Fyctia
Chapitre 14
Quand son bras fut percuté violemment, Victoire échappa un cri.
Le pistolet s’envola à l’autre bout de la pièce, provoquant un bruit assourdissant dans sa chute.
Les deux ennemis se regardèrent un instant, en chien de faïence, la fureur aux lèvres. Puis leurs têtes se tournèrent de concert vers le pistolet, gisant à terre, devant la cheminée.
Victoire se sentit tout à coup vulnérable. Et complètement perdue. Elle n’avait pas été capable de le tuer. Devait-elle retenter le coup ? Devait-elle lui sauter à la gorge et subtiliser sa lame, son arme de prédilection ? Devait-elle fuir pour sauver sa peau ? Pourrait-elle continuer sa vie en étant consciente d’avoir épargné celle de ce monstre ? Elle n’en savait rien. Mais elle était certaine d’une chose : elle était maintenant sans défense et craignait de voir arriver les renforts du pirate. La dernière chose qu’elle voulait était de se retrouver prisonnière au milieu des rats de la cale de son vaisseau.
Victoire regarda la jambe blessée de son adversaire et pensa qu’elle avait encore une chance. Elle devait tirer avantage de la situation.
Elle lui sauta dessus. Dans une fureur non contenue. De toute son âme et de toutes ses forces.
Ils tombèrent tous les deux violemment à terre, le bruit de leurs plaintes s’entremêlant.
La chute de Victoire fut amortie par le corps de l’homme en noir, désormais coincé sous le sien. Sa position de force ne dura pas longtemps. Même avec une balle dans la jambe, le pirate possédait une puissance incroyable. Elle se sentit décoller et atterrir quelques mètres plus loin, sur la rudesse du plancher.
Un cri s’échappa de sa gorge alors que sa tête heurta violemment le coin de l’un des meubles. Alors qu’elle tentait de se relever, elle vit des gouttes de sang couler une à une de sa tête vers le sol. Une nausée l’assaillit.
Du coin de l’œil, elle vit le costume noir se relever tout en tenant sa jambe.
S’il s’emparait de l’arme, c’en était fini.
Le pistolet devint alors son seul objectif. Il était à seulement quelques mètres d’elle.
Si seulement elle réussissait à se relever…
Et cette fois, elle ne lui laisserait aucune chance : ce serait une balle en pleine tête. Sans aucun tremblement de sa main, sans hésitation.
Victoire luttait de toutes ses forces pour essayer de se mettre sur ses jambes, avec, en seul visuel, ce foutu pistolet qu’elle avait eu la bêtise de ne pas utiliser à bon escient. Elle devait absolument le récupérer. Mais il lui semblait tellement loin. Sans compter que sa vue se troublait un peu plus chaque seconde.
Elle ne pouvait portant pas abandonner. Tous ses efforts, ses heures d’entrainement, ses motivations, cette promesse qu’elle s’était faite. Non, impossible. Cela ne devait pas se terminer ainsi. Il lui fallait cependant oublier ses jambes, elles ne la portaient plus dans l’immédiat. Malgré le battement sourd qui cognait dans ses tempes et l’élancement intenable de son épaule, dans un ultime effort, Victoire décida de se trainer sur le sol.
Au premier mouvement, la douleur l’obligea à capituler. Tellement vive, qu’elle fut contrainte de lutter contre une autre nausée.
Elle se sentait perdre pied. Commençait même à se demander si elle ne devait pas crier et laisser le soin de la mort de cet assassin à des personnes plus qualifiées.
Elle était prête à se résigner jusqu’à ce que son regard se pose sur le tisonnier dans la cheminée, pratiquement à portée de main. Elle étouffa un autre cri de douleur et s’en empara puis se rallongea, la barre de fer cachée le long de son corps.
À son grand étonnement, le costume noir ne se dirigeait pas vers elle et ne cherchait pas à s’emparer du pistolet.
