Fyctia
Chapitre 8 2/2 - Eric
Décision prise, je me rassois sur mon siège, n’ayant nullement l’intention de déranger l’autre groupe, car au fond de moi, je suis convaincu que ça va être le chaos si on se réunit. Et je suis bien parti aujourd’hui pour écrire longtemps. Et puis, mon chapitre ne va pas se terminer tout seul, et j’ai encore les doigts qui me démangent.
— Allez-y sans moi, les encouragé-je. Passez le bonjour de ma part.
Sur ces mots, je porte d’un geste mécanique ma tasse à mes lèvres et grimace face à la froideur du liquide. Bon sang, je saute du coq à l’âne. Comment ai-je fait pour oublier en uniquement quelques secondes ? Je ne tourne en somme pas rond. Heureusement que je ne compte pas accompagner Hector et Pablo chez nos consœurs. Je ne sais ce que je risque de dire ou faire.
— Bien, à tout à l’heure dans ce cas, conclut Hector en se dirigeant vers l’entrée, suivi de Pablo.
— Fais attention à ne pas foutre le feu au chalet ! s’amuse ce dernier.
Je lève les yeux au ciel. Comment pourrais-je faire une chose pareille ? Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Je ne sais pas, et je ne cherche pas à le savoir. Mon manuscrit m’attend et c’est tout ce qui compte.
J’anticipe que la porte claque derrière les jeunes hommes puis me remets au travail, les doigts courant déjà sur le clavier.
– Avez-vous appris la nouvelle, monsieur ? sollicité-je le boulanger tout en lui confiant la monnaie du jeu.
L’individu m’observe attentivement avant de hocher la tête, un large sourire rayonnant planqué sur son visage. Pendant un infime instant, je me demande si je ne fais pas face à un véritable comédien. Je ne sais combien participent et influencent le jeu, mais j’ai parfois du mal à distinguer le vrai du faux. C’est à devenir folle, sauf que je dois tenir bon. Je dois gagner cette partie coûte que coûte tout en demeurant fidèle à mes valeurs.
Une bulle s’allume en haut à droite de l’écran, révèle la présence de ma binôme sur le document. Du mieux que je peux, j’essaye de ne pas y porter attention et de rester concentré sur mon objectif. Peu importe si des suggestions de corrections apparaissent, j’aurai tout le temps pour voir ça plus tard. Malgré tout… Je ne peux me retenir de remonter les pages jusqu’à tomber nez à nez avec une note :
Du bout des doigts, j’effleure ma fine barbe avant de répondre :
Une bulle s’allume cette fois-ci du côté de Discord et j’ouvre l’application, beaucoup trop curieux.
Étant donné l’avance qu’on a sur notre plan qui est loin d’être parfait, je pense qu’il n’y a aucun problème à ce que je donne le feu vert. En plus, qui peut arrêter un auteur en pleine créativité ?
Durant une demi-seconde, j’hésite à effacer mes mots pour les réécrire, mais abandonne finalement l’idée.
Alors que je m’apprête à taper un nouveau message, je découvre mon partenaire en train de rédiger et décide d’attendre.
Je ravale ma salive de travers, et mes mains tremblent légèrement. J’aspire à briser le mur qui nous sépare, mais je doute que cela soit une bonne idée, surtout aussi tôt. Qu’en penseraient nos supérieurs ? Je… Bon sang, pourquoi ai-je accepté de participer à ce plan machiavélique ? Quand on songe que c’est souvent nous les auteurices qui sommes considérées comme des êtres cruels… La réalité est tout autre.
Qu’est-ce qui m’a pris d’écrire ça ? Je suis fou. Sauf qu’il est trop tard pour effacer.
J’enfouis ma tête dans mes mains et me retiens de la taper contre la table. Comment faire maintenant pour me rattraper et éviter de m’enfoncer ? J’ai l’horrible sensation de sortir de mes gonds, de ne plus être capable de me contrôler. Mon cœur parle pour moi, je suis obligé de reconnaître que j’aime la plume de mon binôme. Chaque fois que je lis ses chapitres, je me sens reboosté et prêt à écrire la suite.
OK, un point dans le camp adverse. Quelle femme pourrait bien se cacher derrière ce profil ? Mélissa ? Marie ? Cynthia ? Estelle ? Ou Angélique ? Au fond de moi, je pense déjà rayer le nom de la quatrième. Elle me semble bien trop impulsive pour me répondre ainsi, mais de l’autre, il est vrai qu’elle est assez drôle, à sa façon. Je ne peux oublier comment elle a mis l’ambiance avec sa playlist. Il faudrait peut-être que je jette un coup d’œil aux compositions d’Epic The Musical.
Mes yeux se détournent de mon écran et je m’approche de la porte-fenêtre pour observer l’horizon. La neige commence à tomber de plus en plus fort. Si ça continue comme ça, demain, le sol sera tapissé de blanc. Ma main appuie la poignée, et je m’engouffre dehors sans prendre la peine de remettre mes gants et mon manteau.
Suis-je… en plein rêve ? Un peu plus loin, du côté du chalet des femmes, je découvre une silhouette en train de courir, les bras levés vers le ciel. Elle tourne sur elle-même, et je me demande si elle n’essaye pas de goûter la neige, sauf que je suis trop éloigné pour le savoir. Je suis tenté de m’approcher, mais de l’autre, je n’ai pas envie de déranger la valseuse. Sans doute est-ce là du voyeurisme, mais je ne peux m’empêcher de l’admirer tandis que mon épaule se plante contre le mur de la maison. Mes pommettes chauffent alors que le froid ronge mon corps trop peu couvert pour ce temps.
La jeune femme s’arrête, et je glisse mes mains de mon front à mes joues avant de les tapoter. Assez, je dois retourner travailler. Ce que je suis en train de faire, c’est mal.
Décision prise, avec une pointe de regret dont je ne peux m’expliquer, je regagne l’intérieur et claque la porte derrière moi. Du nerf, Eric.
7 commentaires
Nora Rosen
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Il y a 4 jours
Laetitia B
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Il y a 15 jours
Anna C
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Il y a 15 jours
Gottesmann Pascal
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Il y a 16 jours
Seraphina Lewinski
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Il y a 16 jours
Anna C
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Il y a 15 jours