Fyctia
Escapade marine
Ce matin, en me réveillant, mon cœur tambourine déjà à un rythme inhabituel. Chaque battement semble souligner l'étrangeté de la situation. Edward Johnson m'a invité à l'accompagner en mer. Une simple sortie en bateau, rien de plus. Pourtant, l'idée me trouble profondément. Pourquoi cette tension dans mon ventre ? Cette fébrilité dans mes gestes ?
Tandis que je fouille nerveusement dans ma valise, mes mains tremblent légèrement. Je finis par choisir une tenue pratique mais élégante : un short en lin beige et un chemisier blanc, léger et adapté à la chaleur de la journée.
Devant le miroir, j'attache mes cheveux en une tresse lâche, espérant qu'ils ne s'emmêleront pas trop sous le vent marin. Mes gestes sont hésitants et je me surprends à chercher des détails insignifiants à ajuster. Une fois prête, je fixe mon reflet, l'éclat dans mon regard trahit mon excitation et mon appréhension.
En descendant dans la cuisine, une odeur réconfortante de thé et de gâteau aux pommes m'accueille. Mamie, déjà à l'œuvre, lève les yeux et m'offre un sourire qui semble tout comprendre.
- Tu es ravissante, ma chérie, dit-elle en me tendant une tasse de thé chaud.
Je prends place en silence et essaye de masquer mon trouble, mais mamie n'est pas dupe.
- Cette sortie te fera le plus grand bien, ajoute-t-elle en tapotant ma main. J'ai croisé Edward ce matin.
Je relève les yeux, intriguée.
- Je lui ai dit que je t'accompagnerais au port, poursuit-elle avec un sourire espiègle. C'est un homme bien, ce jeune écrivain. Malgré son air parfois mélancolique.
Elle se détourne, ouvre un placard, et en sort un paquet soigneusement enveloppé dans un torchon.
- J'ai préparé une tarte à la tomate et aux courgettes, annonce-t-elle en posant le paquet sur la table. J'espère que ça lui plaira.
Je souris, touchée par son attention.
- Merci, mamie.
- Allez, mange un peu, insiste-t-elle en désignant le gâteau encore tiède. Il faut des forces pour une journée comme celle-là.
Je prends une bouchée. Les saveurs familières apaisent légèrement mes nerfs.
Un peu plus tard, je rejoins comme convenu Edward au port. Le soleil, déjà haut dans le ciel, éclaire Friday Harbor d'une lumière douce et dorée. Il est là, appuyé nonchalamment contre une rambarde. Vêtu d'une chemise bleu clair et d'un short en toile, il porte des lunettes de soleil qui cachent partiellement son visage. Mais son sourire, lui, est parfaitement visible.
- Prête pour l'aventure ? me demande-t-il en retirant ses lunettes pour me regarder directement.
- Autant que possible, dis-je, tentant de paraître détendue malgré le rouge qui me monte aux joues.
Edward me guide jusqu'à son bateau. Dès que je le vois, je reste sans voix. Élégant et sobre, il arbore une coque blanche qui brille sous le soleil. Des détails en bois ajoutent une touche classique et sur le pont une petite table et des fauteuils confortables attendent sous un espace ombragé.
- Il s'appelle Sea Whisper, dit-il en posant une main sur la rambarde.
- Il est magnifique, dis-je sincèrement.
Edward m'aide à monter à bord, ses gestes sont à la fois délicats et assurés. Nous larguons les amarres et rapidement, les contours familiers du port s'éloignent. Le moteur ronronne doucement mais une fois sorti de la baie, il le coupe et déploie les voiles. Le bateau glisse alors sur l'eau dans un silence presque irréel, bercé par le vent et le clapotis des vagues.
Je m'accoude à la rambarde, les yeux rivés sur l'horizon. L'océan s'étend à perte de vue, un bleu profond parsemé d'écume blanche. Au loin, les îles de l'archipel se dressent, recouvertes de forêts verdoyantes. L'air est salé, vivifiant. Je respire profondément. Je me sens étrangement apaisée malgré la nervosité initiale.
- Alors, qu'en pensez-vous ? demande Edward en s'approchant.
- C'est... apaisant. Et incroyablement beau, murmuré-je.
Il hoche la tête, satisfait.
- C'est pour ça que je viens ici. Le calme, la simplicité. Ça m'aide à réfléchir.
- À vos romans ?
- Oui, mais pas seulement. Parfois, c'est juste pour me rappeler que la vie peut être plus simple qu'elle n'en a l'air.
Nous parlons un moment, de tout et de rien. Edward partage avec moi son amour pour la navigation et la manière dont ces paysages marins nourrissent son inspiration.
Lorsque le vent se lève légèrement, il propose de m'apprendre à tenir la barre. Je le regarde, hésitante, mais il insiste.
- Faites-moi confiance, dit-il avec un sourire encourageant. Venez, rejoignez-moi.
Il se place derrière moi, ses mains recouvrent les miennes pour me guider. Je sens la chaleur de son corps contre mon dos et mon souffle se bloque un instant.
- Laissez le vent faire le travail, murmure-t-il près de mon oreille. Juste un léger mouvement pour ajuster la direction.
Je me concentre tant bien que mal et essaye d'ignorer la proximité d'Edward, l'odeur subtile de son parfum. Quand je réussis enfin à maintenir le cap, il recule légèrement, mais je ressens encore sa présence.
- Pas mal, dit-il, visiblement amusé par ma nervosité.
Nous naviguons ainsi un long moment, portés par le vent et le silence.
Lorsque le soleil commence à décliner, Edward jette l'ancre près d'une crique isolée, bordée de falaises et de pins.
- Ça vous dit de manger quelque chose ? demande-t-il en ouvrant un coffre où sont rangés des provisions.
J'acquiesce d'un hochement de tête et il sort un panier garni de fruits, de pain artisanal, de fromage et d'une bouteille de vin blanc.
- Oh j'allais oublié, j'ai apporté ça, dis-je en sortant de mon sac la tarte de mamie.
- Vous n'auriez pas dû ! Merci, elle a l'air délicieuse, lance-t-il après avoir soulevé le torchon.
Nous nous installons sur le pont, face à la mer.
- Vous faites souvent ce genre de sorties ? demandé-je, curieuse.
- Pas aussi souvent que je le voudrais. Et rarement accompagné, ajoute-t-il en me lançant un regard indéchiffrable.
Je prends une inspiration avant d'oser demander :
- Pourquoi m'avoir invitée, Edward ?
Il hésite, son regard perdu un instant dans l'immensité de l'océan.
- Parce que vous êtes différente, Amélia. Avec vous, je peux être moi-même.
Ses mots, simples mais sincères, résonnent profondément en moi. Mon cœur s'emballe et un silence chargé s'installe entre nous.
Nous restons là, immobiles, jusqu'à ce que le soleil disparaisse derrière les collines et que le ciel se teinte des premières étoiles.
6 commentaires
Siala
-
Il y a 4 mois
Pjustine
-
Il y a 4 mois