Il boitait péniblement vers les fenêtres, les mains autour de sa cuisse.
Elle l’entendit ouvrir l’une d’entre elles puis siffler une mélodie. La plus belle des mélodies qu’elle n’ait jamais entendues. Si douce qu’elle se crût en plein rêve. Un rêve atroce. Allait-elle se réveiller ?
Des voix d’hommes venant de l’extérieur lui firent prendre conscience qu’elle se trouvait bien dans la réalité : le pirate appelait ses hommes.
Miséricorde !
Jamais elle n’accepterait un tel sort.
Elle le vit se rapprocher dangereusement d’elle. Il semblait vraiment être diminué. Mais l’était-il assez pour se laisser surprendre ? Il n’y avait qu’un moyen de le savoir.
« Sers-toi des faiblesses de ton adversaire. »
Les yeux embués, l’épaule meurtrie, le sang coulant sur sa joue, Victoire pris de grandes inspirations et puisa dans ses dernières forces.
Puis elle chargea l’ombre noire, abattant son arme sur la faiblesse de son adversaire : sa cuisse blessée.
Son adversaire étouffa un cri qui indiqua à Victoire que son coup était gagnant. Avec une seule jambe valide et à cause de la balle enfouie dans l’autre, son assaillant fut totalement déstabilisé. Victoire avançait en même temps qu’il reculait jusqu’à ce que son corps soit arrêté par le bureau sur lequel il bascula en arrière, s’écrasant de tout son poids.
Elle ne devait lui laisser aucun répit.
Victoire le chargea à nouveau, son tisonnier levé au-dessus de sa tête.
L’arme était à quelques centimètres de s’abattre sur le front de l’homme quand son poignet fut enserré et stoppé dans son élan. Il s’en suivit une lutte acharnée pour garder l’avantage. Mais Victoire ne possédait pas le dixième de la force de cette armoire à glace.
Elle bondit et écrasa son corps sur le sien. Victoire se retrouvait à nouveau au-dessus de lui, dans la même position de supériorité qu’un peu plus avant. À un détail près : cette fois-ci, elle était armée. Avant de se faire prendre de vitesse et de se faire éjecter, ses deux mains empoignèrent la barre de fer et l’écrasèrent sur le cou du pirate. Elle poussa de toutes ses forces mais cela ne suffisait pas. Il était la toute-puissance incarnée. Un ours et un bœuf réunis. Sans compter qu’elle ne pouvait solliciter pleinement qu’un seul de ses bras et que la douleur dans l’autre était presque insoutenable. Elle aurait dû continuer à jouer la carte du serpent car elle n’était pas en mesure d’être un ours. Et un bœuf.
En quelques secondes seulement, il prit possession du tisonnier et s’en servit pour la retourner violemment et la plaquer à son tour contre le bureau.
Le choc de son dos sur le bois… La pression de la barre qu’il exerça à l’exact endroit de sa blessure à l’épaule… Victoire laissa échapper une plainte qui raisonna certainement jusqu’à l’autre bout de la maison.
— Elle est là ! Suivez-moi !
Au loin, la voix d’Alexandre se fit entendre. Ainsi que des pas de course, lourds sur le plancher.
Le tisonnier se desserra brusquement.
L’ombre s’éloigna.
— Nous nous retrouverons, gronda-t-il juste avant de s’évaporer par la fenêtre.
— Soyez-en certain, souffla-t-elle.
Le blanc devant ses yeux se transforma en noir.
32 commentaires
Perle de corail
-
Il y a 2 ans
Camille Andersen
-
Il y a 3 ans
Erine Kova
-
Il y a 3 ans
La Plume d'Ellen
-
Il y a 3 ans
Erine Kova
-
Il y a 3 ans
Aryn.Leaf
-
Il y a 3 ans
Erine Kova
-
Il y a 3 ans
cedemro
-
Il y a 3 ans
Babsoje
-
Il y a 3 ans
Erine Kova
-
Il y a 3 ans