Fyctia
Chapitre 12 1/3 - Eric
5 décembre 2024
— Les gars, je suis rentré ! hurle Hector en claquant la porte derrière lui.
Je quitte avec difficulté le canapé. Depuis hier, je ne cesse de ressasser le comportement de Mélissa envers moi, mais aussi les autres, plus les remarques d’Estelle. Cette dernière à raison, sauf que je doute fort que ce soit une bonne idée que je m’ouvre à ma collègue. Qui sait comment elle réagirait si je lui proposais de sortir avec moi ? Mais d’un autre côté… Qui ne tente rien n’a rien, non ? Impossible n’est pas français…
Mes pas me mènent jusqu’à l’ouverture du coin cuisine et j’aide mes deux colocs à ranger les emplettes, d’un rythme bien plus lent qu’eux.
— Au fait, faut que je vous le dise, mais j’ai rencontré une de nos voisines tout à l’heure avant de partir, commence Hector.
Le jeune homme se penche sur le sac de course et enferme les paquets de fondue qu’il a achetés pour l’activité du jour dans un des placards.
— Oui, et ? demandé-je avec un curieux mauvais pressentiment.
J’agrippe une baguette tout en cherchant à croiser le regard fuyant de mon collègue. Qu’est-ce qu’il a pu faire ? Pourquoi est-il d’un coup si silencieux ? Il n’est tout de même pas rentré dans la voisine avec le van qui nous a été mis à disposition, si ?
— Changement de programme, nous allons garder son chihuahua pour la journée, soupire-t-il au bout d’un moment.
— Tu te moques de nous ? gronde entre ses dents Pablo. Est-ce qu’il y a écrit dog sitter sur nos fronts ? Non.
— Mais…
Avant de risquer de briser le pain en deux entre mes mains, ce qui serait un crime, je le range à toute vitesse dans son bac.
— Je suis désolé les gars, mais je n’ai pas pu refuser, comment dire non à une grand-mère ? Vous savez que c’est mal poli en plus en Italie de rejeter la demande d’une personne âgée ?
Je lève les yeux au ciel et me frappe le front de la main. Limite j’ai la vision d’un GIF par ce simple geste des plus théâtral.
— Oui, mais on n’est pas en Italie, gémit Pablo. On est en France, le pays du fromage, du vin, de la baguette et des…
— Des filles ? lui coupe par parole Hector en donnant une claque dans son dos, le faisant sursauter.
— Et du cinéma…, termine le pauvre jeune homme en grognant.
La sonnette résonne dans la maison et synchronisée aux autres, je tourne la tête en direction du couloir.
— Tu te démerdes tout seul, lancé-je à Hector. Nous ne sommes pas responsables de ta décision.
Il m’observe, son regard passant de Pablo à moi à plusieurs reprises, comme s’il cherchait de l’aide.
— Allez, il n’est peut-être pas si terrible qu’on le dit. Ça doit exister les petits chihuahuas mignons et sages, dit-il plus pour se rassurer lui que nous.
Il bombe le torse pour se donner contenance et gagne le couloir tandis que Pablo et moi nous remettons à ordonner les courses.
— Regardez-moi, je vais vous montrer comment draguer les filles avec un chien.
Je suis en train de rêver ou quoi ? Quel âge à mon collègue pour se comporter comme un gosse ?
— Il a dû se prendre un coup dans la tête, murmure Pablo.
J’agite la tête, ne pouvant qu’approuver sa réflexion. On verra bien plus tard qui avait raison.
— Les gars, dites bonjour à Ptikouik ! lance Hector de retour parmi nous, une fois la cuisine rangée.
Mon regard se pose sur une petite boule de poils blanche qui, loin de me rassurer, montre les dents, tandis que mon coloc esquisse un large sourire.
— Il est mignon, vous ne trouvez pas ?
— Alors, il va falloir que tu revoies ta définition de mignon parce qu’il est tout sauf mignon, répond pour nous deux Pablo.
Le chihuahua se met à grogner et Hector le sert davantage contre lui, les yeux grands ouverts. On dirait bien que le démon s’est déjà attaché à lui.
— Excuse-toi !
Il ne va pas nous faire tout un sketch, si ? Je commence sérieusement à croire qu’il s’est cogné quelque part. Ou bien qu’il a renversé et tué quelqu’un et cherche à se faire pardonner en gardant le fils de Satan.
— Pourquoi le devrais-je ? Je n’ai rien fait de mal, juste confirmé ce que l’on pense tous très bas.
Ptikouik se met à aboyer. Comment un si petit être peut faire un tel chahut ? Faut être bien sourd pour supporter un bruit pareil.
— Non, poursuit Pablo, les bras croisés contre le torse avant de contourner notre collègue pour rejoindre le salon.
— Bah moi je te dis que si, tu le dois, enfonce Hector en le suivant.
Méfiant, je ferme la marche et décide de m’installer à la table à manger où repose mon ordinateur. Je suis tentée de plier mes jambes sous mes fesses, mais je m’abstiens par égard envers le propriétaire. Il existe bien d’autres façons pour essayer de fuir ce chihuahua de misère.
— Vous n’allez pas vous disputer comme des enfants toute la journée, si ? demandé-je.
Je mordille ma lèvre inférieure et, malgré l’inquiétude qui gronde en moi, je garde mon attention rivée sur mes colocs. Je suis convaincu que la situation amuse le petit chien qui ne cesse d’aboyer pour le plus grand malheur de mes oreilles.
— Si vous voulez tant que ça vous battre, faites-le dehors, grogné-je.
Les deux jeunes hommes s’échangent un regard puis Hector s’installe sur le second divan, Ptikouik toujours dans les bras. Il le berce comme s’il s’agissait là d’un enfant à dorloter avant son sommeil. Manquerait plus qu’une couche et un biberon, ou une sucette, et la scène serait parfaite.
— Tu veux te promener, Ptikouik ? lance Hector en soulevant un peu plus haut la bestiole.
Le concerné tire la langue en guise de réponse. Est-ce qu’il peut comprendre la question ou bien est-il dénué d’un cerveau à cause de son petit crâne ? Est-ce que même un chihuahua comprend quoi que ce soit ? Pourquoi le monde s’est-il décidé à poser sur mon chemin la pire espèce de chien, mon cauchemar depuis l’enfance ? Comment suis-je censé oublier ce jour où l’un d’eux m’a couru après, toutes dents dehors ?
— OK mon petit pote, je te lâche.
Je me racle la gorge et ravale ma salive de travers. Une quinte de toux me prend tandis que Ptikouik gagne sa liberté et se met à sauter un peu partout du salon à la salle à manger. J’ai l’impression d’assister à une chèvre en pleine paralysie. Est-ce vraiment des croquettes que dévore cette créature ou des produits illicites ?
— Je me demande bien comment est venu à la grand-mère le nom…, marmonné-je plus pour moi-même que pour les autres.
Dans mon esprit, j’entends une voix. Pas merci Internet. Je ne vois plus du même œil les burgers, surtout chez Quick. Ça date en plus la dernière fois que j’y ai mangé…
— Au fait, on ne devrait pas plutôt décaler la fondue à demain ? proposé-je.
3 commentaires
Gottesmann Pascal
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Il y a 13 jours
juliana.featherstone
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Il y a 13 jours
Laetitia B
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Il y a 14 jours