Pjustine Coeurs en équilibre Au revoir promesses

Au revoir promesses

L'été avait enfin chassé la grisaille des derniers mois. Après une demi-année de ciel chargé et de rues sombres, Seattle se réveillait, vibrante et enthousiaste. La vie reprenait des couleurs, un éclat généreux posé sur chaque bâtiment, chaque visage.


Les Seattleites, en tenues claires et légères, affluaient sur les terrasses des cafés. On s'y pressait pour siroter des cocktails aux noms évocateurs : "Sex on the Beach", "Sea, Sexe and Sun". Chaque gorgée semblait porter un avant-goût de vacances. Dans l'air flottait une énergie nouvelle. Les habitants avaient décidé d'aimer la vie un peu plus fort, de sourire un peu plus grand et de profiter de tous les instants.


Moi aussi, je me laissais contaminer par cette euphorie estivale.


Les vacances étaient à portée de main et avec elles la promesse d'une parenthèse ensoleillée aux Bahamas. Nous avions tout prévu, Jack et moi : les hôtels nichés au bord de l'eau, les visites et même quelques clichés de plage qui feraient pâlir de jalousie tout Instagram. Ce voyage serait notre première grande aventure en amoureux, une manière d'officialiser cette relation qui nous unissait et me faisait tourner la tête depuis plus d'un an.


Pourtant, il n'aura fallu qu'un instant pour que tout s'écroule.


À une semaine de notre grand départ, alors que je commençais à boucler les derniers préparatifs, Jack m'a annoncé, d'un ton presque détaché, qu'il était...marié. J'ai d'abord cru à une mauvaise plaisanterie. Mais son visage, si sérieux, si neutre, me révélait une vérité impitoyable. Un an de relation, des projets à deux, des envies d'évasion et de bonheur partagés... Tout cela balayé en un instant. Je l'ai regardé, bouche bée, une part de moi refusant de comprendre, l'autre dévastée par cette révélation.


- Tu comprends, je ne pouvais pas te le dire plus tôt, a-t-il tenté, les yeux fuyants et son air presque innocent, me dégoûtant encore davantage.


Ah, si seulement il s'était tu. D'un mouvement brusque, je me suis dirigée vers la fenêtre, rassemblant dans mes bras ce qui me tombait sous la main : ses affaires, ses objets et mes espoirs que je n'ai pas hésité à balancer par-dessus le rebord.


- Mia, pourquoi tu fais ça ? a-t-il osé demander. J'étais là seulement le mercredi et parfois le samedi, tu devais bien te douter de quelque chose, non ? ajouta-t-il en haussant les épaules.


Une vague de honte et de fureur me submergea. Était-ce pire d'avoir été prise pour une idiote ou d'en être une ? Au fond, un peu des deux et Jack n'avait pas tout à fait tort. Peut-être avais-je ignoré certains signes, choisi de ne rien voir pour préserver notre bulle d'illusion. Cette pensée ne faisait qu'attiser ma rage.


- Dis quelque chose, enfin ! a-t-il insisté, presque vexé par mon silence.


Le voir là, confus, me laissait sans voix. Je l'ai regardé, cet homme que j'avais cru connaître, cet homme que j'aimais. Qui était-il vraiment ? Combien de fois s'était-il moqué de moi, sourire aux lèvres, pendant que j'imaginais notre avenir ? Tant de moments partagés et pourtant... cet air qu'il portait aujourd'hui semblait en réalité être son vrai visage. La haine me consumait à présent.


- Casse-toi ! ai-je craché, ma voix tranchante et définitive, le bras tendu vers la porte.


Mais l'idiot situé face à moi s'accrochait encore à son idée, aussi surréaliste que cela puisse paraître.


- On pourrait toujours partir aux Bahamas la semaine suivante, non ? Je suis désolé, c'est que... le mariage de ma belle-sœur est prévu le 7 et je n'arrivais plus à te cacher la vérité. Je ne veux pas qu'on se quitte, Amélia. Je t'aime ! s'est-il exclamé, son ton presque suppliant.


Ses mots m'avaient arraché un rire nerveux. Comment osait-il ? Il ne se rendait même pas compte de la cruauté de sa proposition. Mes rêves, mes espoirs, ma dignité... tout ça lui importait si peu ? Il se payait ma tête, l'enflure !


