Fyctia
La maison d'à côté
Le salon est spacieux, baigné de lumière tamisée provenant d'un plafonnier élégant et de quelques lampes posées ici et là. De grandes baies vitrées occupent le mur du fond et donnent sur un jardin impeccablement entretenu où les derniers rayons de soleil jouent sur le feuillage. Les murs, peints dans des teintes sobres, sont décorés de tableaux dont certains attirent immédiatement mon attention par leurs couleurs vives et leurs textures complexes. À ma droite, une bibliothèque imposante domine tout un pan de mur et déborde de livres aux reliures variées, certains vieux et usés, d'autres flambant neufs. Je m'approche, fascinée par le mélange d'ordre et de chaos. Certains volumes sont alignés avec une précision presque militaire tandis que d'autres s'empilent anarchiquement sur les étagères ou à même le sol.
- Impressionnant, n'est-ce pas ? fait Edward avec un sourire en coin, remarquant mon regard captivé.
- C'est le moins qu'on puisse dire, murmuré-je, presque pour moi-même.
Au centre du salon, un canapé en cuir marron patiné occupe une place d'honneur. Sa surface est parsemée de coussins moelleux dans des tons terreux. Une table basse en verre repose devant, recouverte de carnets ouverts, de stylos et de quelques tasses abandonnées, témoins d'heures de travail.
Mon regard glisse ensuite vers la cuisine ouverte sur le salon. Les équipements modernes contrastent avec l'ambiance cosy du reste de la pièce. Un plan de travail impeccable en marbre blanc, des étagères suspendues ornées de pots d'herbes aromatiques et d'ustensiles en cuivre. Une subtile odeur de café flotte encore dans l'air, réconfortante et familière.
- Vous semblez surprise, remarque Edward en s'adossant au bar de la cuisine.
Je secoue la tête, cherchant mes mots.
- Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais, avoué-je, encore un peu troublée. J'ai toujours connu cette maison fermée, inhabitée. Elle me semblait presque abandonnée. Alors, de la voir comme ça, si vivante, si chaleureuse...
Ma voix se perd et les mots me manquent pour décrire l'étonnement qui m'habite.
- Je comprends, répond-il en hochant légèrement la tête. J'avais besoin d'un endroit tranquille pour écrire. C'est petit comparé à ma maison principale, mais ici, je trouve la paix.
Je retiens un sourire. Petit ? La maison semble bien plus sophistiquée que tout ce que je pourrais jamais espérer m'offrir. Et comparée à mon appartement exigu de Seattle, c'est presque un manoir.
- Vous prenez quoi ? demande Edward en s'approchant du comptoir. Un verre de vin ? Un whisky ?
- Un verre de vin, ça ira très bien.
Edward acquiesce, attrape une bouteille sur une étagère et lui retire son bouchon avec facilité. Il me tend un verre avant de s'installer sur le canapé. Il me fait signe de le rejoindre. Je m'exécute, un peu intimidée par l'intimité du moment.
- Alors, qu'avez-vous pensé de cette scène ? demande-t-il en riant doucement.
Je hausse les épaules, mal à l'aise.
- Je ne sais pas... c'était surréaliste. Vous êtes habitué à ça ?
Il pose son verre sur la table et croise les bras, pensif.
- Disons que ça fait partie de mon métier. Les livres ne suffisent plus. Il faut être visible, aller à la rencontre du public. Mais parfois, ça peut être étouffant.
Je l'observe, intriguée par la sincérité dans sa voix.
- Mais vous, comment vivez-vous ça ? lui demandé-je, osant enfin poser la question qui me brûle les lèvres.
Il esquisse un sourire amer.
- C'est un petit peu ambigu. D'un côté, je suis reconnaissant. Ces gens qui m'arrêtent dans la rue, qui lisent mes livres, ce sont eux qui m'ont permis de vivre de ma passion. Mais d'un autre côté...
Il s'interrompt, cherchant ses mots, à son tour.
- Vous perdez une part de liberté. Et parfois, vous vous demandez si les gens vous voient pour qui vous êtes ou pour ce qu'ils pensent que vous êtes.
Je sens une pointe de mélancolie dans ses paroles.
- Ça doit être difficile, admis-je doucement.
Il hoche la tête.
- Ça l'est. Mais ça m'a aussi appris à apprécier les moments simples. Comme celui-ci.
Son regard se fixe sur moi et je sens mes joues s'empourprer. Comme à chaque fois que nos regards se croisent.
- Et vous ? demande-t-il enfin, brisant le silence qui s'était installé. Comment une jeune femme comme vous finit-elle par passer ses vacances d'été chez sa grand-mère à Friday Harbor ?
Je souris timidement, mon regard fuyant un instant avant de se poser sur lui.
- J'avais besoin de m'échapper, de prendre du recul, de me ressourcer loin de tout. Et vous, qu'est-ce qui vous a attiré ici ?
Il réfléchit un instant avant de répondre d'une voix calme :
- La mer, le calme et les gens. C'est tout ce que je recherchais. Un endroit où je peux écrire sans être constamment dérangé. Enfin, jusqu'à aujourd'hui, plaisante-t-il avec un léger sourire.
Un rire complice s'échappe de mes lèvres, je me sens soudainement plus détendue.
Edward, semblant vouloir changer de sujet, me propose de découvrir son bureau. L'endroit où il travaille le plus souvent. Il me conduit dans une pièce où l'atmosphère est plus intime, presque feutrée. Les murs, peints dans une teinte de vert forêt, sont garnis d'étagères débordant de cahiers, de manuscrits, de livres annotés. Un large bureau en bois massif occupe le centre de la pièce. Il est recouvert de feuilles éparpillées, de stylos usés et d'un ordinateur portable ouvert. Un fauteuil en cuir usé est tourné vers nous, comme si quelqu'un venait de quitter la pièce à la hâte.
- C'est ici que la magie opère ? demandé-je en esquissant un sourire.
Il sourit, un éclat dans les yeux.
- C'est ici que je passe des heures à me demander pourquoi j'ai choisi ce métier, répond-il en rigolant doucement.
Je m'approche du bureau et m'arrête devant un carnet ouvert. Ses pages sont couvertes d'une écriture cursive, fluide et soignée. Une écriture entrecoupée de schémas et de flèches.
- Vous écrivez encore à la main ? lui demandai-je, intriguée.
- Toujours, répond-il, un sourire énigmatique aux lèvres. J'ai besoin de sentir le papier sous mes doigts, de voir les mots prendre forme au fur et à mesure. C'est une autre manière de donner vie à l'histoire.
Je caresse la couverture en cuir, fascinée par l'idée qu'une œuvre à succès puisse naître d'un objet si simple.
- Si vous voulez, vous pouvez lire un extrait, propose-t-il soudainement. J'avoue que ces derniers temps, l'inspiration m'échappe un peu. Un avis extérieur ne me ferait pas de mal.
- Oh non, je ne voudrais pas...
- Je vous assure, ça ne me dérange pas.
Hésitante, je feuillette les premières pages puis me lance dans la lecture du premier chapitre...
4 commentaires
Stormy__a
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Il y a 4 mois
Pjustine
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Il y a 4 mois
lorrely
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Il y a 4 mois
Pjustine
-
Il y a 4 mois