Fyctia

Pourquoi n’avais-je pas pensé à cette éventualité ? Je comprends mieux maintenant la réaction de ma collègue, tout s’éclaire.

— Tu as peur qu’on le croise ?

Elle agite la tête et je referme mon ordinateur pour le poser une nouvelle fois sur la table basse avant de me laisser tomber à côté de Cynthia.

— Je t’assure qu’avec nous, tu ne crains rien. Si par le plus grand des hasards on devait le croiser, on te planquera.

— C’est vrai ? murmure-t-elle. Tu peux me le promettre ?

— Je te le garantis, affirmé-je. En cas de pépin, on sera là pour te cacher. Un faible sourire se forme à la commissure des lèvres de la jeune femme avant qu’elle ne commence à reprendre des couleurs.

— OK, ça me va dans ce cas.

Parfait, c’est acté, ou presque. Ne reste plus qu’à informer les autres puis trouver un moyen de transport pour nous rendre en ville.

Sans surprise, une foule s’agglutine de tout côté, le long du marché de Noël. Une agréable odeur sucrée, tantôt de churros, tantôt de crêpes, monte dans l’air. Il a beau faire froid, je me sens merveilleusement bien emmitouflée dans mon manteau.

— Ça vous dirait une boîte de macarons ? suggère Pablo, le regard tourné vers un stand.

Au fond de moi, je grimace à la vue des prix exorbitants. Les petites douceurs ne me paraissent pas aussi appétissantes que celles que j’ai déjà savourées au cours de ces dernières années. Il n’y a même pas lavande comme goût proposé.

— Je pense que ça ira, répond en première Marie.

— Pas intéressée non, on devrait trouver mieux ailleurs, ajoute Cynthia sans grande conviction.

La jeune femme ressert son écharpe autour de son cou puis s’avance d’un bon pas auprès d’un autre stand qui présente du vin chaud.

— Bonne idée, lancé-je en m’approchant.

— Vin chaud pour tout le monde ? questionne-t-elle en tournant la tête dans notre direction.

Je hoche la tête, comme tout le reste du groupe. Le jus de pomme, ce ne sera pas aujourd’hui.

— J’offre la tournée, propose Pablo.

Ainsi dit, il se glisse le premier dans la file d’attente qui, fort heureusement, est loin d’être immense. À peine quatre personnes se tiennent face à nous. Au fond de moi, je me demande si les caméras qui nous entourent n’aident pas un peu. OK, certains cherchent à attirer l’attention, des jeunes, qui à cet instant justement, s’égosillent comme des dindes devant les cadreurs. Je ne peux oublier le bonheur de mon éditrice quand je lui ai annoncé notre projet de sortie avant qu’elle n’appelle notre nouveau van réservé pour les deux prochains mois.

— À la nôtre ! s’exclame joyeusement Hector, une fois le gobelet en main.

Nous nous écartons du mieux que nous pouvons de la foule pour savourer tranquillement sans le risque de se faire bousculer.

— Aux éditions Minerve ! ajoute Estelle avec un large sourire.

Nous trinquons puis buvons une première gorgée du liquide. Le breuvage coule agréablement dans ma gorge et me réchauffe. Du coin de l’œil, je remarque qu’Eric est un peu plus agité que d’habitude. Il observe attentivement tout autour de lui, sans doute pour chercher de l’inspiration pour son projet en cours. Que ne serait pas une romance de Noël sans marché ? Bon, OK, c’est assez cliché, mais c’est réaliste. Un classique incontournable. Après, quand je regarde mon manuscrit actuel… C’est vrai que ça sort du cadre du genre.

— Dites, et pourquoi on ne ferait pas un Secret Santa ? suggère Estelle. On pourrait se séparer et chacun chercher un cadeau sur un des stands.

À mes côtés, Cynthia avale son vin chaud de travers et Pablo lui tape le dos. Je ne peux que comprendre sa réaction après ce qu’elle m’a révélé tout à l’heure, sauf que le problème, les autres ne sont pas au courant et je ne compte pas divulguer son secret.

— Pourquoi pas ? Mais comment peut-on acheter sans savoir à qui on doit ouvrir ? retourne Eric, les sourcils arqués.

Estelle passe ses doigts libres à son menton, l’air songeur avant d’offrir un clin d’œil. Il n’aura pas fallu longtemps pour qu’elle trouve une idée. D’un seul coup, elle termine sa boisson puis jette le gobelet dans une poubelle avant de revenir sur ses pas.

— Je ne sors jamais sans un carnet sur moi, avoue-t-elle en retirant un petit bloc rose de son sac à main.