplacé, mais il hoche lentement la tête et ses lèvres esquissent un sourire pensif.


- Peut-être, oui, murmure-t-il enfin.


Je prends une inspiration et décide de changer de sujet.


- J'ai quelque chose à vous demander en échange, dis-je, rassemblant tout mon courage.


Edward hausse un sourcil, intrigué, et se tourne complètement vers moi.


- Bien sûr, je vous écoute, répond-il avec curiosité.


Je me sens ridicule avant même de prononcer les mots. Mais maintenant que j'ai commencé, il est trop tard pour reculer.


- Je suis invitée à un dîner demain soir. J'ai une vieille amie qui passe tous ses étés ici, Charlotte. Et je lui ai dit que... je viendrais accompagnée.


Ma voix faiblit sur la fin et mes joues s'enflamment. Pourquoi est-ce si embarrassant de l'avouer à voix haute ?


Edward, quant à lui, rit franchement.


- Et je suis censé être qui dans cette histoire ? demande-t-il, amusé, tout en s'approchant de moi.


Je lève les yeux vers lui, gênée mais aussi un peu amusée par la tournure des événements.


- Mon... euh... je ne sais pas, admis-je, complètement désarmée. Je n'y ai pas réfléchi pour être honnête.


Je tombe dans le fauteuil derrière moi, vaincue par ma propre audace. Edward, lui, reste debout, les bras toujours croisés et un air espiègle placardé sur son précieux visage.


- Donc, laissez-moi voir si j'ai bien compris, commence-t-il avec un sérieux feint. Vous voulez que je vous accompagne à ce dîner et que je joue un rôle, c'est ça ?


- Oui, exactement, dis-je rapidement, avant de me raviser. Enfin, non. Pas jouer un rôle. Juste m'accompagner.


Je me passe une main sur le visage, je suis si maladroite. Pourquoi est-ce si compliqué ?


- Et à quoi s'attend cette Charlotte ? demande-t-il en se penchant légèrement vers moi, ses yeux pétillants et malicieux.


La proximité entre nous se réduit imperceptiblement. Son parfum m'enveloppe, un mélange subtil de cèdre et de menthe, auquel se mêle une note légèrement épicée. Je tressaille malgré moi.

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7 commentaires

Angie_fallen

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Il y a 4 mois

Coucou ! Petit soutien pour le concours ! Bon courage ! ✌️

Pjustine

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Il y a 4 mois

Merciii beaucoup 🔥

lorrely

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Il y a 4 mois

À jour 😊

Siala

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Il y a 4 mois

ooooh <3

Camille Cardoso

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Il y a 4 mois

:)

lea.morel

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Il y a 4 mois

bon concours 🩷

Pjustine

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Il y a 4 mois

Mercii beaucoup ✨
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