Pjustine Coeurs en équilibre Friday Festi

Friday Festi

Aujourd'hui est un jour spécial, c'est le Friday Festi. Un événement qui a marqué tous mes étés passés ici. Pourtant, après sept ans d'absence, j'ai l'impression que c'est la toute première fois.


Je me tiens devant la porte, prête à partir. Mamie est dans son jardin, les mains plongées dans la terre humide. Son chapeau de paille, légèrement de travers, peine à la protéger du soleil. Elle fredonne une vieille chanson que je ne reconnais pas.


- Tu pars déjà, ma poupette ? me demande-t-elle, surprise, en levant ses yeux clairs vers moi.


- Oui, je vais profiter du soleil et de l'euphorie du festival. Tu me rejoins à midi ?


- Bien sûr, je finis ça, je me change et je t'appelle, Amélia chérie.


Je lui adresse un clin d'œil. Mamie ne rate jamais un rendez-vous important.


En descendant les rues animées de Friday Harbor, je suis frappée par l'ambiance. J'avais presque oublié à quel point c'est unique. Le port est une véritable fête. Les stands s'étirent le long des quais, des voiles colorées flottent dans la brise légère et des guirlandes de fleurs ornent les bancs et les tables nappées. Les commerçants, derrière leurs étals en bois, exhibent avec fierté leurs produits locaux : confitures de baies, tisanes parfumées, poteries artisanales et pots d'herbes aromatiques. Le son de la musique se mêle au brouhaha des voix, les guitares et les tambours ajoutent leur rythme joyeux à cette atmosphère festive. C'est le jour le plus attendu de l'année.


Le port est divisé en sections. D'un côté, des stands de nourriture locale offrent des spécialités alléchantes : des « crab cakes » encore chauds, des hot-dogs géants et des légumes grillés qui crépitent déjà sur le feu. De l'autre, des jeux traditionnels où les enfants s'essayent à la pêche aux canards ou au lancer d'anneaux. Les cris de joie, les éclats de rire, les échanges entre amis et familles se mélangent dans une folle excitation.


C'est dans cette ambiance, presque intime, que je repère un visage familier. Celui de Charlotte, mon amie d'enfance. Je ne l'ai pas vue depuis des années. Elle discute avec le gérant d'un stand de jeux. Il me faut un instant pour m'assurer que c'est bien elle. Je m'approche discrètement et lorsqu'elle se tourne vers moi, un sourire éclatant se dessine sur son visage.


- Mia ! s'écrie-t-elle en me reconnaissant. Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Ça fait une éternité qu'on ne t'a pas vue à Friday Harbor !


Charlotte a toujours été l'âme de nos aventures et de nos rires de vacances. Elle a une manière bien à elle d'être à la fois accueillante et intimidante. Une part de moi a toujours été un peu jalouse d'elle.


- Je suis chez ma grand-mère, je lui réponds avec un léger haussement d'épaules, comme si c'était évident. Et toi, chez tes grands-parents ?


Un voile de tristesse passe dans ses yeux et elle détourne le regard un instant.


- Oh, non... Mes grands-parents sont morts subitement il y a deux ans, me dit-elle d'un ton plus calme. Mais j'ai récupéré la maison et je viens toujours ici chaque été avec mon mari, Mickael. Il vient juste de se garer.


Mickael. Bien sûr, elle est mariée.


Elle fait signe à un homme. Mickael, un grand type au teint hâlé, vêtu d'un t-shirt à rayures et de lunettes de soleil, s'avance vers nous. Il semble calme et posé. Charlotte le présente avec fierté.


- Mickael, voici Mia, une vieille amie d'enfance. Mia, voici Mickael, mon mari.


Nous échangeons un sourire poli. Il est charmant et parfaitement assorti à Charlotte.


- C'est une tradition, ajoute-t-elle en me regardant, presque comme pour s'excuser d'avoir interrompu notre échange. On ne raterait ce festival pour rien au monde.


Elle se tourne alors vers un groupe d'enfants qui jouent au loin, criant joyeusement et courant dans tous les sens. Son regard revient sur moi.


- Mais toi, Mia, tu vis toujours à Seattle ?


Je hoche la tête. Charlotte, éclatante, rayonnante, accomplie. Moi, sans un plan, sans personne à mes côtés.


- Oui, je suis de retour pour quelques jours. Mamie m'a invitée à passer un peu de temps ici.


Charlotte sourit puis son regard se porte à nouveau sur les étals de produits artisanaux.


- C'est un peu comme retrouver ses racines, non ? C'est fou de te revoir après tout ce temps. Tu te souviens de nos bêtises quand on était petites ?


Je ris. Les souvenirs reviennent. Les courses effrénées à vélo, les feux de camp clandestins, les explorations dans les forêts... Charlotte avait cette capacité à rendre l'aventure excitante, même dans les moments les plus anodins. Elle avait un esprit de liberté, une énergie qui nous faisait nous sentir invincibles.


- Comment oublier, je réponds avec un sourire nostalgique. Tu te souviens de cette fois où on avait décidé de construire une cabane dans le vieux chêne derrière chez toi ? Et tout s'est effondré quand on a voulu y accrocher une échelle ?


Elle éclate de rire à cette évocation.


- C'était l'époque où on pensait qu'on pourrait tout faire, juste parce qu'on avait les idées les plus folles et les jambes pour courir, dit-elle en riant encore.


Physiquement, Charlotte a à peine changé. Excepté, peut-être, quelques ridules au coin de ses yeux noisettes.


- Tu as des nouvelles de Juliette, Max, Bryan et Matthew ? me demande-t-elle.


- Non, aucune. Et toi ?


- Pas vraiment. J'ai croisé Bryan l'été dernier, mais ses parents ont vendu leur maison, alors je doute qu'on le revoie de sitôt. Et Juliette vit à Paris maintenant. Paris, tu te rends compte ?


Je fais une moue surprise. Soudain, Charlotte me saisit par le bras, une lueur dans les yeux.


- Mia, viens dîner chez nous demain soir. Ce serait génial de rattraper le temps perdu. Mickael et moi serions ravis.


Son enthousiasme est contagieux et je me surprends à hocher la tête.


Elle marque une hésitation, son regard gêné.


- Et si tu veux, tu peux venir accompagnée. Enfin... sauf si tu n'as personne ?


Je pense aussitôt à Jack et à ma vie sentimentale désastreuse. Je me force à sourire tout en mordant légèrement l'intérieur de ma lèvre.


- T'inquiète, ma belle, ce n'était qu'une idée, reprend-t-elle en voyant mon silence.


Une petite voix en moi refuse de laisser Charlotte, si parfaite, voir à quel point ma vie est chaotique. Avant même de réfléchir, les mots sortent :


- Figure-toi que... je viendrai accompagnée !


- Super ! Alors à demain !


Charlotte s'éloigne, radieuse, tandis que je reste figée, ma propre déclaration résonne encore dans ma tête.


Qui pourrais-je bien amener ? Mamie ? Je soupire. Bravo, Mia.

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2 commentaires

Muriel Herbert

-

Il y a 4 mois

Pluie de <3 pour toi !

Pjustine

-

Il y a 4 mois

😂 Merci pour ton soutien ! 🔥
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