Fyctia
Chapitre 14 1/2 - Eric
6 décembre 2024
Bien décidé aujourd’hui à faire la grasse matinée, je pose le revers de ma main sur mes yeux. Je grommelle, tente d’éviter de me concentrer sur la musique que Hector — parce que je n’ai pas de doute que c’est lui le responsable — a allumée. Il s’est cru en boîte de nuit à une heure si matinale, ou quoi ? A-t-il été contaminé par la Estelle aiguë ? Depuis qu’il a activé sa playlist, j’ai bien reconnu une des chansons entendues quelques jours plus tôt. OK, je trouve sympa le groupe Epic The Musical maintenant qu’on m’oblige à les découvrir, mais là, tout ce que je veux, c’est me détendre. Et pourtant…
Je ravale ma salive et enfonce mon cousin sur la tête.
Les yeux fermés, je vois défiler en boucle les images de la veille dans ma tête. Je retrouve le trouble gravé sur le visage de Mélissa. Sa respiration qui s’accélère. Son faible sursaut quand j’ai posé le plaid sur ses épaules. Et… son odeur dans le tissu.
M’obligeant finalement à quitter mon lit pour chercher les idées en écrivant un peu, sans même prendre la peine d’aller petit-déjeuner, je récupère sur mon bureau mon ordinateur. C’est décidé, aujourd’hui, je reste enfermé. Je ne sortirai que pour quelques besoins, mais surtout, pour la soirée fondue. Je ne sais par contre comment j’arriverai à regarder dans les yeux Mélissa sans devoir lui dire ce que j’ai sur le cœur. Jamais une femme ne m’avait tant marqué avant elle, pas même la seule femme à qui j’avais avoué mes sentiments, quelques années plus tôt. Ce n’est pas mon amour pour sa plume qui me fait perdre les moyens, je le reconnais.
Tandis que mes yeux s’attardent de tout côté, je prends soudain conscience d’un problème. Je n’ai tout de même pas oublié mon casque en bas, si ?
Après avoir poussé un long soupir, je me force à quitter ma chambre, torse nu, pour gagner l’enfer. Comme par hasard, la musique baisse de quelques octaves à cet instant.
— Eh bah, tu en tires une tête, s’étonne Hector à ma vue. On croirait que tu as passé la soirée à boire.
Je lève les yeux au ciel et me retiens de lui dire que mon état déplorable est en partie de sa faute. Mieux vaut éviter d’enfoncer le clou alors que la journée commence à peine.
— J’ai mal dormi, avoué-je.
Décidant d’en profiter tant que je suis au rez-de-chaussée, je me dirige vers le coin cuisine et extirpe du frigo une brique de lait. Je vais probablement finir avec un mal de gorge, mais j’ai la flemme de faire chauffer le liquide, et le verse juste dans un verre. Au grand jamais je ne boirai directement à l’ouverture, j’ai quand même encore un peu de bon sens.
— Tu m’étonnes, tu lui as fait tourner la tête à la Mélissa.
Pris de court, je renverse par accident sur le comptoir mon lait. Ma mâchoire se crispe, tout comme mon poing sur la brique.
— Tu penses que j’aurai une chance avec elle ? soupiré-je.
J’avale d’une traite mon verre.
— Qui sait ? Je suis mal placé pour répondre pour toi.
Pas faux, cette situation ne concerne que la jeune femme et moi. Je ne peux entraîner qui que ce soit d’autre dedans.
J’essuie le bois avec plus de force qu’il n’en faut, une nouvelle vague d’énergie coulant dans les veines. L’affaire « bazar » réglée, je ramasse sur la table de salle à manger mon casque et grimpe deux à deux les escaliers.
— Que personne ne me dérange, avertis-je.
Une fois la porte claquée dans mon dos, je me laisse tomber sur mon lit et, au lieu d’attraper mon ordinateur, je récupère sur la table de chevet mon téléphone. Pourquoi ne pas scroller un peu sur les réseaux ?
À peine j’ouvre Instagram, une nuée de notifications attire mon regard dans l’angle de mon écran. Messages, likes, commentaires et repartages en story en plus de quelques mentions dans des posts. J’y prête tout juste attention pour me concentrer sur le contenu qui défile sur mon feed. Estrea, connue depuis quelques années pour ses chroniques livresques, présente une review autour d’une romantasy polaire qui, justement, traîne dans une de mes pochettes à livre. Entre écriture et sorties, j’ai à peine eu le temps de consulter les romans que j’avais pris avec le vague espoir de pouvoir réduire ma pile.
Mes yeux passent de mon bureau chargé en livres avant de retourner sur mon téléphone. Et si j’expédiais un SMS à Mélissa ? J’ai bien envie de clarifier la situation sur hier soir et de lui demander comment elle se sent. Lui parler de vive voix serait sans doute l’idéal, mais cette première approche, pour tâter le terrain, ne ferait pas de mal à une mouche.
Une nouvelle conversation s’ouvre, parfaitement vierge avant que je n’envoie un premier message.
Je me mords l’intérieur de la joue puis me décide à taper un troisième message. L’angoisse me ronge à petit feu à l’idée que le précédent ne soit un peu trop sec et mette une nouvelle couche de froid entre la jeune femme et moi. Ce qui n’est absolument pas ce que je cherche à faire. Je ne suis pas ce genre de mec qui aime les tensions, j’en ai même horreur.
Pourvu que mes mots soient justes. Je n’ai pas l’habitude de m’exprimer aussi franchement, pas depuis ma rupture avec Lydia, trois ans plus tôt.
Je mets en veille mon téléphone sans pour autant le garder loin de moi. Mon corps s’allonge de travers sur mon lit tandis que j’allume enfin mon ordinateur pour travailler. Au programme, je dois écrire le chapitre qui suit la nouvelle rencontre entre les deux protagonistes. La scène du bal s’approche de plus en plus et le village est en pleine effervescence avec les préparatifs. Quant à la Cour, elle est fidèle à elle-même. Des femmes, mais aussi des hommes gravitent autour du love interest, en quête d’une attention. Cette partie donne progressivement l’impression de glisser vers les jeux mobiles de séduction. La fiction et le réel ne cessent de s’entremêler.
Mes yeux parcourent l’écran alors que j’étudie l’un des derniers passages rédigés par mon binôme afin de me remettre comme il faut dans le bain.
4 commentaires
Gottesmann Pascal
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Il y a 8 jours
Anna C
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Il y a 8 jours
NICOLAS
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Il y a 8 jours