- Casse-toi ! ai-je répété, le ton sec et impitoyable.


Après plusieurs tentatives de justification et face à mon regard glacial, Jack a fini par ramasser les miettes de sa dignité et a quitté l'appartement. J'ai regardé sa silhouette s'éloigner, la tête basse, ses lunettes de soleil glissant sur son nez bien trop gros pour l'air innocent qu'il tentait d'afficher. Comment avais-je pu me laisser berner à ce point ? Toute cette mascarade était enfin terminée.


L'appartement retomba dans un silence lourd et pesant. Mes larmes coulèrent, libres et inconsolables, emportant avec elles mes rêves de plages paradisiaques, de couchers de soleil et de mojitos coco. Finies les vacances romantiques, un désert sans aucune perspective venait de se dessiner face à moi. Je n'avais plus que ma petite fenêtre qui donnait sur une rangée de bâtiments, ce coin de ciel étriqué et ce fragment de lumière.


Vidée de toute énergie, je me suis assise, perdue et lamentable. J'ai regardé d'un œil morne les murs de mon petit salon. Ils me semblaient plus étroits, plus oppressants, le poids de la solitude s'était soudain multiplié. 5 semaines de vacances m'attendaient désormais, mais sans l'ombre de l'évasion que j'avais si longtemps rêvée et attendue. Quelle idée d'être encore étudiante, me suis-je dit. Contrairement aux années précédentes, j'avais refusé toute proposition de travail pour l'été, trop enthousiaste à l'idée de m'envoler loin de l'agitation de la ville. Aujourd'hui, avec ce goût amer de la trahison, le poids de ces trop longs congés sans Jack et les Bahamas semblait presque insupportable, insurmontable. Cet été pesait désormais comme une peine, un fardeau.


Peut-être que je regrettais davantage le voyage que Jack. Oui, c'était probablement les Bahamas, son soleil brûlant, sa mer turquoise et ses plages idylliques où j'aurais pu me pavaner en bikini qui me manqueraient le plus. La pensée de tout ce temps passé à m'entraîner pour ce séjour, des heures de sport, des séances d'UV pour me donner ce teint doré parfait, me ramenait encore plus brutalement à la réalité. C'était tout ça que je pleurais désormais.


Il ne me restait plus que Seattle et ses parcs, son soleil incertain et l'idée dérisoire d'aller bronzer à Green Lake. Pourtant, il allait bien falloir que mes efforts soient récompensés.


Maudissant cet été, cet espoir envolé, je suis restée là, les yeux fixés sur ce petit carré de ciel, comme s'il contenait encore une lueur de ce rêve que j'avais perdu.


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40

40 commentaires

Mano Mace

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Il y a 4 mois

J'aime beaucoup le début, des descriptions qui nous plongent directement dans l'ambiance et puis paf ! Le style est rond et élégant, très fluide. C'est aussi très agréable de lire quelque chose d'harmonieux et équilibré entre narration et dialogue sans pour autant s'ennuyer. Hop ! Dans ma pile de lecture :) Je suis séduite !

Pjustine

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Il y a 4 mois

Merci beaucoup pour ton commentaire, j'espère que la suite continuera à te plaire 🤗

May Darmochod

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Il y a 4 mois

Bon concours ! ^^

Urban Claire

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Il y a 4 mois

Hello petit like de soutien, n'hésites pas à venir faire un tour sur mon histoire l'académie des révélations si tu souhaites d'autres likes, bonne chance pour le concours :)

M.B.Auzil

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Il y a 4 mois

Une première scène très dure pour Mia. Commencer ses vacances par cette trahison c'est terrible ! J'espère qu'il va lui arriver de bonnes choses par la suite 😊

Pjustine

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Il y a 4 mois

Merci pour ton commentaire ! À très vite, pour continuer à découvrir les aventures de Mia 🔥

Keni

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Il y a 4 mois

Un beau contraste entre l'euphorie estivale et la désillusion amoureuse, porté par ta plume !

Pjustine

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Il y a 4 mois

Merciii pour ton retour 😍

Iris Tepes

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Il y a 4 mois

J'aime bien les descriptions, on se sent emporté :)

Pjustine

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Il y a 4 mois

Merci beaucoup 🤗
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