Fyctia
Entre les étals
Le soleil brille doucement ce matin, une lumière d'été qui semble tout caresser sur son passage. Les rayons filtrent à travers les rideaux légers de la maison, je les vois jouer sur le sol de ma chambre. L'air est chaud, mais pas encore brûlant, une chaleur douce, presque intime.
Je m'étire longuement. J'apprécie la lenteur de ce réveil, puis enfile mes chaussons et me dirige vers le salon, encore un peu engourdie. Là, mamie m'accueille avec son énergie habituelle.
- Tu es là, ma poupette ! s'exclame-t-elle, visiblement ravie de me voir enfin debout. Cours vite te préparer, tu vas m'accompagner au marché !
Elle a toujours aimé flâner entre les étals. Découvrir les produits frais, prendre son temps pour choisir les légumes les plus mûrs et les fruits les plus sucrés. C'est une petite routine qu'elle affectionne profondément et même si je n'ai pas particulièrement envie de sortir ce matin, je me laisse convaincre par son enthousiasme.
Je remonte les escaliers en traînant un peu les pieds, mais une fois sous l'eau tiède de la douche, je sens l'énergie revenir. La tiédeur efface les dernières traces de sommeil et l'idée de passer la matinée dehors, entourée de couleurs et d'odeurs, devient soudain plus attrayante. Je laisse l'eau couler sur mes épaules et apprécie le moment.
Après la douche, je fouille dans ma valise pour choisir une tenue légère. Mon regard s'arrête sur une robe fleurie, parfaite pour la saison. Je l'enfile, ajuste rapidement les bretelles, puis passe un léger coup de brosse dans mes cheveux encore humides. Devant le miroir, j'applique un peu de maquillage, une touche de mascara et un baume à lèvres rosé. Rien de trop sophistiqué.
Quand je redescends, je trouve mamie dans le hall, prête à partir. Elle tient son panier en osier, déjà chargé de petits sacs réutilisables. Lorsqu'elle me voit arriver, elle s'arrête net et ses yeux pétillent de fierté.
- Tu es magnifique, Amélia, s'exclame-t-elle avec un large sourire.
Je rougis légèrement, étonnée. Je n'ai rien fait de particulier.
- Merci, mamie... dis-je en riant.
Elle m'attrape le bras avec une énergie débordante, impatiente de partir.
- Allez, viens, on y va !
Je hoche la tête, attrape mes sandales près de la porte et la suis dehors. L'air du matin est encore frais, mais je sens déjà sous mes pieds la chaleur du sol qui me rappelle que l'été s'est bien installé.
Le marché de Friday Harbor se trouve derrière le port, sur la place la plus animée de San Juan Island. À cette heure de la matinée, la place est déjà en effervescence. Les étals colorés s'alignent en rangées serrées et regorgent de produits locaux : des légumes aux couleurs vives, des poissons qui semblent tout juste pêchés et des bouquets de fleurs éclatants. L'air est empli des odeurs de pain chaud, de fromages affinés, d'herbes fraîches et de fruits mûrs. Un parfum de terre et de mer, de simplicité et de qualité.
Autour, les petites boutiques sont colorées et les cafés bondés.
Touristes et locaux se mélangent et s'arrêtent devant les étals pour choisir leurs produits. Le bruissement des voix, les éclats de rire, les conversations légères et animées créent une atmosphère chaleureuse et accueillante.
Mamie avance d'un pas alerte, déjà absorbée par l'ambiance du marché. Elle s'arrête devant le stand des herbes, attirée par le parfum enivrant des plantes fraîches. Le vendeur, un homme jovial à la barbe grise, l'accueille avec enthousiasme.
- Élizabeth ! Ma chère Élizabeth, quel plaisir de te voir fidèle au poste, comme toujours !
Mamie lui rend son sourire, ravie et engage immédiatement la conversation. Ils discutent des dernières récoltes, des astuces pour préserver les herbes aromatiques puis le vendeur lui montre fièrement un nouveau mélange qu'il vient de créer, alliant thym et romarin.
Pendant ce temps, je me laisse distraire par la vie qui s'agite autour de moi. Chaque étal semble raconter sa propre histoire. À ma gauche, une vieille dame choisit des tomates mûres, caresse doucement leur peau lisse et les examine avec l'attention d'un expert. Plus loin, un jeune couple goûte des morceaux de fromage local et rient devant les commentaires passionnés du fromager. Le monde extérieur, avec ses préoccupations et ses soucis, ne semble pas avoir sa place ici.
Je m'arrête un instant devant un étal de fruits. Les pommes rouges brillent d'un éclat appétissant. Je tends la main et en prends une puis l'observe un instant avant de la porter à mes lèvres. La morsure dans le fruit libère un jus sucré et frais. Un goût qui me rappelle les étés de mon enfance. Parfois, les plaisirs les plus simples sont les plus délicieux.
- Alors, on fait des provisions ?
Je sursaute légèrement en entendant cette voix derrière moi. Je me retourne et tombe nez à nez avec Edward Johnson. Il se tient là, les mains dans les poches, un sourire tranquille sur les lèvres. Il porte une chemise légère, un pantalon beige, une casquette bleue marine et des lunettes de soleil.
- Edward ? dis-je, surprise.
Mamie choisit cet instant pour revenir à mes côtés. Elle ne semble pas, le moins du monde, impressionnée par la présence du célèbre écrivain et lui adresse un sourire.
- Oh, voilà notre écrivain local ! s'exclame mamie, toujours aussi pleine de vie. Alors, comment ça va ?
- Bien, merci, répond Edward. Je profite du marché pour acheter quelques produits locaux.
Ils se mettent à discuter et je les regarde, légèrement en retrait, fascinée par l'aisance de leurs échanges.
- Vous ne m'aviez pas dit que vous étiez une habituée des marchés, Amélia, lance Edward en se tournant vers moi.
Son ton léger, presque taquin, me fait rougir sans que je sache pourquoi. Je sens mon cœur battre un peu plus vite. Est-ce son sourire ? Son regard ? Je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi sa présence me trouble autant.
- C'est... c'est plutôt ma grand-mère, en fait, dis-je en riant nerveusement. Moi, je suis là pour l'accompagner.
- Eh bien, vous devriez venir plus souvent, répond-il avec un sourire complice. J'aime venir ici pour m'inspirer. Parfois, c'est le marché, parfois, c'est la mer. D'ailleurs, je pensais faire une petite escapade nautique demain. Si cela vous dit...
Un mélange d'excitation et d'appréhension me traverse et le silence qui suit me semble durer une éternité. Je sens le regard perçant de mamie posé sur moi. Mon esprit s'agite, cherchant une réponse appropriée.
- Ce serait une belle occasion pour elle, dit mamie, brisant le silence avec un ton faussement innocent. Quelle heure vous arrange ?
- 9h00, si c'est bon pour vous ?
- C'est parfait, à demain, lance mamie me tirant par le bras avant que je ne puisse ajouter quoique ce soit.
Je lève les yeux vers Edward. Son sourire, presque imperceptible, laisse une empreinte étrange en moi, comme s'il avait lu quelque chose que j'ignorais encore.
Qui est vraiment cet homme ? Est-il celui qu'il paraît être, ou est-ce un personnage, comme tous ceux qu'il crée dans ses romans ?
3 commentaires
illusiona
-
Il y a 4 mois
Pjustine
-
Il y a 4 mois